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Vincent Florens: «A éviter de planter des arbres à bois mou»
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Vincent Florens: «A éviter de planter des arbres à bois mou»
Vincent Florens, Associate Professor en écologie à l’université de Maurice, nous parle des effets d’un cyclone sur l’érosion terrestre et côtière. Il met en garde également sur le danger de l’apparition de certains arbres comme le tulipier du Gabon qui est très vulnérable aux vents cycloniques.
Q : Si Freddy vient effectivement nous visiter, quels sont les dommages auxquels on peut s’attendre ?
R : Je note que le cyclone enregistre des rafales de l’ordre de 320 km/h près de son centre. Il est prévu qu’il passera à plus de 150 km de nos côtes. Mais si un tel cyclone devait nous passer dessus on verrait des impacts très sévères comme on en a pas vu depuis plusieurs décennies, fort probablement pire que le cyclone Hollanda en 1994.
R : Concernant l’agriculture ?
L’agriculture serait particulièrement affectée évidement par les très fortes rafales d’une part et l’excédent d’eau d’autre part, mais aussi par les dégâts aux infrastructures qu’un tel cyclone engendrera et les délais de récoltes, de transport et d’écoulement des produits entre autres.
Q : Et les arbres qui sont devenus plus fragiles … ?
R : Les arbres à Maurice n’ont pas connu de grands cyclones depuis assez longtemps, et ont donc continué à pousser tranquillement. Beaucoup, surtout ceux qui n’ont pas été élagués entre temps, seront donc définitivement plus vulnérables aux rafales d’un tel cyclone. De plus, malheureusement, je note à Maurice une recrudescence de plantes particulièrement inadaptées aux conditions cycloniques. Ce sont des plantes à croissance rapide donc à bois relativement mou qui se casseront facilement dans les cyclones. Par exemple le Spathodea, ou Tulipier du Gabon, espèce qui est de plus envahissante des milieux naturels. Il est mal inspiré de planter des arbres introduits, à bois mou alors que la fréquence et l’intensité des cyclones vont continuer à s’empirer dû à la crise climatique.
Q : Et l’érosion de nos côtes ?
R : Effectivement, les grosses houles cycloniques vont continuer à grignoter les zones côtières d’autant plus que cette érosion est déjà amplifiée par la hausse graduelle et constante du niveau de la mer directement liée à la crise climatique. Ajoutez à cela les dégradations causées par les multiples activités humaines (pollutions, surpêches, déforestation et bien d’autres), qui sont autant d’agressions sur les barrières récifales, les mangroves, et la côte en général, qui convergent pour diminuer la capacité des écosystèmes côtiers à protéger les côtes. J’étais samedi sur une falaise du sud et j’ai pu constater ce genre d’érosion. Mais nos plages disparaissent aussi…
Q : Et les érosions terrestres, comme au Morne dernièrement ?
R : Oui, évidement de tels risques d’érosions et de glissements de terrain augmenteront au cours du passage d’un fort cyclone, d’autant plus que d’autres facteurs nous prédisposent déjà vers de tels résultats, tels que les destructions de couverture végétales qui continuent à empirer à Maurice. Dans des zones comme au Morne ou à la Montagne du Pouce, la mauvaise gestion des sentiers contribue à les tourner littéralement en rivières en temps de pluies, exacerbant une érosion localisée. Par contre il faut aussi se rappeler que les zones pentues sont naturellement dynamiques et vulnérables aux érosions, comme on a l’a bien vu avec des glissements de terrain sur la Montagne du Corps de Garde très récemment ou encore à la Montagne du Pouce il y a quelques années de cela. Et puis, il y a des décisions décidément foireuses. Par exemple cette semaine j’ai vu une tractopelle remontant une rivière à Vacoas pour littéralement creuser le lit de la rivière. En d’autres mots, dépenser des sous pour augmenter l’érosion !
Q : Peut-on s’attendre à des inondations et accumulations d’eau ?
R : Certainement. De tels cyclones apportent beaucoup de pluie en très peu de temps. Déjà qu’on a eu de grosses pluies récemment qui ont dû pas mal remplir les nappes phréatiques réduisant donc les capacités d’absorption des sols, renvoyant donc plus d’eau à couler en surface. Les inondations seraient d’autant plus aggravées par le taux exceptionnellement élevé de surface dur et imperméable du pays (bétons et asphalte etc.), qui rappelons-le encore, est déjà parmi les pires au monde. Ajoutez à cela le cumul depuis longtemps d’une planification urbaine et du territoire encore bien mal adaptée aux situations de fortes pluies. Par contre, il faut noter la relative grande vitesse de déplacement du cyclone et de ses masses nuageuses, ce qui amoindrirait la quantité de pluies qu’il nous donnera à un lieu donné.
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