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Catherine Lyautey: «La maçonnerie n’est pas réservée à une élite»

27 mars 2023, 20:00

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Catherine Lyautey: «La maçonnerie n’est pas réservée à une élite»

La très grande maîtresse de la Grande loge féminine de France (GLFF) sera en visite à Maurice du 29 mars au 1ᵉʳ avril, dans le sillage des 40 ans de la loge mauricienne La Rose de L’Aurore, la première loge de la GLFF dans l’océan Indien. Entre tenues, événements protocolaires et rencontres avec la presse, sans oublier une visite touristique de l’île, sa présence a pour objectif de démystifier la franc-maçonnerie féminine en allant à la rencontre des femmes et en leur parlant. Avant son arrivée, Catherine Lyautey nous a accordé une interview de Paris.

Dans quel contexte la GLFF a-t-elle été créée en 1945 ? A-t-elle eu besoin des «hommes» pour le faire ? 
Les femmes et la franc-maçonnerie, c’est une longue histoire. Ne l’oublions pas dans les constitutions d’Anderson, au début, seuls les hommes pouvaient être maçons ; ni les athées ni les femmes. Déjà, cela nous excluait. Je pense cependant que les femmes ont toujours été opiniâtres et qu’elles ont toujours été curieuses de poursuivre ce chemin. Bien sûr, au début, on a été dans ce qu’on appelait les loges d’adoption parce que les frères avaient estimé qu’il y avait la nécessité d’intégrer des femmes, mais on n’était pas franc-maçonnes à part entière. Pourtant, tout de suite après la Première Guerre mondiale, quand l’émancipation des femmes a débuté, on a aussi commencé à réfléchir, à se demander si on devait rester en loge d’adoption. Vers les années 35-38, on a décidé «d’être», de devenir une obédience libre et autonome. 

Mais il y a eu la guerre. Tout s’est arrêté. Les franc-maçonnes tout comme les francsmaçons ont été pourchassés. Certaines de nos soeurs sont mortes dans les camps. Dès 1945, il y a eu un processus de reconstruction et nous avons pris notre indépendance. Oui, nous avons eu besoin des hommes pour être en loge d’adoption et c’est même eux qui ont décidé que les femmes pourraient être maçonnes au début. Le 21 octobre 1945 fut la première assemblée générale de l’Union maçonnique féminine de France enfin libérée de la tutelle masculine. C’est en 1952 que nous sommes devenues la GLFF. Mais depuis, nous avons pris notre indépendance.

La GLFF est-elle autonome en tant qu’obédience ou avez-vous besoin des loges masculines ? 
Pas du tout. On est vraiment une obédience autonome ; nous ne dépendons que de nousmême. Bien sûr, nous travaillons de temps en temps avec nos frères, comme eux peuvent travailler avec nous. Mais nous sommes une obédience entièrement autonome. Notre développement à l’international ou en France n’est fait qu’avec des femmes, par des femmes, pour des femmes. 

Que pensez-vous de la décision du Grand Orient de France d’initier les femmes il y a seulement une décennie ? 
Je ne veux pas m’immiscer dans la vie d’une autre obédience. Il s’agit de leur histoire, de leur réflexion et de leur décision. On pourrait se dire qu’ils ont ouvert aux femmes, un peu contraints et forcés mais bon, ils gèrent leur obédience comme ils le souhaitent. 

Vous êtes à Maurice dans le sillage des 40 ans de la loge La Rose de L’Aurore, qui a été la première loge de la GLFF dans l’océan Indien. Pourquoi Maurice a-t-il été un pionnier dans cette région et non pas, par exemple, La Réunion ou Madagascar ? 
Je vais vous donner une réponse qui est peut-être ma vision de France et non pas celle de Maurice. Je ne suis pas Mauricienne. Ce que je peux analyser c’est qu’il y a toujours eu à Maurice une grande présence des obédiences maçonniques. Cette présence sur le territoire qui est beaucoup due aux gens qui voyageaient, aux bateaux, aux marins. Donc, je pense que les femmes de Maurice en ont eu peut-être assez de ne voir que des obédiences masculines et des obédiences mixtes. Elles ont eu aussi envie de saisir ce moment d’autonomie qu’elles ont ressenti à la Grande loge féminine de France. 

