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Wakashio: le rapport d’enquête ne sera pas rendu public
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Wakashio: le rapport d’enquête ne sera pas rendu public
C’est la pire des catastrophes écologiques que notre pays ait connue. La négligence des autorités, à plusieurs stades de ce naufrage, a été condamnée aux niveaux national et international. On attendait donc avec impatience les conclusions du rapport de la «Court of Investigation». Mais il ne sera pas rendu public.
Qui a fauté ? Pourquoi a-t-on laissé ce vraquier en difficulté dériver vers nos côtes ? Pourquoi ne l’a-t-on pas immobilisé après qu’il s’est drossé sur les récifs de Pointe d’Esny ? Pourquoi a-t-on mis deux semaines à pomper l’huile du navire ? Pourquoi s’est-on débarrassé de la proue du navire en haute mer malgré les conseils contraires venant même du ministre français des Outre-mer de l’époque ?
Ce sont quelques-unes des questions auxquelles la population attendait des réponses depuis deux ans et demi. Or, vendredi dernier, le Conseil des ministres a déclaré qu’il a pris connaissance des principales conclusions du rapport de la Court of Investigation sur le Wakashio – et donc pas de toutes les conclusions – et de ses recommandations. Et qu’un comité interministériel, présidé par le Premier ministre, bien sûr, a été mis sur pied pour n’examiner que ces mêmes recommandations.
Ainsi, selon ce communiqué, même le comité interministériel ne se penche sur aucun des sept points contenus dans le cahier de charges de l’enquête, sauf la deuxième partie du septième et dernier point où il est stipulé que la Court of Investigation est appelée à faire des recommandations. Rien donc, par exemple, sur la cause du naufrage ou s’il y a eu faute de la part des autorités.
Plus important, il n’est mentionné nulle part que le rapport sera rendu public. Nous avons demandé au ministère de la Pêche si ce sera le cas et l’on nous a répondu par la négative.
La population, le dindon de la farce ?
Ce qui a fait réagir David Sauvage, du mouvement Rezistans ek Alternativ (ReA). Avec Bruneau Laurette, il a été sur tous les fronts dans cette affaire. «C’est la population, surtout celle du Sud-Est, qui a souffert de ce drame ; c’est elle qui s’est jetée dans l’eau polluée pour aider à contenir la propagation de l’huile lourde. On a même invité la population à venir déposer à la Court of Investigation, ce que beaucoup ont fait. Et maintenant, on ne leur donne pas le rapport ?»
L’écologiste s’en prend surtout à l’ambassadeur du Japon à Maurice, Shuichiro Kawaguchi, qui déclarait dans une interview accordée à l’express, le 14 août 2022, qu’il allait assumer ses responsabilités. «Vous savez quoi ? Le ministère de la Pêche a demandé aux victimes – pêcheurs, skippers, etc. – de s’inscrire pour l’obtention d’une compensation. Cette liste a ensuite été remise aux Japonais qui ont rencontré plusieurs de ces victimes, et leur ont offert Rs 10 000 contre leur engagement à ne poursuivre ni les autorités mauriciennes ni les intérêts privés impliqués. C’est un véritable abus de faiblesse à l’encontre de ces personnes.»
Pour Ritish Ramful, secrétaire général du Parti travailliste, c’est d’autant plus un abus que ces personnes déjà vulnérables n’avaient pas eu l’opportunité et les moyens de consulter un légiste avant de signer cet engagement. Et de rappeler que la plupart des victimes attendent toujours leur compensation. La raison : «Une affaire est en cour.» Concernant la non-publication du rapport, le député travailliste condamne déjà la lenteur des autorités. «Alors qu’un gouvernement sérieux, qui sait combien de navires croisent près de nos côtes, aurait dû faire activer les choses.» Il s’insurge surtout contre le fait que des millions de roupies ont été dépensées pour cette Court of Investigation pour, au final, refuser de rendre publiques les conclusions.
Différentes enquêtes, différents traitements
Rappelant l’empressement avec lequel le Premier ministre avait rendu public le rapport de la commission d’enquête sur l’ex-présidente de la République, accompagnée d’une conférence de presse, Ritish Ramful trouve que ce gouvernement prouve, encore une fois, qu’il ne publiera que les rapports d’enquête qui l’arrangent et cachera ceux qui l’embarrassent. Justement, pourquoi le gouvernement voudrait-il cacher ce rapport, lui avons-nous demandé ? Est-ce que les allégations faites par Bruneau Laurette, de trafic de drogue par le Wakashio, y seraient-elles pour quelque chose ? «On a tous vu une vidéo montrant un proche du pouvoir sur le Wakashio alors qu’il n’était pas censé s’y trouver. Qu’est-ce que la Court of Investigation avait à en dire ? On aimerait bien le savoir.»
Pour David Sauvage, c’est précisément en raison de telles allégations que le gouvernement avait encore plus le devoir de rendre public ce rapport. «Il y a eu au moins négligence criminelle de la part des autorités dans cette affaire.» Il rappelle également comment le gouvernement a interdit à ReA de faire analyser l’eau de mer par des laboratoires indépendants. «Les autorités n’ont pas défendu l’intérêt public dans cette affaire, mais l’intérêt des Japonais et d’autres personnes.»
Et à propos des shows de l’ambassadeur du Japon, notamment ses cours de cuisine ? «Tout cela fait partie d’une stratégie de com. Sans plus.»
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