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Maurice pas à l’abri de puissants cyclones

22 février 2023, 16:00

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Maurice pas à l’abri de puissants cyclones

Freddy joue dans la cour des grands désormais. Il occupe la pole position du classement de cyclones de l’hémisphère sud, selon l’Accumulated Cyclone Energy (ACE) et il devrait faire son entrée dans le Top 5 mondial. Cette cinquième place était jusqu’ici occupée par l’ouragan Irma qui avait dévasté les Caraïbes en 2017 et était considéré comme étant l’ouragan le plus puissant enregistré dans l’océan Atlantique. L’Accumulated Cyclone Energy un est un index de mesure utilisé par la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis qui prend en considération la vitesse des vents générés toutes les six heures pour noter un cyclone. Il y a également d’autres index pour mesurer la puissance d’un cyclone tels que l’échelle de Saffir-Simpson

. Si Freddy est considéré comme l’un des cyclones les plus puissants que la planète ait connus selon les critères de l’ACE, c’est en raison de sa longévité et de sa force. Ce cyclone a pris naissance dans la zone australienne le 6 février, d’où le nom de Freddy. Il est devenu cyclone tropical le 7 février pour mettre le cap vers l’ouest de l’océan Indien. Pendant tout son périple, qui s’arrêtera dans un premier temps sur la côte est de Madagascar, après une distance de 7 700 kilomètres environ, Freddy ne s’est jamais affaibli. Il est même devenu un cyclone tropical intense le 13 février, pour obtenir le statut de cyclone tropical très intense deux jours plus tard. Freddy a touché la côte est de Madagascar hier avec le statut de cyclone tropical.

Il faut en tirer des leçons. Est-ce qu’on aura des cyclones aussi puissants plus souvent ? Suresh Boodhoo, un ancien directeur de la météo, croit que tel sera le cas. «Le changement climatique pourra être responsable de la formation de cyclones très puissants. Il faut savoir que l’océan est de plus en plus chaud. La température de la mer est un des facteurs nécessaires pour une formation cyclonique. Nous notons que non seulement la surface de l’océan est plus chaude, mais c’est également le cas en profondeur. Donc, l’énergie océanique est en abondance. La nature fera le nécessaire pour partager cette quantité d’énergie. Ce partage est fait à travers des cyclones ou des zones nuageuses contenant des orages qui s’étalent de plus en plus sur de grandes étendues dans l’atmosphère», explique-t-il.

Toutefois, Suresh Boodhoo n’a pas été impressionné par la force de Freddy. Il estime que cette partie de l’océan Indien a connu d’autres cyclones aussi puissants. Il fait référence au cyclone intense Gervaise. D’après les archives, ce cyclone est passé sur Maurice le 6 février 1975 avec des vents de 277 km/h enregistrés à Mont-Désert-Alma. Il a également en tête le cyclone intense Claudette qui avait généré des vents de 221 km/h à Plaisance en décembre 1979. Dans le cas de Freddy, il faut attendre qu’il touche les terres pour mesurer la vitesse du vent autour de l’œil. La météo mauricienne estimait que le vent soufflait à environ 300 km/h lundi matin, mais bien qu’il ait perdu légèrement sa belle allure hier après-midi, il demeurait toujours un cyclone avec des vents estimés à 165 km/h près du centre.

En termes de longévité, Suresh Boodhoo rappelle que le cyclone intense Eline a fait mieux que Freddy en l’an 2000. Baptisé Léon par la météo australienne, il a changé de nom en entrant dans la zone suivie par Météo Maurice. Ce système avait vu le jour le 1er février au nord-ouest de l’Australie pour se dissiper sur la Namibie le 29 février, après avoir parcouru 11 000 km. «Nous aurons des cyclones aussi forts que Gervaise ou Freddy, mais les facteurs doivent être réunis. L’un d’eux est déjà présent. Le réchauffement de l’océan est l’un de ces facteurs», dit-il.

Son ancien collègue, Subiraj Sok Appadu, qui a également été directeur général de la station météo, nous réfère également aux archives pour nous rappeler que cette partie de l’océan Indien a connu des cyclones puissants dans le passé et il maintient que nous en aurons d’autres. Cependant, il se réfère à une étude effectuée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui a étudié l’impact du changement climatique sur les cyclones tropicaux. «Je faisais partie de ce groupe à un moment. Leur conclusion est que les cyclones tropicaux seront de plus en plus forts avec une pression atmosphérique très basse. Ils auront des rafales dévastatrices accompagnées de pluies torrentielles. Ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont des experts. Il faut s’attendre à des cyclones plus forts dans cette région de l’océan Indien», insiste-t-il.

Côtes affectées

Ce n’est pas tout. Il fait référence également à un rapport que Météo Maurice avait publié en 1997 sur le changement climatique. Une partie de ce rapport fait part de la montée des eaux. Les météorologues avaient écrit que pour chaque millimètre que le niveau de la mer gagne en raison du réchauffement climatique, les côtes allaient être submergées par un mètre d’eau. Il n’a pas été surpris que l’onde de tempête ait provoqué des inondations dans l’Est et le Nord-Est du pays, causant des dégâts sur des plages devant les hôtels. «Il faut s’attendre également à ce que nos côtes soient de plus en plus affectées par des cyclones.»

Suresh Boodhoo soutient ses dires. Le niveau de la mer, dont la hausse est provoquée par le changement climatique, y est pour quelque chose, bien que le passage de Freddy au large de Maurice ait coïncidé avec la marée haute.

Par ailleurs, Sunil Dowarkasing, ancien stratégiste de Green Peace et consultant en environnement, affirme que Freddy vient de prouver que les différents rapports ont raison. «Ce cyclone vient de confirmer que nos côtes sont vulnérables, comme l’ont écrit plusieurs experts en réchauffement climatique et dans la protection de la zone côtière. Ces rapports dorment quelque part. La montée du niveau de la mer a dépassé les prévisions dans certaines régions, notamment dans l’Est. Il y a également des constructions qui n’ont pas respecté les normes légales. C’est pour cette raison qu’il faut agir contre elles dès maintenant. Nous aurons d’autres cyclones comme Freddy ou encore plus puissants. Ce sera probablement catastrophique s’ils passent plus près de nos côtes.» Si rien n’est fait, maintient le consultant, Maurice perdra ses plages dans quelques années.

Enala prépare son entrée

<p>Freddy ne s&rsquo;est pas encore dissipé, voilà une autre tempête tropicale modérée qui pourrait faire son apparition au sud de Diego Garcia. C&rsquo;est ce que prévoit Météo France. Si cette prévision s&rsquo;avère, elle sera nommée Enala, un prénom malawite. Toutefois, elle ne devrait pas influencer le temps dans les îles des Mascareignes. D&rsquo;après les modèles numériques, ce système devrait prendre une direction du sud et il passerait loin à l&rsquo;est de Rodrigues au début du week-end. Il faudra s&rsquo;attendre à d&rsquo;autres formations cycloniques pendant les prochaines semaines car la saison cyclonique ne prend fin que le 15 mai. Dans son &laquo;<em>Summer 2022-2023 Outlook</em>&raquo;, publié en décembre, Météo Maurice prévoit la formation de sept à neuf tempêtes dans cette partie de l&rsquo;océan Indien. Pour l&rsquo;heure, il y a sept systèmes qui ont suscité l&rsquo;intérêt des agences météorologiques du sud-ouest de l&rsquo;océan Indien. Parmi eux, Freddy et Darian ont été formés dans la région australienne avant de traverser le 90&deg; est pour entrer dans notre zone.</p>