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Dr José Ip Fung Chung: Lutter contre vents et marées pour devenir médecin
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Dr José Ip Fung Chung: Lutter contre vents et marées pour devenir médecin
Nul n’est prophète en son pays. Le désir profond de José Ip Fung Chung était de devenir médecin mais n’étant pas issu d’une famille fortunée, il a travaillé à la Poste et économisé sou pour sou jusqu’à être en mesure de partir pour l’Inde étudier la médecine. L’establishment mauricien n’ayant vraisemblablement pas voulu de lui à son retour, il a postulé à Trinidad et Tobago et cette île des Caraïbes lui a ouvert les bras. Maintenant qu’il est retraité, il a regagné Maurice, car, dit-il, «there is nothing like home.»
Parcours atypique que celui réalisé par José Ip Fung Chung. Si ce Port-lousien de 78 ans, qui ne fait pas son âge, accepte de se livrer, il se montre réservé et il faut souvent le relancer. Cette circonspection vient du fait qu’il n’est pas sûr que sa vie soit intéressante au point d’être partagée avec les lecteurs de l’express, bien qu’il ait écrit un livre sur une partie précise de sa vie, soit comment il a fait pour devenir médecin, grandement en réponse aux personnes qui l’ont connu et qui s’en étonnaient.
José Ip Fung Chung est le cinquième de 13 enfants. Son père est originaire de Meixian dans la province de Guangdong en Chine alors que sa mère est Mauricienne d’origine chinoise. Les Ip Fung Chung travaillent dur pour nourrir et élever leurs enfants. Lorsque notre interlocuteur n’a que deux ans et demi, sa famille repart pour la Chine car le grand-père paternel, qui est décédé, leur a légué une grande maison et des terres. Si les Ip Fung Chung se plaisent à Meixian, l’éclatement de la guerre civile et la prise de pouvoir par le régime communiste est à leur détriment puisque leurs terres sont confisquées. En janvier 1950, la mère de José Ip Fung Chung réalise qu’il n’y a pas d’avenir pour la famille en Chine et elle regagne Maurice avec ses enfants. Elle prend alors de l’emploi comme enseignante à la Chinese Middle School. Leur père les rejoindra un an plus tard quand il réalisera qu’il ne peut rien contre la nationalisation.
Ils s’installent à la rue Touraine à Port-Louis. Ils y vivent en famille élargie. Alors qu’il a cinq ans, son oncle tombe malade au point où il faut appeler le médecin. Celui-ci qui habite non loin de là est le Dr Seewoosagur Ramgoolam. Il vient consulter le malade et José Ip Fung Chung l’observe discrètement. L’enfant qu’il est, est fasciné de le voir diagnostiquer le mal et prescrire des médicaments qui remettent son oncle sur pied. Si bien que quelque temps après, lorsqu’un cousin, de dix ans son aîné, lui demande ce qu’il veut faire lorsqu’il sera grand, sa réponse toute prête est «médecin».
Pour les Ip Fung Chung, travailler, nourrir et élever 13 enfants n’est pas une sinécure. La scolarité à l’époque étant payante, les enfants Ip Fung Chung sont éduqués à la maison. A 17 ans, José Ip Fung Chung prend part en privé au School Certificate qu’il réussit. Son rêve d’études supérieures en vue de devenir médecin est bien ancré en lui mais voilà, comment compter sur ses parents lorsqu’il y a autant de bouches à nourrir ? Sa priorité est alors de trouver un emploi, de préférence au sein du secteur public, réputé pour sa sécurité d’emploi. Il est embauché par l’Employment Exchange comme Government clerical et gagne Rs 8 par jour. Pour être embauché comme permanent, il doit prendre part à un examen où il y a quelque 1 500 à 2 000 candidats. Au final, il figure parmi les 11 personnes recrutées. Il est envoyé comme Postal Officer à la Poste centrale. José Ip Fung Chung essaie tant bien que mal d’économiser pour pouvoir recueillir la somme qui lui permettrait de réaliser son rêve.
Un épisode romantique, alors qu’il n’a que 19 ans, va lui donner des ailes. Il a un coup de cœur pour une jeune fille qui passe tous les jours devant sa porte. Elle vient d’une famille fortunée, contrairement à lui. Alors qu’il se rend à une soirée dansante, elle est là et il l’invite à danser. Un des cousins éloignés de la jeune fille, qui danse avec une autre, se rapproche d’eux et lui donne des coups de coude. «J’ai compris le message et c’était ‘Bas les pattes. C’est chasse-gardée’. A partir de ce moment-là, j’étais plus que jamais déterminé à réaliser mon rêve de devenir médecin. C’était une idée folle car je n’avais ni argent ni qualifications.»
