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Terrain de chasse de Grand-Bassin: qui est le réel bénéficiaire du bail?

8 mars 2023, 21:00

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Terrain de chasse de Grand-Bassin: qui est le réel bénéficiaire du bail?

Les présumés prête-noms défilent quotidiennement au bureau de l’ICAC. Mais de là à prouver qu’ils sont des prête-noms du trafiquant de drogue Jean Hubert Celerine, cela va être une autre paire de manches.

Shaan Kumar Choolun (Mithun) est-il le prêtenom de Franklin ou a-t-il juste «loué» plusieurs fois le domaine communément appelé «State Land Dayot» au trafiquant de drogue pour l’organisation de concerts ? Mais puisqu’on nage en plein dans une mare aux prête-noms depuis que l’affaire Franklin a éclaté et que l’on ne peut plus distinguer à ce jour le vrai du faux, peut-être est-il permis de poser une autre question : et si Shaan Kumar Choolun était le prête-nom de quelqu’un d’autre et pas de Franklin ? Pour comprendre la raison de cette question, il est bon que l’on revienne sur les informations que nous venons d’obtenir.

Gentlemen chasseurs

Selon nos sources, le bail du terrain de chasse en question appartenait à un groupe de professionnels, pour la plupart des hommes de loi, amateurs de la chasse aux cerfs. À un certain moment, à la suite d’un différend entre ces messieurs, le groupe est dissous, ne laissant qu’un pharmacien, un certain G., comme locataire du bail. Celui-ci a continué à laisser le terrain être géré par les frères E qui s’y connaissent en chasse, cerfs, entretien et bien d’autres choses.

Lorsqu’une équipe de l’ADSU s’est rendue le 28 janvier 2016 sur le terrain de la superficie de près de 400 arpents, elle y a retrouvé et déraciné 131 plants de gandia. Un membre de la SMF qui accompagnait l’ADSU est blessé lors de l’opération par le tir d’un fusil installé comme piège à rats ou à tenrec (tangue), a-t-on expliqué. Ni E. ni G. n’ont été inquiétés pour le gandia ou pour le piège. À l’ADSU, on nous explique que si plusieurs descentes ont eu lieu sur le site et des plants de cannabis déracinés, jamais on n’a pu relier cette culture au locataire G. ou aux gérants, les frères E., «le terrain étant tellement vaste».

Cependant, après ces incidents, le ministre de l’Agro-industrie de l’époque, Mahen Seeruttun, aurait non seulement résilié le bail mais fermera le terrain. Il y a même eu des membres de la SMF postés comme sentinelles. Puis, ils ont disparu. Pourquoi ? On va le comprendre.

Rs 4 millions svp

Les frères E., selon nos informations, ont approché après 2019 un haut placé du gouvernement pour obtenir le bail à leur nom. Le haut placé aurait consenti à ce deal mais contre un pot-de-vin de Rs 4 millions. Les E. n’auraient trouvé que Rs 3,5 millions mais le haut placé a insisté : «Rs 4 millions et pas un sou de moins.» Les démarches ont été faites pour trouver les Rs 500 000 manquantes et remises à travers un fonctionnaire. Mais il y avait un os. Et c’est le haut placé du gouvernement qui le dit aux frères E. : «Vous êtes soupçon- nés d’être des trafiquants de drogue et un d’entre vous a été accusé d’un meurtre dans le passé. On ne pourra pas vous accorder directement le bail. Faudra trouver un prête-nom.» Le prête-nom est tout trouvé : ce sera le cousin sur qui on peut compter.

Après la conclusion du deal, le haut placé est invité sur le terrain de chasse le 13 septembre 2020. Soirée bien arrosée et viande de cerf à gogo. Le haut placé, soûl, doit être aidé pour entrer dans sa voiture. Il aura aussi en cadeau un cerf entier, fraîchement abattu et dépecé pour lui.

Dès lors, les autorités fermeront les yeux sur ce qui se passe réellement sur le site : concerts, culture de gandia et braconnage. On nous raconte que lors de ces concerts organisés présumément par Franklin, il y aurait même eu de belles Européennes de l’Est comme invitées. Les employés sur place se voient même offrir les services gratuits de ces étrangères… On ne comprend pas trop comment Franklin a pu profiter du terrain. On parle de la proximité d’un cousin habitant dans le Sud avec le trafiquant, et de gandia Made in Mauritius livré au grossiste qu’est Franklin.

Cependant, il ne faut pas compter sur l’ICAC pour éclairer ces zones d’ombre, l’institution n’étant intéressée que par le volet blanchiment d’argent. D’ailleurs, on nous assure que certains protagonistes pourraient aisément justifier la légalité de leurs revenus ayant d’autres sources de rentrées d’argent.

Les autorités concernées ne se sont pas montrées regardantes non plus sur le défrichage excessif qui y a été fait. Alors que tout bail de forêt accordé par le ministère de l’Agro-industrie interdit plus de 15 % de pâturage, à «State Land Dayot» à Grand-Bassin, on a dépassé les 50 % pour l’élevage d’encore plus de cerfs. «Rien que ce viol d’une des conditions est passible de la résiliation du bail», nous dit-on. On se souvient que le ministère de l’Agro-industrie a déclaré lundi dans son communiqué que «toute occupation et activité illégale, contraires aux conditions attachées à un terrain loué à bail, seront sanctionnées».

Un chasseur nous explique comment il est difficile d’entretenir un terrain de chasse rien qu’avec la vente de cerfs. «Les vrais amateurs membres d’un club de chasse doivent y mettent beaucoup d’argent. Sinon, il faudra se résoudre à organiser des concerts ou à faire des cultures spéciales.»