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Jean-Pierre Dalais: «Qu’il s’agisse de Madagascar, de l’Inde ou de l’Afrique de l’Est, le potentiel est immense»
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Jean-Pierre Dalais: «Qu’il s’agisse de Madagascar, de l’Inde ou de l’Afrique de l’Est, le potentiel est immense»
Le directeur exécutif s’explique sur la performance prépandémique que le groupe Ciel a retrouvée, sur la base d’un plan à long terme visant à repenser son organisation, tout en initiant des transformations stratégiques. Il insiste sur sa présence en Asie et en Afrique pour ouvrir de nouvelles perspectives à l’échelle internationale.
L’ensemble des grands groupes semblent avoir retrouvé leur situation prépandémique. Dans ce paysage, le groupe CIEL se détache en affichant l’une des plus fortes profitabilités, couplée à un bon maintien de son ratio d’endettement. À quoi attribuez-vous cette performance ?
Le groupe CIEL enregistre en effet une belle performance pour ce premier semestre, avec un bond de son chiffre d’affaires à Rs 18,1 Mds, comparé à Rs 13,2 Mds en 2021, et surtout un bénéfice de Rs 2 milliards. Tous nos pôles ont renoué avec la profitabilité depuis la fin de la dernière année financière et maintiennent leur croissance. La dynamique dans l’ensemble est bonne et cela devrait se refléter dans les résultats annuels du groupe. Ce sont les fruits d’une stratégie à long terme que nous récoltons; une stratégie de diversification de nos actifs dans des secteurs tous porteurs. Nos six secteurs d’activité présentent tous des perspectives de croissance durable; et l’immobilier, qui démarre tout juste, a un fort potentiel. Nous devons aussi notre performance à la bonne assise que nous avons établie avec beaucoup de persévérance dans des zones géographiques à développement rapide, notamment en Afrique et en Inde.
Ces trois dernières années, sous l’effet de la pandémie, nous avons repensé notre organisation et initié des transformations stratégiques. Dans la plus stricte discipline, nous avons procédé à une réduction des coûts dans l’ensemble du groupe afin de protéger notre marge opérationnelle, générer de la trésorerie et contrôler notre niveau d’endettement dans un environnement difficile. Nous avons su ajuster nos différents business models, en leur insufflant l’agilité adéquate pour qu’ils puissent se développer sur de nouveaux marchés. Tout cela a été rendu possible grâce à l’excellence de nos talents, les femmes et les hommes de notre groupe.
Deux clusters contribuent grandement à la forte profitabilitéde ce semestre. L’hôtellerie d’abord, qui a un connu un redressement exceptionnel : la réouverture du pays, la solide collaboration entre les secteurs public et privé, la restructuration de Sunlife et la très bonne saison ont permis au pôle d’augmenter de plus de 100 % son chiffre d’affaires pour atteindre Rs 4,1 Mds. Ensuite, nos activités textiles continuent de se développer, portées par la croissance de nos productions en Inde et à Madagascar. La performance de nos activités bancaires est également en nette croissance, avec un produit plus élevé et une progression significative des résultats nets. C-Care International, le pôle santé, a généré de bons résultats, avec des taux d’occupation plus élevés marquant un retour à la normale après la période de Covid. Le bilan du groupeest très sain, l’endettement est bien géré avec une dette à l’EBITDA à un multiple de 2,6 et le gearing reste stable à hauteur de 33 % malgré l’acquisition par le groupe d’une participation de 25 % dans le capital de CIEL Finance.
La bonne performance du textile-habillement explique en grande partie vos bons résultats semestriels. Ne craignez-vous pas un ralentissement de ce pôle dans un environnement dit de récession ?
C’est certainement une belle performance que réalise ce pôle, qui reste notre principal contributeur, avec un chiffre d’affaires en croissance de 28 % par rapport au premier semestre 2021. Cette performance s’explique par une forte demande en Europe et aux États-Unis au lendemain de la pandémie. L’Europe reste toutefois notre principal marché avec 45 % des ventes. Mais il est vrai que le secteur de l’habillement reste fortement tributaire des enjeux macro-économiques et géopolitiques. La difficulté à cerner les tendances de ce secteur avec exactitude appelle certainement une attitude prudente.
Cela dit, un autre mouvement nous semble particulièrement intéressant et pourrait compenser le ralentissement de la demande: une migration rapide de l’approvisionnement hors de la Chine. Comme vous le savez, ce pays domine l’industrie depuis longtemps, mais pour de nombreuses raisons, d’autres producteurs d’Asie, notamment le Bangladesh, le Vietnam et l’Inde, grignotent ses parts de marché. Non seulement la Chine semble vouloir se concentrer sur d’autres industries, mais sa guerre commerciale avec les États-Unis pousse certaines grandes marques du textile habillement à rediriger leurs commandes vers l’Inde, entre autres pays. Avec sept usines en Inde et un solide savoir-faire en fabrication dans la région, nous sommes stratégiquement positionnés pour tirer avantage de cette mouvance. De grandes marques qui se sont approvisionnées historiquement en Chine, frappent à notre porte. Agrandir ainsi notre portefeuille clients, qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de marques, nous sera bénéfique, car cela réduit tout risque de dépendance sur quelques clients. Notre position de leader dans la fabrication de chemises sur le continent indien, notre longueur d’avance en matière technologique et digitale ainsi que nos investissements en RSE nous offrent d’immenses possibilités de croissance.
