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Gratuité du préscolaire en 2024: les écoles privées dans l’incertitude
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Gratuité du préscolaire en 2024: les écoles privées dans l’incertitude
Dès la rentrée scolaire 2024, les écoles maternelles seront gratuites. Une mesure annoncée par le Premier ministre, dimanche, à l’occasion du 55e anniversaire de l’Indépendance de Maurice et qui semble prendre les établissements privés de court. Plusieurs responsables sont perplexes quant à cette mise en application. Comment fonctionne l’actuel système du pré-primaire ? Certaines écoles ne sont-elles pas déjà gratuites ? Quelles sont les implications de la gratuité des écoles maternelles privées ?
«Nou pé vinn avek enn sistem grant-in-aid dan pré-primer akot nou pou invit bann lékol maternel privé partisipé. Nou anvi fer maximum pou ki pré-primer vinn gratwi é nou asir nou ki tou zanfan ant trwa ek sink an gagn sans égal al enn lékol dé kalité», a déclaré Pravind Jugnauth, le 12 mars. C’était lors de son discours à la nation pour le 55e anniversaire de l’Indépendance de Maurice. Il a affirmé que les ministères de l’Éducation et des Finances travaillent sur ce projet, qui deviendra une réalité à la prochaine rentrée en janvier 2024.
Cette décision fait déjà tiquer certaines écoles maternelles du privé. «Pour que ce soit gratuit, il faut que l’État couvre nos frais. Comment fera-t-on sans les frais de scolarité ? Aura-t-on de l’aide des autorités pour cela ? Il faut une rencontre du gouvernement avec les écoles privées pour identifier leurs besoins et demandes», soutient Sylvette Paris Davy, responsable des écoles Bethléem. Et les coûts mensuels des opérations se chiffrent en centaines de milliers de roupies. À l’instar du loyer du bâtiment qui revient, à lui seul, à plus de Rs 180 000 mensuellement.
S’y ajoutent des frais pour l’électricité, l’eau, les salaires du personnel, l’assurance des enfants et des effectifs, la pension des employés, le déjeuner des petits, entre autres. L’État pourra-t-il investir autant d’argent dans toutes les écoles maternelles ? se demande-t-elle. D’ailleurs, certains établissements disposent de plusieurs branches, ce qui multipliera les frais à couvrir.
«Non à la standardisation !»
De son côté, Jaya Nursimulu, présidente de l’Association of Private Pre-Primary School Managers et directrice de l’école Royal Rock, affirme que les membres entament des discussions sur ce projet et qu’une rencontre avec les autorités sera sollicitée. «Nous commencerons avec le ministère de l’Éducation d’abord.On ne sait pas encore ce qui va se passer. Une fois que les choses seront plus claires, nous serons en meilleure position pour savoir ce que nous accepterons ou pas», déclare-t-elle. Quant à Rishi Nursimulu, fondateur et Chairman des écoles Dukesbridge, il estime que cette mesure annoncée par le Premier ministre «nous a pris par surprise et est sortie de nulle part».
Selon lui, à Maurice, les propriétaires et les gestionnaires sont fiers de gérer leurs écoles maternelles privées avec une touche personnelle. Cela fait partie de la culture et du tissu de notre société. «Je suis contre une standardisation complète de ce secteur car cela tuera le choix des parents et la motivation des propriétaires de maintenir la qualité dans le secteur privé. Cela dit, dans le fond, j’admire et je soutiens énormément l’intention du Premier ministre de dépenser l’argent des contribuables pour rendre l’encadrement des tout petits plus accessible. Toutefois, je crois humblement qu’il existe d’autres moyens plus efficaces d’utiliser cet argent pour atteindre ces objectifs», affirme-t-il.
Premièrement, il évoque l’objectif de donner accès à l’éducation à ceux qui n’en ont pas les moyens.«Celui-ci est déjà atteint. Le gouvernement gère déjà plusieurs écoles maternelles entièrement gratuites. L’accès et la liberté de choix existent déjà», confie-t-il. Le deuxième objectif est de permettre aux enfants qui n’en ont pas les moyens d’accéder aux écoles maternelles privées. D’après lui, une partie des fonds alloués par le Premier ministre peut être accordée sous forme de subventions aux parents eux-mêmes, en fonction de leurs ressources, par exemple une bourse partielle ou complète, afin que leurs enfants puissent intégrer l’école privée de leur choix.