La GLFF est quand même la première obédience féminine mondiale et elle cherche toujours à apporter la lumière aux femmes à travers le monde. Donc, des femmes ont décidé de frapper à la porte de la GLFF. On a une structure qui permet justement de pouvoir apporter la lumière aux femmes et de pouvoir ainsi créer des loges au sein de différents pays. Je pense effectivement que, oui, Maurice a été pionnier en ce sens. Il a montré l’exemple après à La Réunion et à Madagascar.

Comment les trois loges mauriciennes, La Rose de l’Aurore, Le Flamboyant et la Shooting Star, s’intègrent-elles dans la grande histoire de la GLFF ? 
Nous avons beaucoup de loges à l’international puisque nous sommes implantées partout en Europe, en Europe de l’Est ; nous avons des loges en Afrique et une loge au Canada. Comme toutes nos loges à l’international, les Mauriciennes font partie de cette grande famille et de ses traditions. La modernité, c’est ce que les visioconférences nous permettent : un contact plus fréquent. Nos soeurs de Maurice peuvent travailler dans des commissions dans lesquelles nous travaillons ensemble. Nous partageons. Elles viennent à nos assemblées. Elles sont membres à part entière de la GLFF. 

Comment les loges d’outre-mer s’imbriquent-elles dans l’administration de l’obédience, qui se fait à Paris ? 
Le conseil d’administration est bien sûr un organe qui est élu par toutes les sœurs de l’obédience, par toutes les députées. Mais ça peut être des sœurs qui sont élues de tout le territoire français et nous avons même une sœur qui est représentante de notre région Paris hors Hexagone, qui est actuellement Conseillère fédérale des Antilles. C’est le conseil d’administration. Les députées, qu’elles soient en France ou hors de France, ont une voix pour pouvoir voter. 

Le rôle de député a été historiquement souvent politisé et il fallait un représentant qui soit en métropole. Comment cela se passe-t-il à la GLFF ?
Quand les femmes ont décidé de prendre leur autonomie et de créer la Grande Loge Féminine de France, la date choisie a été le premier jour où les femmes sont allées mettre leur bulletin de vote dans les urnes, et sont devenues des citoyennes à part entière. Donc, chez nous, le système démocratique dans notre fonctionnement est absolument essentiel. 

Comment sont transposés les traditions et les rituels de l’obédience dans un autre pays ? Par exemple, c’est une grande première pour la GLFF d’avoir une loge qui travaille en anglais, notamment la loge mauricienne, Shooting Star. Pourquoi un tel choix ?
C’est toujours cette notion de transmission qui est très importante à la GLFF. Comme nous ouvrons des loges à l’international, bien sûr, nous commençons par le français parce que ce sont souvent des Françaises qui aident. Mais après, le but est aussi de pouvoir répondre à la demande de toutes les femmes. À Maurice, il y a beaucoup d’anglophones. Donc, il était tout à fait normal que l’on puisse traduire les rituels pour que les femmes puissent se les approprier, comme nous l’avons fait pour des loges qui sont sur d’autres territoires. Par exemple, nos loges en Serbie travaillent en serbe et sont devenues une obédience indépendante. Il fallait bien qu’elles puissent travailler en serbe. Le but c’est vraiment de transmettre.  

Les loges de la GLFF de Maurice ont-elles une identité propre ?  Est-ce que cela a une incidence sur le fonctionnement des loges quand elles sont ancrées dans un pays avec plusieurs religions et croyances ? 
Je pense que toutes nos loges, où qu’elles soient implantées, ont leur identité propre. Déjà, quand une loge est créée, elle se choisit un nom qui est important et qui donne un peu l’ADN de ce qu’elle sera. Nous avons souvent aussi une médaille qui est un signe de référence. Et puis, bien sûr, chacune vient avec sa culture, ce qu’elle est, pour être soi-même. Nous travaillons beaucoup à la gloire du Grand Architecte de l’Univers, qui représente une recherche de spiritualité dans laquelle chacune peut mettre ce qu’elle veut. Et la religion nous n’en parlons pas en loge. C’est quelque chose qui fait partie de l’intime. Nous travaillons avec ce principe en tête, dans une vision très humaniste des choses. 

