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Taux d’intérêt trop bas alors que le «repo rate» a explosé depuis juillet 2022

18 janvier 2023, 21:00

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Taux d’intérêt trop bas alors que le «repo rate» a explosé depuis juillet 2022

Selon certains, la Mauritius Investment Corporation n’aura servi qu’à alimenter l’inflation en augmentant l’offre de liquidités, créées «from thin air», et en venant en aide à de gros bonnets. Pour d’autres, sans les fonds de la MIC, la fermeture de l’économie pendant plus de deux ans aurait pu avoir un impact négatif durable sur notre pays et l’emploi. En tout cas, voici ce qui ressort de son bilan 2021/2022, pas encore publié.

Ce qui est certain, c’est que sans la vigilance de l’opposition, notamment de Xavier Duval par le biais de ses Private Notice Questions, et celle de la presse, des milliards de cette institution auraient pu tomber entre de mauvaises mains. Même au gouvernement, ils sont plusieurs à réaliser que les dénonciations ont permis d’alerter sur certaines tractations de la part de deux ou trois directeurs. Ce qui a sans doute aidé à stopper net la générosité envers des proches du pouvoir, comme cet entrepreneur immobilier dont la gourmandise a commencé à agacer en haut lieu. «De plus, si la MIC allait avancer de l’argent à cet homme d’affaires, des centaines de millions allaient être perdues», nous dit-on.

Dans les bras de Morphée

En tout cas, nous fait-on comprendre, ce n’était pas la présence de Lord Meghan Desai qui a fait barrage à ces demandes injustifiées de prêts. Ainsi, un ancien membre du board raconte comment l’économiste britannique somnolait souvent durant les réunions tenues à travers Zoom et laissait ainsi la voie libre à un directeur qui prenait alors la direction des débats. D’ailleurs, un des regrets des membres présents est que ce personnage, plutôt poseur devant les caméras, soit demeuré à la MIC jusqu’aujourd’hui. Mais le mal est déjà fait.

Le dernier bilan de la MIC, pour 2021/2022, pas encore rendu public, afficherait des bénéfices de l’ordre de Rs 2,2 milliards. De ce montant, toutefois, Rs 1,3 milliard proviendrait d’une réévaluation des actifs détenus dans un projet immobilier pas encore achevé et Rs 300 millions de celle des terrains acquis par la MIC. Évaluation qui pourrait être sujette à des variations, fait-on remarquer. Rs 272 M représentent aussi une réévaluation mais elle concerne des actifs obligataires placés dans d’autres entreprises d’une valeur de Rs 14,6 milliards, principalement le secteur hôtelier. (NdlR, On nous explique que ce ne sont pas vraiment des prêts mais des obligations ou corporate bonds.)

Bref, Rs 1,9 milliard représentent une réévaluation des actifs, pas réellement des rentrées d’argent. D’autre part, Rs 391 M ont bien été perçues comme intérêts qui, ajoutées à ce Rs 1,9 milliard, ont donné Rs 2,2 milliards de bénéfices. Cependant, ces intérêts sont bien en deçà de ce qu’ils auraient pu être. Pourquoi ?

Il faut savoir que le taux applicable était de 3,5 % pour les premiers déboursements vers les hôtels, dont environ Rs 14,7 milliards (Beachcomber, Lux, Sun Resorts, etc.) et Rs 25 milliards pour Air- port Holdings Ltd (AHL). Mais ce ne furent qu’environ Rs 7 milliards accordées à partir de juillet 2022 qui l’ont été à un taux fluctuant avec l’augmentation du repo rate. Donc, le gros des prêts, soit Rs 40 milliards, a été financé à 3,5 % pour une période de neuf ans.

Taux trop bas

Ce taux réduit de 3,5 % est loin des taux pratiqués par les banques commerciales – 7 à 8 % actuellement et 6 à 7 % avant juillet 2022. Donc, presque la moitié du taux commercial. Une véritable aubaine pour ces emprunteurs! L’intervention de la MIC était souhaitable cependant, car même si les banques commerciales regorgeaient de liquidités, elles étaient surexposées par rapport à certains secteurs comme l’hôtellerie et certains clients ou groupes en particulier.

À part le taux bas, un autre avantage accordé par la MIC concerne les intérêts payables tous les six mois. Il y aurait certaines entreprises pour lesquelles cette facilité a été étendue à neuf mois. Toutefois, on n’a pas toutes ces informations, cruciales d’ailleurs.

Nouvel avantage pour l’emprunteur : le capital du prêt n’est remboursable qu’à la fin du contrat. Encore une fois, on ignore quel délai de remboursement les clients ont obtenu et si tous ont eu droit à un maximum de neuf ans. C’est pour toutes ces raisons que ces entreprises se sont tournées vers la MIC au lieu de leurs banquiers traditionnels. Ces avantages ont aussi suscité la convoitise d’«entrepreneurs» proches du pouvoir, dont certains ne l’étaient vraiment pas mais qui ont quand même pu obtenir l’aide de la MIC.