Le fait que nous ayons deux hubs de production – l’Asia Hub et l’Africa Hub – est un de nos atouts. Maurice et Madagascar représentent 60 % de notre production. Nous avons réussi une belle intégration verticale dans la région, rendant ces deux îles complémentaires. Nous avons déplacé à Madagascar nos opérations de tissage et créé, grâce à un partenariat avec Socota, la plus grande usine de la région. Avec ce hub, nous bénéficions d’un accès libre aux États-Unis et d’une solide base pour fournir les marchés européens et ceux d’Afrique subsaharienne.
De même, l’hôtellerie n’est pas tout à fait sortie d’affaire si on tient compte des risques de récession dans certains pays européens, dont le Royaume-Uni. Êtes-vous optimiste de pouvoir maintenir le même taux de croissance de votre pôle hôtelier ?
Au lancement de Sunlife et de sa nouvelle philosophie Come Alive, en décembre, nous avons senti les tour-opérateurs et agences de voyages très réceptifs. Pour ces partenaires, la démarche d’enrichir l’offre hôtelière en créant de nouvelles expériences pour le voyageur répond tout à fait aux nouvelles attentes, aux nouvelles tendances. Le fort taux de fréquentation, pendant cette saison haute, l’a d’ailleurs confirmé et je pense que nous avons des produits hôteliers adaptés à la demande mondiale qui continuera à augmenter, selon les observateurs du voyage.
Notre pôle hôtelier sort renforcé de cette année de reprise. Restructuré, il a amélioré nettement ses marges grâce à des gains en efficacité opérationnelle, un repositionnement de la marque et une équipe consolidée. En multipliant par six ses résultats, par rapport au premier semestre pré-Covid, ce pôle s’affirme comme une activité prometteuse, mais aussi plus agile face aux incertitudes. Depuis avril 2022, nous atteignons un rythme de croisière bien supérieur aux niveaux pré-Covid. Il reste encore du travail à faire pour pérenniser cette reprise touristique, mais les acteurs du public et du privé maintiendront, j’en suis convaincu, le dialogue qui a permis la mise en œuvre de la stratégie de réouverture et de relance.
Entre sécheresse et cyclone, quelles sont les perspectives pour le sucre ?
À ce stade, il est encore trop tôt pour avoir une analyse précise des effets de la pluviométrie et de la saison cyclonique sur nos cultures. Mais le prix auquel se vend le sucre sur le marché actuellement est encourageant; cela devrait contribuer à réduire l’endettement du secteur. Les rendements des deux nouvelles entités, Alteo et MIWA Sugar, qui regroupent nos activités mauricienne et africaine respectivement, sont positifs. Le sucre de Tanzanie et celui du Kenya se négocient à un prix très intéressant. Dans les deux pays, nous avons connu l’une de nos meilleures années en termes d’efficacité et de productivité et la hausse des prix a compensé les pressions inflationnistes.
Comment le groupe CIEL se positionne-t-il à l’ère de la nouvelle normalité ? Nous travaillons activement sur notre nouvelle stratégie ; elle consistera essentiellement à construire sur des bases encore plus solides notre portefeuille diversifié. En capitalisant sur nos acquis, nous pensons pouvoir améliorer de manière significative nos bénéfices pour l’exercice en cours. Notre objectif est de continuer à accroître nos parts de marché dans chaque secteur d’activité et à générer de meilleures marges, en somme, à être meilleurs dans ce que nous faisons déjà. CIEL se développera certainement davantage dans les régions où le groupe est présent. Nous saisirons toutes les opportunités et maintiendrons la dynamique. Qu’il s’agisse de Madagascar, de l’Inde ou de l’Afrique de l’Est, le potentiel est immense. La population est en forte croissance et ce sont des marchés intéressants à servir.
Cela dit, nous resterons prudents et construirons sur notre riche expérience à l’internationalisation pas à pas. Ce plan stratégique intégrera pleinement les aspects de développement durable. Conscients des enjeux, nous accélérons nos efforts en matière de réduction d’impact carbone et d’amélioration des conditions de travail. Du côté de l’égalité du genre, nous déployons résolument les différents volets de notre programme Go Beyond Gender : il vise à atteindre la parité salariale d’ici 2025, à créer un environnement propice à l’équité cette année et à augmenter nettement le pourcentage de femmes au niveau managérial.
Depuis janvier 2023, vous êtes épaulé dans votre tâche par un «Deputy Group Chief Executive» en la personne de Guillaume Dalais. Comment se passe cette période de transition ?
L’une des grandes leçons du Covid est celle-ci : il faut cerner tous les risques et nous préparer à les mitiger par un plan solide. Ces risques sont de cinq ordres: les chocs extérieurs, les cyberattaques, la conformité réglementaire, la compétition et la qualité de nos talents. Avoir les bonnes personnes au bon moment et au bon poste, c’est assurer la continuité des affaires et la satisfaction de nos partenaires. C’est dans cet esprit que tous nos pôles ont mis en place leur plan de succession, qui permet le développement des compétences. Le CEO, plus que tous les autres, est tenu de s’assurer que la relève est bien préparée. Je suis très content de cheminer avec Guillaume. Il connaît particulièrement bien le groupe pour y avoir exercé un large éventail de responsabilités depuis plus de 12 ans. Il continue à assurer son rôle en tant que CEO de CIEL Properties et supervise les projets stratégiques du pôle. Il a un esprit entrepreneurial, des qualités exceptionnelles de leader et il saura, j’en suis certain, poursuivre le déploiement stratégique du groupe dans le respect de nos valeurs le moment venu.
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