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Antoine Domingue: «Rien n’empêche à la cheffe juge de saisir le DPP ou la police pour un cas d’outrage à la cour»

24 mars 2023, 12:28

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Antoine Domingue: «Rien n’empêche à la cheffe juge de saisir le DPP ou la police pour un cas d’outrage à la cour»

Le Senior Counsel, Mᵉ Antoine Domingue, SC,  ne mâche pas ses mots lorsque nous l'avons approché pour savoir sur qui la responsabilité repose pour effectuer un exercice de vérification sur l’authenticité d’une bande sonore qui circule et dont l’auteur des propos est soupçonné d’être le Premier ministre, Pravind Jugnauth.

Selon l’enregistrement, l’orateur dit qu’il parle en tant qu’avocat. «Zame monn trouv ene jugement aussi bancal… Couma dire magistrat la (NDlR : la senior District Magistrate Jade Ngan Chai King) li ene incompétent et li pas konn la loi », a-t-il déclaré.

L’orateur qui a même critiqué le Directeur des poursuites publiques (DPP) traite le jugement (soit la décision de la magistrate sur la remise en liberté de Bruneau Laurette) de bancal.

Estimant que c'est le premier ministre qui a le devoir de dire s’il authentifie le contenu de la bande sonore, Mᵉ Antoine Domingue, SC, est d’avis qu’à l’échelle de la gravité, on croyait avoir atteint tous les sommets.

Pravind Jugnauth est capable de nous choquer semaine après semaine. Qu’un Premier ministre qui insulte une magistrate dans une réunion que l’on peut qualifier de communautariste…« Zizman denn mazistra osi bancal… inkonpetan ki pa konpran lalwa.» Voilà comment la décision de la magistrate Jade Ngan Chai King d’accorder la liberté conditionnelle à Bruneau Laurette, selon des paramètres très contraignants, a été commentée en public par le chef du gouvernement.

Une sortie inédite pour un leader politique et, de surcroît, un avocat, fustige le ténor du barreau. D’ajouter «c’est vrai qu’au sein de la profession, personne ne se souvient des grands procès dans lesquels il a paru ni d’une quelconque prouesse oratoire dont il aurait été un auteur remarqué, mais qu’il se permette de telles outrances en public est inacceptable. Un petit chef de parti doit savoir que la justice, ce n’est pas comme au comité central du MSM et que des décisions de justice ne peuvent être publiquement contestées lorsqu’elles ne satisfont pas son agenda politique. Et que des magistrats ne peuvent être dénigrés et traités d’ignares.»

Mᵉ Antoine Domingue a même tenu à confier ses analyses pour dire que lorsque les arrêtés du judiciaire lui donnent raison sur un point technique et non sur le fond de la faute, il déclamerait, enthousiaste, que «la vérité a triomphé».

«Pourquoi le leader du MSM ne manifeste son profond courroux que dans le cas qui concerne Bruneau Laurette ? C’est suspect. Lorsque Geanchand Dewdanee ou d’autres trafiquants de drogue présumés ont obtenu la liberté conditionnelle, on n’a pas entendu le PM/avocat Pravind Jugnauth monter sur ses grands chevaux et mobiliser son commissaire de police et ses représentants légaux attitrés pour aller ruer dans les brancards et tenter d’obtenir un renversement des arrêtés judiciaires,» poursuit notre interlocuteur.

Pour lui, les critiques infâmes de l’auteur de l’enregistrement ont été prononcées en public et devant de nombreux témoins. S’il y aurait même un enregistrement de ces paroles litigieuses, Mᵉ Domingue se demande What next ? Il soutient que la question doit être posée parce qu’une situation d’une telle gravité ne peut pas rester sans conséquence étant donné, dit-il que le citoyen lambda qui veut réagir se heurtera invariablement à la notion classique d’absence de locus standi, c’est-à-dire qu’il n’a pas d’intérêt direct ou n’est-il une victime de la situation, ce qui le disqualifie pour rechercher éclairage, décision, réparation ou même sanction.

Mᵉ Domingue confirme que rien n'empêche la cheffe juge, qui a le devoir de défendre son personnel, de saisir le DPP ou de s’en remettre à la police pour un cas possible d’outrage à la cour.

«On se souviendra de l’affaire Badry, cet ancien ministre qui avait été blâmé pour corruption par une commission d’enquête présidée par feu l’ancien chef juge sir Victor Glover. Le ministre, contraint à la démission, s’était embarqué dans une campagne publique de dénigrement, assortie de propos à relent raciste, contre le juge. Il fut poursuivi et condamné à six mois de prison pour outrage. Il est vrai que, subséquemment, la notion de «scandalizing the court» a été battue en brèche, mais les propos d’un Premier ministre sur une décision d’une magistrate sont trop graves pour être traités avec légèreté,» avance Mᵉ Domingue qui souhaite connaitre la position du Bar Council face à ses propos.