Toutes ces femmes mauriciennes qui ont trouvé un lieu, le temple, pour partager et ensuite transmettre à d’autres femmes. Comment parlezvous de la maçonnerie en mettant de côté les mythes, l’affairisme véhiculé par certaines loges masculines. En somme, comment la GLFF démystifie-t-elle le fait d’être franc-maçonne ? 
La façon de démystifier, c’est tout simplement ce que je viens faire à Maurice en parlant et en rencontrant des femmes pour leur expliquer que nous ne sommes pas une société secrète mais discrète. Nous sommes avant tout un ordre initiatique, c’est-à-dire que nous ne sommes pas une association banale. Nous travaillons à partir de rituels et de symboles. C’est ce qui permet d’avoir une parole humaniste et universaliste. 

Toutes les femmes peuvent se retrouver dans cette démarche et dans cette méthode. Ce qui rassure c’est que nous sommes une fédération d’associations et que nos fonds ne viennent que de nos adhérentes. Nous n’avons pas de subvention. Donc, nous sommes autonomes et libres ; nous n’avons pas de pression de lobbies, de politiques, etc. C’est très important et rassurant. 

Les femmes ont été en arrière-plan dans la maçonnerie mauricienne depuis le 18e siècle, œuvrant pour la philanthropie, organisant les événements sociaux et mondains, présentes aux côtés des hommes. Quel regard avez-vous sur ces femmes de l’histoire, même si personne n’en parle, qui ont créé l’histoire pour qu’on en arrive là et que les femmes soient maintenant «aux premières loges» ?
C’est très important qu’il y ait des femmes qui aient montré le chemin, qu’elles soient maçonnes ou pas. On a des femmes qui sont de très grandes humanistes que l’histoire a oubliées, je suis tout à fait d’accord. Mais c’est bien souvent ces femmes-là qui vous donnent envie de pouvoir progresser, de pouvoir entrer dans cette démarche et dans cette méthode. Toutes ces femmes qui, à un moment, ont pris une place qu’on ne leur donnait pas ; beaucoup se sont certainement battues aussi pour réussir à s’imposer. Ces femmes ont montré le chemin et ce sont vraiment des femmes auxquelles nous devons toute notre reconnaissance.

Avant votre arrivée à Maurice le 29 mars, quel est votre message aux femmes mauriciennes ? 
Mon message est de dire qu’il y a des moments dans notre vie de femme où nous sommes en quête de quelque chose, nous ne savons pas vraiment quoi mais nous sommes en recherche. À notre époque, je pense que nous sommes en recherche de sens et que nous avons absolument besoin de démystifier ce qu’est la maçonnerie. Elle n’est pas réservée à une élite. Ce sont des femmes qui sont en quête d’elles-mêmes et qui veulent trouver leur juste place dans l’univers. Ça peut être par une démarche spirituelle, une démarche d’intériorisation, d’introspection. Le faire toute seule, est toujours compliqué ; le faire avec le regard de l’autre et toutes ensemble dans une assemblée de femmes intergénérationnelle, c’est ça aussi notre richesse, avec des femmes de cultures, de langues différentes. Surtout à notre époque où nous sommes toujours dans la vitesse, dans l’immédiateté. En maçonnerie nous prenons le temps de trouver notre liberté. Voilà le message que je souhaiterais faire passer : prendre sa place et pouvoir travailler à un monde meilleur toutes ensemble.

Programme de Catherine Lyautet à Maurice :
Tenues 

Tenue Le Flamboyant à l'occasion de la Journée de la femme 
Tenue Shooting Star
Tenue et Dîner gala d'anniversaire de la Rose de L'Aurore
Rencontres / Sessions de travail
Rencontres avec les membres de la GLFF 
Visibilité médias
Tournage émission MBC 
Interviews radios locaux et presse papier 
Autres
Déjeuner protocolaire
Visite touristique 

Celles intéressées peuvent prendre contact sur glff.maurice@gmail.com