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Police v/s DPP : que s’est-il passé dans la tête de Dip ?
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Police v/s DPP : que s’est-il passé dans la tête de Dip ?
Le communiqué émis par le commissaire de police (CP), Anil Kumar Dip, mardi, a choqué plus d’un par sa teneur et sa forme. Jamais on n’a vu un CP s’en prendre ainsi au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) d’autant plus que son responsable, Me Rashid Ahmine, est à la tête d’une institution respectée. Dip avait-il d’autres options ?
Selon l’ex-juge Vinod Boolell, ce communiqué est sans précédent. «J’ai été au parquet durant des années. Quand un CP n’était pas du même avis que le DPP, il y avait une discussion entre les deux parties. Il n’a jamais été question de communiqué. C’est très grave ce qui s’est passé et cela démontre une ingérence de la part du CP. Je n’ai jamais vu cela.» Quel est le message qu’a voulu véhiculer Dip ? se demande Vinod Boolell. «Qu’une cour de justice ne peut pas relâcher une personne une fois que la police l’a arrêtée ? Où va-t-on ? Il est clairement dit que la liberté, c’est la règle et que la détention, c’est l’exception. Sous la Bail Act, le CP aurait pu demander une révision judiciaire s’il n’était pas satisfait de la décision du DPP de ne pas faire appel. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?» Le DPP devrait-il donner la réplique à Anil Kumar Dip ? Non, selon l’ex-juge, car le poste de DPP est une position sensible et constitutionnelle et il n’est pas nécessaire de laver son linge sale en public.
Rajen Narsinghen, juriste, est, lui, d’avis que chacun a le devoir de respecter le territoire de l’autre. «Chacun a son rôle à jouer, que ce soit la Cour suprême, le Parlement ou la police. Celle-ci, cependant, n’est pas au-dessus du judiciaire et ne peut pas émettre une quelconque critique. Le CP aurait pu demander une révision judiciaire dans le cas de Bruneau Laurette s’il voulait contester sa libération.» Et de faire ressortir que Dip a empiété sur un territoire qui n’est pas le sien. «Je ne sais pas qui est son conseiller juridique mais en tout cas, c’est une très mauvaise décision. J’espère en tout cas que Dip a fait cela sans intention quelconque.»
Même phrase qu’au Parlement…
Rajen Narsinghen a aussi parlé de l’intervention du CP à la télévision nationale, mardi soir, à ce sujet. Pour lui, la MBC aurait dû également donner la parole au DPP et à la magistrate dans l’affaire Laurette. «Le DPP aurait pu faire une déclaration en cour sous la section 83 de la Constitution pour breach de séparation de pouvoirs.»
Pour l’avocat Milan Meetarbhan, sur le plan juridique, l’utilisation du terme «evil precedent» interpelle. «Ce terme est normalement utilisé par rapport à un jugement qui doit être suivi à l’avenir et qui pourrait donner lieu à des aberrations. Ici, il ne s’agit pas d’un jugement qui crée un binding precedent mais d’une décision ponctuelle sur la base d’un jugement précis. La décision de faire appel ou non relève généralement de deux choses. Premièrement, s’il y a un point de droit qui n’a pas été interprété correctement par un tribunal ou s’il y a une mauvaise interprétation des faits ou si des faits n’ont pas été pris en considération. C’est en appliquant ces principes élémentaires que l’autorité publique décide s’il faut faire appel ou non.» Il ne voit pas comment cette décision, qui est basée sur les merits d’un jugement spécifique, peut servir de precedent pour l’avenir. «Si jamais l’autorité publique décide à l’avance qu’elle fera appel dans tous les cas où il y a eu une décision de libérer sous caution pour des délits particuliers, cette politique pourrait facilement être contestée par révision judiciaire pour mauvaise utilisation d’un pouvoir discrétionnaire. Cela parce qu’une autorité publique ne peut pas décider par avance qu’elle ferait appel dans certains cas, sans tenir en compte des éléments propres au jugement dans un cas précis.» Le droit à la liberté est garanti par la Constitution. Priver un individu de sa liberté est une exception à la règle constitutionnelle. Cette privation n’est autorisée que dans des conditions spécifiquement prévues par la loi. Notre jurisprudence prévoit clairement que dans le cadre de la séparation de pouvoirs, la décision de libérer sous caution ne doit être prise que par le judiciaire et non par l’exécutif ni même le législateur.
Dev Jokhoo, ancien Deputy Commissioner of Police et ex-patron du National Security Service, abonde dans le même sens. C’est du jamais vu, renchérit-il. «Pourquoi le CP a-t-il décidé de prendre position uniquement sur cette affaire et pas sur tant d’autres ? La police s’est toujours tournée vers le bureau du DPP pour chercher des conseils légaux. Kot pou seek advice aster?» Alors que le CP et le DPP ont toujours travaillé en collaboration, il se demande de quoi sera fait l’avenir…
D’aucuns se demandent si c’est bien Dip qui aurait pris la décision de s’exprimer via un communiqué ou s’il a été appelé à le faire. Depuis mardi soir donc, les spéculations vont bon train mais c’est surtout le dernier paragraphe en particulier du communiqué avec la phrase «he reassured the population that the MPF is mobilised to fight against the drug scourge…» qui attire l’attention. Cette phrase, affirment plusieurs, ressemblerait comme deux gouttes d’eau à celles qu’on a pu entendre au Parlement et ailleurs…
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