Retours donc plutôt riquiqui pour la MIC, et la situation est aggravée, si l’on peut dire, par les récentes hausses du coût de l’argent, c’est-à-dire du taux d’intérêt à la suite de plusieurs augmentations du repo rate. Toutefois, on ne sait pas si ces taux bas affectent la MIC puisqu’elle n’emprunte pas, elle, mais utilise l’argent de la Banque de Maurice. En tout cas, un manque à gagner immense pour la MIC qui aurait pu se rattraper si elle n’avait pas conclu des prêts à taux fixe qu’elle aurait pu autrement augmenter après la hausse du repo rate.

Le plus inquiétant est à venir. Si jamais ces entreprises qui ont bénéficié de «l’aide» de la MIC n’arrivent pas à rembourser, celle-ci convertira leurs prêts en actions. La MIC entrera ainsi de plain-pied dans l’actionnariat de ces entreprises. Cela ne se décidera pas nécessairement au bout de neuf ans – la période de remboursement – mais pourrait bien intervenir avant ces neuf ans car la MIC n’attendra pas cette longue période et que la situation devienne intenable pour le faire. Enfin, on l’espère. Après tout, que la MIC le fasse au bout de neuf ans ou avant, ce sera lorsqu’elle réalisera que l’entreprise n’est pas rentable. Donc, la MIC s’est un peu portée garante contre toute faillite et deviendra propriétaire partielle d’une entreprise en faillite ! La MIC pourra-t-elle redresser une société privée en faillite ou presque ? Personne n’y croit.

Taux de rachat prédéterminé

Mais il y a plus. Le rachat des actions par la MIC en cas de non remboursement sera fait à un taux prédéterminé au début du contrat de prêt. Cela, même si le prix de l’action de l’entreprise est en hausse ou en baisse. Si l’entreprise ne rem- bourse pas ses prêts à la MIC, ce serait logiquement parce qu’elle est en mauvaise santé et que le prix de ses actions dévisse. Or, le rachat se fera au prix déterminé en 2021 ou 2022 qui en lui-même n’est pas mauvais, puisque calculé selon une méthodologie éprouvée. Souhaitons que la MIC n’attende pas que le prix de l’action devienne plus bas que celui fixé.

D’autre part, si les entreprises secourues, notamment les hôtels, deviennent rentables et s’il n’y a pas de Covid ou de peur du virus, la MIC ne convertira pas ses prêts en actions. Elle ne «perdra» donc pas d’argent mais elle aura subi quand même durant la période de l’emprunt des manques à gagner relatifs au faible taux d’intérêt imposé au premier groupe d’entreprises qui ont bénéficié de prêts durant la période Lord Desai. Toutefois, cela sera aggravé si le taux bancaire demeure élevé.

Existe-t-il un risque que certaines entreprises affichent des pertes alors qu’elles sont en bonne santé ? On nous fait comprendre que ces hôtels ne permettront pas à la MIC d’entrer dans leur capital. D’autant qu’ils ont bénéficié d’un taux de seulement 3,5 %. Ils auront donc intérêt à jouer la transparence et ne pas gonfler par exemple leurs dépenses pour payer moins d’impôts.

Non à MEL et à la SIC

La State Investment Corporation (SIC) et Metro Express Ltd (MEL) avaient proposé à la MIC d’acheter leurs actifs. La MIC a refusé, surtout après le déluge de critiques qu’elle a essuyées après les premiers déboursements aux petits copains. «Si la MIC avait accepté, nous dit un financier, cela équivaudrait à encore ‘throwing good money after bad’», comme on l’avait dit après l’injection de Rs 25 milliards de la MIC dans AHL. La SIC cherche maintenant d’autres repreneurs pour certains de ses actifs. Quant à MEL, on ne sait pas si elle recherche des repreneurs pour apporter de l’argent frais. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement, lui, cherche par tous les moyens à combler ses déficits, fut-il «en puisant de la poche gauche qu’est la MIC pour mettre dans la poche droite qu’est le Trésor».

Cabinet juridique, pas comptable

Ce sont deux cabinets d’avocats qui ont conseillé la MIC, selon nos informations. On nous fait comprendre que tout ce qui concerne la comptabilité a été assuré par une équipe de la Banque de Maurice. Encore une fois, on espère que ces cadres ont bien fait leurs calculs même s’ils ne sont pas expérimentés dans les prêts commerciaux. À voir le taux fixe de 3,5% choisi au départ, on se demande s’ils sont aptes. À noter que c’est la BoM elle-même qui a décidé quelques mois plus tard d’augmenter le «Repo Rate» !