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Béatrice Michaud, travailleuse sociale de F.L.E.U.R.S: «Avan mo ti enn divolter»

2 janvier 2023, 17:00

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Béatrice Michaud, travailleuse sociale de F.L.E.U.R.S: «Avan mo ti enn divolter»

Maurice, cette île si jolie sur les cartes postales mais qui renferme aussi une vérité que très peu connaissent. Le seuil de pauvreté est élevé et les travailleurs sociaux le savent. Béatrice Michaud, 27 ans, est l’une de ceux qui tentent tant bien que mal de venir en aide aux nécessiteux, souvent difficilement. Après un passage au sein du groupe Les Sœurs D’armes, la jeune habitante de Quatre-Bornes compte aujourd’hui une nouvelle équipe nommée F.L.E.U.R.S (forte, libre, égalité, unité, responsabilité, solidarité).

Hormis le social, Béatrice Michaud est auxiliaire de vie mais elle jette un regard sur le passé, son passé semé d’embûches où elle avoue qu’elle était une «divolter». «À 17 ans, une situation que j’ai vécue dans la rue m’a chamboulée. J’étais ce qu’on appelle une ‘divolter’, qui posait des soucis à la famille. Mes parents disaient souvent que j’étais une fille et que je devais d’être obéissante. Néanmoins, il y avait des choses avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Une rebelle quoi. Je voulais tellement faire entendre ma voix qu’une fois j’ai même quitté le toit familial», confie-t-elle.

C’est dans les rues de la capitale vers 2 heures du matin que Béatrice Michaud fera une rencontre particulière. «Mo trouv enn SDF ar ki mo ti asizé ek kozé lor simé, parski mo pa onté. Dimounn pa ti pé konpran, ti pé koz mo kozé, mé mo ti les zot. SDF-la ti enn madam ek li ti rakont mwa kouma linn ariv la», relate-t-elle. «Cette dame me disait qu’elle avait tout pour être heureuse mais que par sa propre faute elle avait tout perdu. À ce moment-là, j’avais sur moi une somme représentant mon argent de poche. Je l’ai donnée à cette dame pour qu’elle trouve de quoi manger mais au lieu de ça, elle tenait tellement à ce que je vienne avec elle pour qu’elle me présente à d’autres personnes vivant la même situation qu’elle. Sur place, elle a pris l’argent que je lui avais donné pour le donner à une autre dame et ses deux enfants. Cette scène m’a marquée à vie.»

Béatrice Michaud s’en rappelle et dit que dès le lendemain, elle est repartie à la rencontre des SDF avec de quoi manger cette fois, en informant chez elle le but de sa mission. Cette rencontre l’aidera à comprendre l’amour que lui porte sa famille. De fil en aiguille, l’évolution de Béatrice Michaud va la pousser davantage vers le social. Elle fondera le groupe Les Sœurs D’armes. Ce groupe prend forme à la suite d’une conversation entre Béatrice et ses amies, dont Sylvana Carpen.

Dès qu’elle a eu l’idée, Béatrice Michaud en parlera à sa marraine, Marie Antoinette Brunette, qui va l’aider à mettre en place son idée, malgré les risques que cette décision pourrait comporter. «Tout s’est mis en place, nous avons cherché des filles et créé la page Facebook. Le même jour, tout a été lancé.» En décembre 2021, néanmoins, Béatrice Michaud prend la décision de confier son bébé à Sylvana Carpen, voulant vivre une aventure solo. Durant les heures de gloire du groupe Les Sœurs D’armes, les filles ont souvent démontré leur soutien aux différents activistes ayant tenu des manifestations, dont Ivann Bibi, Bruneau Laurette ou encore Darren Activiste. À travers Les Sœurs D’armes, Béatrice Michaud contribuera aussi à apporter un soutien aux squatteurs éjectés de leur maison à Pointe-aux-Sables. «Avec la participation de Nathan Julie, Bruneau Laurette, Darren Activiste et Fabrice David, député rouge, on s’était réunis autour d’un feu pour donner un Noël digne de ce nom à ces habitants.»

