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Jean-Michel Lee Shim: «Ce n’est pas sain d’avoir un seul organisateur de courses»
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Jean-Michel Lee Shim: «Ce n’est pas sain d’avoir un seul organisateur de courses»
Il se couche à l’aube et se réveille l’après-midi pratiquement tous les jours. C’est à 14 h 30, hier, qu’il nous a donné rendez-vous. Nous étions le premier item sur son agenda avant de continuer sa «to-do list». Nous sommes à deux jours du lancement de la saison hippique. PTP est désormais seul aux commandes. Mais Lee Shim n’est pas stressé pour un sou. Il débarque en tenue sportive, la mine enjouée. Ses propos sont bien pensés et pesés : il est pour le retour du Mauritius Turf Club. «Parce que rien ne peut remplacer la compétition.» Interview cash !
People’s Turf PLC (PTP) est en train de transformer le Champ-de-Mars en chantier…
… (Sourire en coin) NON ! Comment faire une omelette sans casser les oeufs ? (Plus sérieusement) Bizin enn ti desord avan met lord. Le Mauritius Turf Club (MTC), même si elle n’organisera pas de courses, nous refuse l’accès aux loges. Nous devons donc bâtir les infrastructures pour accueillir dignement le public turfiste. Nous faisons tout pour sauver l’industrie des courses et le sport hippique. Je suis moi-même un passionné des courses de chevaux depuis mon enfance dans le Ward IV portlouisien.
La décision de la MTCSL, filiale du MTC, de ne pas organiser les courses cette saison laisse désormais le champ libre à son concurrent (PTP). Selon vos détracteurs, ce scénario était prévisible car dès le début, ils étaient convaincus qu’il n’y avait pas de place pour deux organisateurs de courses au Champ-de-Mars.
Ce que je vais vous dire risque de vous choquer. Je suis pour la compétition. J’aimerais tant que le MTC revoie son business model et renoue avec l’organisation des courses. Avoir un seul organisateur des courses n’est pas sain, c’est contre les intérêts des turfistes. Il n’y a qu’à voir comment le MTC a fonctionné toutes ces années. Le club se chargeait de tout : courses, handicap, règles du jeu, avis d’appel. Voilà pourquoi cela ne pouvait plus continuer. D’ailleurs le rapport Parry a souligné tous les travers du MTC qui concentrait tous les pouvoirs entre ses mains. Je le répète : je suis pour la compétition et j’aimerais que la saison prochaine, il y ait un deuxième organisateur des courses, de préférence le MTC.
En toute transparence dites nous pourquoi PTP a maintenu une ‘non-disclosure clause’ dans ce fameux ‘cost-sharing agreement’ ?
Comme je le dis souvent, je ne suis pas directeur de PTP, juste un consultant. Je pense que tant que les négociations sont en cours, que les taux sont basés sur les chiffres proposés par le MTC dans le passé. À ce stade, comme il n’y a pas d’accord, on ne peut rien dévoiler. Mais une fois l’accord signé, je suis pour toute la transparence nécessaire, en ligne avec les principes de Good Corporate Governance.
Vous êtes un ancien membre du MTC. N’êtes-vous pas insensible au sort des 274 employés qui pourraient se retrouver au chômage après la fermeture de la MTCSL ?
J’ai dû attendre 10 ans pour avoir ma carte de membre du MTC. Je ne suis plus membre en raison de l’affaire Taslima Valayden. Je trouvais que le MTC prenait trop de temps pour la rappeler à l’ordre. Pour revenir aux 274 employés, je note que certains ont fui le bateau avant les petits employés et aujourd’hui le fonds de pension est un trou énorme. Comment le MTC trouvera-t-il les Rs 200 millions pour compenser ces gens qui ont tout donné au club. C’est pour cela qu’ils ne peuvent pas rendre la liberté aux employés, qui ne peuvent ainsi pas se joindre à PTP, qui est prête à accueillir certains d’entre eux, une fois qu’ils seront compensés par le MTC, conformément aux dispositions légales.
La MTCSL a subi des pertes de Rs 70 millions au dernier exercice financier. Pouvez-vous nous dire le bilan de PTP au terme de sa première année d’opération ?