«Rendez les crèches plus accessibles»
Troisièmement, le but est de répondre aux plus grands besoins de la petite enfance. «Ce qui n’existe pas à Maurice, ce sont des garderies abordables. Pourtant, elles sont reconnues à l’échelle mondiale comme le facteur clé permettant aux jeunes mamans de réintégrer le marché du travail», soutient Rishi Nursimulu. Pour cette raison, poursuit-il, la subvention pour la garde d’enfants (NdlR, bébés 0-2 ans) est en tête de liste pour plusieurs gouvernements du monde. Ce n’est pas sorcier de déterminer que les crèches sont plus chères que les écoles maternelles parce que leur ratio de carers par bébé est nettement plus élevé, dit-il.
«Par exemple, le coût d’embauche d’un carer est d’environ Rs 17-18 000 par mois (salaire, transport, pension, congés maladie/local leave, 13e mois, etc.). Un soignant peut s’occuper de 2-3 bébés au maximum pour éviter les drames comme ce qui s’est passé récemment dans une crèche. Faites le calcul et vous verrez que le coût du carerseul par bébé peut être de Rs 9 000. Ajoutez maintenant tous les autres frais généraux – loyer, administration, gestion, assurance, services publics, etc. –, le coût de fonctionnement d’une crèche pourrait facilement être de Rs 14-15 000 par enfant», lance Rishi Nursimulu. La population peut-elle vraiment débourser ce montant par enfant ? s’interroge-t-il. «C’est là que se situe la priorité dans le secteur de la petite enfance. Au lieu de nationaliser l’enseignement préscolaire, j’exhorte humblement le gouvernement à dépenser ce même argent pour les crèches et à les rendre accessibles», commente-t-il.
Comment fonctionne l’actuel système du préscolaire ? Dans le secteur public, diverses écoles pré-primaires sont rattachées aux établissements primaires de l’État tandis que d’autres sont sous l’égide des municipalités, explique Caroline Arekion, directrice de l’Early Childhood Care and Education Authority. Tous ces établissements pré-primaires publics sont gratuits. David Utile, maire de Beau-Bassin–Rose-Hill, indique que sept écoles maternelles et une crèche opèrent gratuitement au niveau de cette municipalité. «Celles-ci fonctionnent sur un système de zoning. Les parents viennent inscrire leurs enfants à la mairie avec l’acte de naissance, une preuve d’adresse, notamment, avant la rentrée scolaire. Nous avons également eu certains chefs de famille qui sont revenus vers nous après un passage en établissement privé. Nous avons pu faire le nécessaire pour les admissions en maternelle de leurs enfants», soutient-il.
Selon David Utile, les sept écoles maternelles et la crèche de la municipalité de Beau-Bassin– Rose-Hill disposent de 350 places en tout (300 pour les sept écoles et 50 pour la crèche). Le maire accueille cette mesure de gratuité très positivement. «C’est une décision louable. Tout a un prix de nos jours. Ce sera un soulagement pour les parents», affirme-t-il.
Au niveau du secteur privé, un grant de Rs 400 par enfant est actuellement alloué aux écoles maternelles. Auparavant, ce montant était de Rs 200 par enfant. Une allocation de Rs 20 000 pour le renouvellement du matériel ludique et des jouets avait aussi été octroyée lorsque le ministre James Burty David était en poste, confie Sylvette Paris Davy.
En chiffre
<p>Plus de 500 écoles maternelles en opération Selon la directrice de l’<em>Early Childhood Care</em> <em>and Education Authority,</em> Caroline Arekion, environ 188 écoles maternelles sont rattachées aux établissements primaires de l’État. Toujours dans le secteur public, on compte une cinquantaine d’écoles pré-primaires sous la responsabilité des municipalités. Quant au secteur privé, pour le moment, 350 écoles maternelles sont déjà enregistrées auprès des autorités. 120 autres établissements privés devraient s’y rajouter une fois l’approbation du comité obtenue.</p>
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