Une nouvelle pousse d’espoir

Aujourd’hui, Béatrice Michaud est à la tête d’un autre groupe de femmes qu’elle aide. Le groupe se nomme F.L.E.U.R.S. et fait des suivis. «On raconte nos parcours, nos échecs comme nos réussites, on ne porte point de jugement. Les femmes s’entraident et ça me rend fière», témoigne Béatrice Michaud. Une citation qu’elle porte précieusement dans son cœur est «donn pwason pa donn golet», qui lui avait été précieusement dit par celle qu’elle surnomme «Mama Elena Rioux», activiste du groupe En100ble.

Béatrice Michaud vient en aide aux enfants, comme une reconnaissance à la vie car elle n’a pas eu une enfance toute rose, après avoir subi une grosse intervention chirurgicale en Australie à l’âge de trois ans, notamment. Elle remercie l’association SACIM ; sa famille, entre autres ses grands-parents ; Nathan Julie ; R.A., qui préfère rester anonyme ; et sa marraine.

Depuis le décès de son grand-père, Béatrice Michaud s’occupe de sa grand-mère âgée de 83 ans et exerce aussi comme auxiliaire de vie. Jetant un profond regard sur son parcours, elle concède qu’elle n’a pas toujours bénéficié du soutien familial car certains aimaient son implication dans le social tandis que d’autres non. «Ma grand-mère me dit toujours : ‘fer atansion’, quand elle apprend que je soutiens Bruneau Laurette ou Darren Activiste. Mais je sais ce que je fais et que c’est pour la bonne cause.»

«On vit un calvaire à Maurice (...) nous sommes tous pauvres»

La jeune femme dresse un constat accablant de la situation actuelle à Maurice. Elle déplore un appauvrissement de la population et que la situation ait éliminé les barrières séparant les pauvres et les riches, mettant tout le monde sur un pied d’égalité. «On a tendance à croire que tout va bien parce que nous sommes tentés de suivre les effets de mode. C’est au fond de nous en tant qu’humains. Ça nous pousse à oublier l’essentiel, à oublier la dure réalité que nous vivons. On vit un calvaire à Maurice, où il n’y a plus de riches ou de pauvres. Nous sommes tous pauvres. La plus grande misère qui plane actuellement à Maurice, c’est le manque d’eau. Bien que vous possédiez un réservoir à la maison, si ceux de l’autre côté ne vous fournissent pas l’eau, vous serez privés de douche, d’eau pour votre propre consommation», dit-elle. «Lontan dimounn ti pran kadi ek enn panié ansam dan sipermarsé pou al asté komision. Aster dan plas kadi, pé bizin tir panié ek kalkilatris, mem si li éna Rs 6 000 dan ou pos!»

Béatrice Michaud confie sa vie à ses «bébés», ces enfants dont elle s’occupe et dont la plupart ont réussi aux examens du Primary School Achievement Certificate, à son plus grand plaisir. «C’est toujours touchant après avoir passé une journée sur le terrain avec eux que de voir ces petites mains qui vous saluent criant ‘bye bye’ ou ‘merci’. C’est encore plus difficile de laisser derrière moi un couple de retraités sachant qu’un des deux est souffrant ou de recevoir un appel téléphonique disant qu’une des personnes que j’aide est décédée. Chacun de ces moments, je l’ai vécu avec le cœur», confie Béatrice Michaud, les larmes aux yeux.

L’avenir, bien que difficile, s’annonce radieux pour cette militante dans l’âme. Ses futurs projets, dit-elle, elle en a confié la majeure partie entre les mains de Dieu, subissant des critiques malgré le fait qu’elle «fasse le bien». «Si vous croyez en l’univers et demeurez positif, vous n’attirez que du positif. Partagez avec le cœur et jamais vos portes ne se fermeront. Même à la dernière minute, une petite lumière d’espoir se présente.» Comme tout le monde, Béatrice Michaud a des rêves et des espoirs. Elle espère qu’un jour, la pauvreté, la drogue ou encore les maladies ne seront que des souvenirs.