Les affaires marchent difficilement contrairement à ce que l’on pourrait croire. On doit sauver l’industrie hippique, la réinventer. Pour un chiffre d’affaires de Rs 70 millions, nous aurions pu avoir des pertes aussi. C’est grâce aux activités non-courses, comme la restauration et le casino, que nous avons pu réaliser une faible profitabilité de Rs 4 millions. Si on continue comme cela, on va se casser la gueule et les courses risquent de disparaître pour de bon. Une conséquence directe : on a dû baisser les stakes money de 50 %...
«Pravind Jugnauth sera reçu comme tout le monde, au milieu du peuple au champ-de-mars. Il viendrait comme turfiste, pas comme premier ministre. Je ne mêle pas la politique aux courses de chevaux. En revanche, pour revenir au terme «sauveur» (cité plus haut), j’ajouterai une phrase de Jean Halbwachs : «Il y a un bon dieu pour les courses».
Justement on allait y venir. Alors que PTP avait proposé des prix alléchants pour attirer des entraîneurs à aligner des chevaux dans ses courses au détriment de la MTCSL l’année dernière, on note une baisse drastique du ‘stakes money’. Quelle en est la raison ?
Il faut voir les chiffres par rapport aux betting revenues. Nous nous attendions à plus d’argent, mais la tendance demeure à la baisse. En 2018, ils étaient de Rs 300 millions ; en 2019, Rs 250 millions ; en 2020, de Rs 200 millions… et rien que Rs 170 millions en 2021 et Rs 140 millions en 2022.
Avec cette baisse sensible du ‘stakes money’, les entraîneurs sont nombreux à affirmer qu’ils ne pourront pas tenir une saison. Dans ces circonstances, comment PTP fera-t-elle pour organiser les 36 journées au calendrier établi par la «Horse Racing Division» (HRD) ?
Les écuries, tout comme la MTC le fait actuellement, doivent revoir leur business model. Il faut des financiers et des hommes d’affaires aux commandes, pas forcément des avocats. Aussi je ne comprends pas pourquoi certaines écuries persistent à dépenser environ Rs 700 000 par mois pour les services d’un jockey étranger, alors qu’ils auraient fait une belle économie en recrutant localement.
Ne craignez-vous pas que l’intégrité des courses soit menacée par cette baisse du «stakes money» ?
Je crois que l’ère de l’autocratie sous la MTC est révolue. Aujourd’hui, la HRD a revu pas mal de paramètres à la lumière du rapport Parry. Maintenant il faut œuvrer pour le bien du turfiste mauricien et inciter un retour à la compétition saine. Je suis pour le retour du MTC.
Plusieurs écuries entraînent leurs chevaux au JMLS Equestrian Centre de Petit-Gamin depuis l’année dernière. Vous avez visiblement investi gros pour bâtir cet hippodrome dotée d’une piste de 1 700m. Songez-vous à y organiser des courses d’ici la fin de cette saison ?
Ce n’était pas le but initial, mais avec les difficultés que provoque le MTC en nous refusant l’accès aux infrastructures du Champ-de-Mars, l’hippodrome de Petit-Gamin devient un Plan B. D’ailleurs nous venons de commencer à planter du gazon…
Pensez-vous être «le sauveur des courses hippiques à Maurice»…
Non, je ne suis qu’un passionné des courses. Je veux que le Champ-de-Mars redevienne le lieu privilégié du peuple. Pas forcément le peuple zougader, mais le public turfiste et amateur de courses ainsi que l’ambiance qui y règne. Chez nous, il n’y a pas de loges VIP…
…et si le PM s’amène ?
Pravind Jugnauth sera reçu comme tout le monde, au milieu du peuple au Champ-de-Mars. Il viendrait comme turfiste, pas comme Premier ministre. Je ne mêle pas la politique aux courses de chevaux. En revanche, pour revenir au terme «sauveur» (cité plus haut), j’ajouterai une phrase de Jean Halbwachs : «Il y a un bon dieu pour les courses». En deux siècles d’existence, elles auront tout connu : l’esclavage, le colonialisme, deux guerres mondiales, des gouvernements qui ne comprenaient pas l’industrie, toutes sortes de réformes… mais elles ont toujours survécu aux crises. C’est pour cela que je suis confiant en l’avenir. Les courses vont sortir de l’impasse et reprendre leur place dans l’imaginaire collectif du Mauricien.
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