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Affaires Whitedot-Sunkai: l’«arnaqueur» se la coule douce au Canada

13 février 2023, 13:00

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Affaires Whitedot-Sunkai: l’«arnaqueur» se la coule douce au Canada

À quasi pareille époque en 2013, son nom était dans tous les journaux. Dominique Narsoomamode, soupçonné d’avoir quitté Maurice avec au moins 10 % du butin des ponzi Whitedot et Sunkai, n’a jamais donné signe de vie. Dix ans plus tard, nous l’avons retrouvé. Il vit paisiblement à Montréal, au Québec. La police mauricienne disait pourtant à l’époque avoir demandé à Interpol d’arrêter Narsoomamode.

Dominique Narsoomamode est employé d’une grande banque au Canada et pasteur à Montréal

● Des doutes sur l’alerte Interpol émise par le CCID contre le suspect

● Il avait quitté Maurice trois jours après les plaintes des victimes

● L’Église où officie Narsoomamode menace  

Il est méconnaissable. Il n’y a aucune ressemblance entre l’homme qui officie aujourd’hui comme pasteur à l’Église UPC NDG Harvesters au Québec et le détenteur du passeport mauricien 1281199 émis le 12 août 2011 et qui a expiré le 11 août 2021. En douze ans, Dominique Narsoomamode a perdu ses cheveux et pris du poids.

Selon notre enquête, c’est ce même passeport qu’il a utilisé le 30 mars 2013 pour rallier Paris à bord du vol AF3591. La date de son départ de Paris vers le Canada n’est pas connue mais trois jours avant ce vol de Maurice vers Paris, des centaines de victimes des Ponzi Whitedot et Sunkai s’étaient rendues au Central Criminal Investigation Department (CCID) pour porter plainte. Ces «investisseurs» avaient donné suite à un communiqué de la Banque de Maurice (BoM) qui avait eu vent que ces deux sociétés, qui ne détenaient ni licence de la BoM, ni celle de la Financial Services Commission (FSC), régulatrice des sociétés financières non-bancaires, recevaient des investissements de nombreux clients en promettant des dividendes anormalement élevés.

«As soon as it came to the FSC’s attention that these entities (Sunkai and Whitedot) have been offering abnormally high-yield investments, the FSC set up teams to look into the operations and activities of the companies», dira la FSC dans un autre communiqué le 26 avril 2013. La FSC expliquera aussi qu’elle travaille de concert avec le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) et le CCID.

Entre-temps, le nom de Dominique Narsoomamode est apparu et les autres directeurs et gestionnaires des fonds, en état d’arrestation, se sont mis à parler. Dominique Narsoomamode a été dépeint comme un «collecteur de fonds» pour Whitedot. Selon les comptes de l’époque, il aurait, au moment de l’éclatement du scandale, eu en sa possession environ plus de Rs 60 millions, soit plus de 10 % de la somme totale des investissements des clients de ces deux comptes (au total Rs 700 millions ont disparu). À l’époque, la police assurait qu’Interpol avait été alerté et qu’un mandat d’arrêt international avait été émis contre cet ex-employé de banque.

Dominique Narsoomamode officie aujourd’hui comme pasteur à l’Église UPC NDG Harvesters, à Montréal.

Or, il ne semble pas que Dominique Narsoomamode ait été le moindrement inquiété. L’homme vit librement au Canada où une victime – qui s’est aussi installée au Canada – a tenté de le confronter. Elle l’a abordé il y a quelques mois après une des sessions de prière d’une église où Narsoomamode officie comme pasteur. Une altercation verbale s’en est suivie et la police a même été mandée sur les lieux. Au final, il ne s’est rien passé même si la victime du fonds Whitedot expliquait aux policiers que son interlocuteur était recherché par Interpol.

Or, selon le témoignage de cette victime, les policiers ont effectué une recherche et n’ont rien trouvé contre lui dans leur base de données. Du coup, la principale question est celleci : Interpol a-t-il vraiment été alertée ? Le CCID a-t-il vraiment émis un mandat d’arrêt international contre Narsoomamode ? Pour cause, celui-ci n’a même pas changé son identité et – alors qu’il est soupçonné de fraude massive à Maurice – il a trouvé de l’emploi dans une des plus grandes banques commerciales du Canada.

Mais la vie de Narsoomamode n’est pas pour autant un livre ouvert. Il est totalement absent des réseaux sociaux classiques, que sont Facebook, Twitter, LinkedIn (sauf via les pages YouTube et Facebook de l’Église UPC NDG Havesters où les sessions de prière sont streamed). C’est via cette église que nous avons tenté de le joindre pour lui donner la chance de s’expliquer.

Dominique Narsoomamode, en fait, depuis 2013, s’est muré dans un silence absolu, même si plusieurs articles de presse le clouaient au pilori. Mais le directeur, Benjie Terrible, a refusé de transmettre notre requête au principal concerné en nous menaçant. «One guy from here accused him already and the guy was warned by the Police in Montreal and gave him a (sic) restraining order. We will report you also if you don’t stop», nous a-t-il répondu par e-mail.

À Maurice, pendant ce temps, des dizaines de victimes de Whitedot et Sunkai maintiennent avoir remis de grosses sommes d’argent à Dominique Narsoomamode. Dans une déclaration officielle à l’express, Kaviraj Bokhoree, l’avoué des victimes maintient ce qui se sait déjà : «Dominique Narsoomamode has got away with a substantial sum of money.»

Par contre, le Police Press Office n’a pas été en mesure d’affirmer, en réponse à une victime qui a demandé cette information précise, si les Casernes centrales avaient bel et bien émis, via Interpol, un mandat d’arrêt international contre Dominique Narsoomamode. Cinq autres directeurs et protagonistes des sociétés Whitedot et Sunkai, dont l’ex-conseillère municipale Bhimla Ramloll et son époux, eux, sont bel et bien poursuivis pour blanchiment d’argent ou escroquerie devant la Financial Crimes Division. Ils attendent tous l’issue de leur procès en ce début d’année. Le jugement du couple Ramloll, qui devait être rendu le 26 janvier, a été reporté pour cause de pluies torrentielles.

Nous avons aussi pu consulter des échanges de mails entre la FSC et l’auteur d’une nouvelle plainte contre Narsoomamode le 29 novembre 2022. La FSC répond officiellement qu’elle enquête déjà sur cette affaire depuis 2013.

L’express travaille actuellement sur un deuxième volet de cette affaire pour répondre à cette question : Narsoomamode, a-t-il, en 2013, bénéficié d’un coup de pouce d’un éminent politicien dans sa fuite vers le Canada ? À l’époque, Alan Ganoo, leader de l’opposition avait, à l’Assemblée nationale, demandé à XavierLuc Duval, alors ministre des Finances, de dire si un protagoniste s’était fait la malle et si oui, est-ce qu’un mandat d’arrêt international avait été émis contre lui ? XavierLuc Duval avait répondu qu’il ne détenait pas une telle information.