Ainsi, pendant sept ans, il a travaillé à la Poste centrale, mettant des sous de côtés pour réaliser son rêve. Certains de ceux à qui il s’en ouvrait rigolaient et se montraient sceptiques. Quand il a réuni suffisamment d’argent pour pouvoir se payer des études de médecine en Inde, il a pris un congé sans solde de la Poste et fait une demande d’admission pour le Gajra Raja Medical College Gwalior dans l’Etat du Madhya Pradesh. Avant d’obtenir le feu vert de cette institution considérée comme la première dans cet Etat indien et la 17e dans toute la Grande Péninsule, il s’y est rendu pour apprendre les bases des sciences. Et c’est sur place qu’il a fait des démarches pour obtenir le parrainage du gouvernement mauricien et ne pas avoir à payer de sa poche ses études de médecine. Sa demande a été agréé.
Pour pouvoir vivre en Inde, chaque année durant les vacances d’été, il s’est rendu à Londres en Grande Bretagne où se sont établis des membres de sa fratrie et il exerçait un emploi saisonnier comme barman ou serveur dans un restaurant. «C’est ainsi que j’ai pu non seulement avoir de l'argent pour vivre en Inde mais aussi voyager à travers la moitié de l’Europe et la moitié de l’Asie.» Lorsqu’il complète et obtient son Bachelor of Medecine Bachelor of Surgery, il regagne Maurice et reprend son poste à la Poste centrale mais on l’a remplacé. On lui donne un bureau et il se tourne les pouces toute la journée. Il fait une demande auprès de la Public Service Commission pour intégrer un hôpital et exercer comme médecin. Il poireaute plusieurs mois en vain. Se rendant compte que sa demande ne sera jamais entretenue, il se rend au Canada où une partie de sa famille a émigrée mais ne s’y plaît pas pour deux raisons : le climat extrême en hiver et la société trop compartimentée. Il postule pour un emploi auprès de l’hôpital San Fernando à Trinidad et Tobago et là, pour son plus grand bonheur, les portes lui sont grandes ouvertes. Il y passe les 40 dernières années de sa vie, les 12 premières au sein de ce centre de soins et le reste dans sa propre clinique qu’il a ouverte et qui comprend six lits. S’il traite tous les maux, il se passionne pour l’arthrite et les virus comme le Chikungunya ou encore le SARS. A ses yeux, tous les virus respiratoires déclenchent les mêmes symptômes, soit une inflammation généralisée du corps. Il est en Chine lorsque le nouveau coronavirus s’y déclare en 2020. Pressentant qu’il s’agit d’un virus meurtrier, il regagne Trinidad et Tobago en quatrième vitesse.
Le Covid-19 ne tarde pas à débarquer dans l’île et il traite ses patients souffrant de Covid-19 modéré avec une combinaison de corticoïde et d’anti-inflammatoire. Sa consultation ne désemplit pas et tous les jours, il voit défiler entre 80 et 100 patients. Les malades souffrant de Covid-19 sévère sont référés à l’hôpital mais souvent, dit-il, il est déjà trop tard pour eux. En toute modestie, dit-il, avec cette combinaison de médicaments susmentionnés, il a pu remettre sur pied plus de 90 % de ses patients souffrant de Covid-19 modéré. Pour lui, il s’agit d’une combinaison de médicaments gagnante. Il a d’ailleurs contracté le virus et s’est soigné avec ces médicaments. S’il ne croit pas dans l’efficacité du port du masque contre le Covid-19, en revanche, il estime que le vaccin a du bon «jusqu’à un certain point car il réduit les symptômes, de même que l’hospitalisation et la mortalité».
Le Dr José Ip Fung Chung a aussi fait du business dans son pays d’adoption. Ayant réalisé que dans cette île des Caraïbes, le rotin coûtait un bras, il a fait venir des matières premières de Singapour et fait fabriquer des meubles qu’il vendait. Ce business parallèle à son travail a duré dix ans.
Cela fait deux semaines qu’il a regagné Maurice avec son épouse qui est une Chinoise. Il n’a jamais voulu demander la citoyenneté trinidadienne. Pourquoi ? «Il n’y a aucun pays qui soit meilleur que le vôtre. Maurice est un pays magnifique, un paradis mais on ne le réalise pas tant qu’on ne l’a pas quitté. The best place to be is your home.»
Pour tous ceux qui lui ont souvent demandé comment il avait fait pour devenir médecin, il a écrit, avec l’aide de son ami de longue date, Philippe Li Ching Hum, un livre intitulé «The audacity of achieving my dream» qu’il vient de terminer et qu’il enverra probablement à sa nièce qui travaille dans une société d’édition en Grande Bretagne, à des fins de publication. Si la médecine qu’il ne pratique plus sera toujours chère à son cœur, désormais, il s’attèlera à l’écriture. Il pense d’ailleurs à embrayer avec un roman d’amour.
S’il y met la même ardeur qu’il a injectée dans son parcours pour devenir médecin, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’un auteur prolifique est en voie de développement…
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