Publicité

Les rescapés de l’incendie du «Kanwar»: pris en étau entre la douleur physique et la souffrance psychologique

4 mars 2023, 18:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Les rescapés de l’incendie du «Kanwar»: pris en étau entre la douleur physique et la souffrance psychologique

Le 16 février 2023, c’est une date que bon nombre de Mauriciens n’oublieront jamais. Ce jour-là, deux jeunes ont perdu la vie et plusieurs autres ont été blessés par électrocution, en revenant du Ganga Talao. Deux semaines plus tard, les blessés, toujours admis à l’hôpital, souffrent encore dans leur corps et dans leur tête.

Il est 6h30. C’est l’heure des visites à l’hôpital Victoria. Nous nous rendons à l’unité des grands brûlés où six des rescapés de l’incendie du kanwar sont toujours admis. Certaines parties du corps encore bandées, on peut lire l’angoisse dans leurs yeux cernés et sur leurs visages amaigris. Ces hommes s’accrochent à la vie. Si certains de leurs camarades ont été autorisés à rentrer chez eux, six occupent toujours cette unité alors que deux autres sont encore admis à l’unité des soins intensifs (ICU) de cet hôpital.

Parmi les six, Mahesh Dookya, 28 ans, est allongé car il a été brûlé aux pieds et à une main. «J’ai été opéré hier et de ce fait, je ne peux marcher», raconte-t-il. Comment va-t-il ? Il ne saurait le dire, confie-t-il, la gorge nouée. Toujours très affecté par la mort de son frère, cet hôtelier parvient à expliquer, non sans peine, qu’il n’y a pas un jour qui passe sans qu’il ne pense à son frère, à sa famille et à son avenir. «Dès que je pose la tête sur l’oreiller, tout me revient. La scène me hante. J’ignore ce qui va se passer plus tard.».

Sourire malgré la douleur

Cette incertitude des lendemains, ces jeunes la ressentent tous. À côté de lui, sur un autre lit, le jeune Abhishek Bartho Chottaye, 22 ans, s’inquiète tout autant. Il tente de sourire malgré la douleur. «Je ne peux plus marcher. On m’a dit que je serais peut-être opéré mais tout dépendra si les brûlures cicatrisent ou pas. Autrement, il faudra continuer à gratter les couches de peau.» Il sait qu’il doit être fort s’il veut quitter ce centre de soins. Alors qu’il lutte contre ses brûlures, ses pensées vont constamment vers sa famille.

Avant l’électrocution, il travaillait et contribuait en grande partie aux dépenses du ménage. Fils d’une femme exerçant comme employé de maison et d’un père incapable de travailler car souffrant de la maladie d’Alzheimer, l’argent qu’il rapportait à la maison était d’une grande aide pour la survie de la famille. «Je sais que ma mère passe par des moments très difficiles actuellement. J’espère être sur pied rapidement pour pouvoir recommencer à l’aider», confie ce dernier.

Ce voeu, Sanjay Bisoo, 55 ans, le fait aussi. Ses deux pieds ont été brûlés lors de l’électrocution. Il a dû subir une intervention chirurgicale au cours de laquelle cinq de ses orteils ont été amputés. Il grignote un morceau de pain, pendant que son fils, admis lui aussi, dort sur un lit attenant. Ce père de famille ne sait plus quoi dire. Perdu dans ses pensées, il confie que l’avenir est incertain pour lui et les siens. «Nous traversons un moment très difficile. Mes deux garçons et moi avons été blessés. L’un d’eux a pu rentrer à la maison mais il est toujours abattu. L’autre est avec moi et nous ne savons toujours pas quand nous serons en mesure de quitter l’hôpital.» Comme il était dans le secteur de la construction avant l’électrocution, Sanjay s’inquiète et se demande s’il pourra recommencer à travailler lorsqu’il ira mieux. «Mes deux pieds ne me portent plus. J’ignore ce qu’il adviendra. J’ai la tête fatiguée.».

En sus de cette torture psychologique, la douleur physique est aussi présente. «Kan inn sorti gratte sa bann plaies-là, kan anesthésie nepli fer l’effet ou ziss anvi plorer telma gagne dimal»,soutient Abhishek Bartho Chottaye tandis que les autres acquiescent.

Selon nos informations, ils ont été brûlés aux deuxième et troisième degrés. Chez la plupart d’entre eux, le choc électrique a fait exploser leurs orteils ou encore leurs talons. Certains auront sans doute besoin d’une greffe dans les jours à venir mais tout dépendra de la cicatrisation.

Pour ce qui est des deux jeunes admis à l’ICU, même si leur état de santé est stable, il est malgré tout grave et ils doivent encore séjourner dans cette unite.