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Shelters: enfants délaissés, mais source de revenus
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Shelters: enfants délaissés, mais source de revenus
Ils occupent une grande place au sein des différents shelters du pays. Malmenés pour certains, expédiés à l’hôpital Brown Sequard pour d’autres, ces enfants veulent que l’on entende leurs cris. Les députées Stéphanie Anquetil et Arianne Navarre-Marie se font leurs porte-parole, face à une ministre qui semble s’être déjà fait une idée de la situation…
Mardi à l’Assemblée nationale, des documents et une photo ont été brandis par la députée rouge Stéphanie Anquetil. Des preuves qu’elle a jugé importantes pour démontrer le revers de la médaille de certains shelters. Or, le speaker Sooroojdev Phokeer n’a pas accepté que ces documents et la photo soient partagés au sein de l’hémicycle. «The document that is in front of me is manipulated. It is a summon, it is not the minute of proceeding.»
Quant à la photo, elle montre, au balcon du deuxième étage d’une maison, trois enfants qui ont noué des draps et les utilisent comme une corde. Un quatrième enfant se trouve au rez-de-chaussée et s’y agrippe. «Il n’y a aucun doute. C’est le Pure Mind Haven Shelter, situé à Vacoas. Cette photo émane d’une vidéo. Cela démontre clairement que c’est la cour de ce shelter», confie Stéphanie Anquetil.
Pourquoi avoir produit cette photo à l’Assemblée ? La députée voulait démontrer que n’importe qui pouvait pénétrer dans ce foyer. «J’ai eu un refus catégorique quand j’ai demandé à visiter l’Oiseau du Paradis. Et, pour ce shelter, qui devrait être une restricted area, tout le monde y a accès. Au rez-de-chaussée, c’est une résidence privée. Il y a un store dans la cour où le propriétaire conserve ses effets. Tous les jours, les ouvriers font des allées et venues et cela ne semble déranger personne. Déjà que le gate n’est pas cadenassé. Le rapport du Chief Executive du ministère avance que des étrangers conversent avec les mineurs de ce foyer.» Une situation inadmissible, martèle Stéphanie Anquetil.
«On place l’enfant dans un shelter sans même prendre la peine de connaître l’historique du petit.»
C’est pour cette raison qu’elle a voulu, une fois de plus, interpeller la ministre Kalpana Koonjoo-Shah sur les problèmes auxquels les shelters sont confrontés. «C’est triste de dire qu’elle a d’autres préoccupations.» Plusieurs questions sont soulevées par les députées de l’opposition et la presse. Pourquoi donc les sanctions ne tombent pas dans ces cas-là ? «Elle sait qu’il y a des informations qui fuitent. Une ministre responsable aurait dit à son bodyguard et à son PS de l’accompagner pour qu’elle puisse voir de visu ce qui se passe réellement au sein de ces foyers. Car c’est sa responsabilité de s’assurer que les enfants ne sont pas en danger.»
Prenant pour exemple les deux mineurs placés «illégalement» au shelter l’Oiseau du Paradis, la députée ne comprend pas le manque de réaction de la ministre. «Il se peut qu’elle ne soit pas au courant. Mais en attendant que les détails lui soient fournis, elle aurait dû immédiatement réagir. Ce qui me blesse dans cette histoire, c’est que ces enfants viennent de familles à problème.» Pour elle, l’État a son rôle à jouer. Il ne faudrait pas retirer les enfants de leurs parents, mais les accompagner. Trouver une solution pour aider les proches et leurs enfants, afin de ne pas les séparer. «Il faut encadrer ces familles, il y a des possibilités pour les aider. Mais il faut être sincère dans les démarches.»
Ne pas être arrogante
C’est aussi la ligne de pensée d’Arianne NavarreMarie. Pour la députée et ancienne ministre de la Femme (2000-2005), l’humilité est une vertu. «Dans ces cas de figure, il faut être humble, à l’écoute, et ne pas être arrogante. Étant une mère de famille, elle devrait comprendre la situation dans laquelle ces enfants se retrouvent.» Elle revient sur le comité ministériel institué en 2013 comprenant les ministères de l’Égalité des genres, de la Sécurité sociale et de la Santé, et qui visait à préparer un plan d’action englobant tous les problèmes que rencontrent ces enfants. «Surtout sur le plan psychologique.»
À l’Assemblée, elle a voulu avoir plus de détails sur les enfants placés à l’hôpital Brown Sequard (BSH). «Les enfants qui y sont admis sont déscolarisés. Idem pour ceux placés dans les shelters. Quand j’étais ministre, on s’assurait que les enfants poursuivent leurs études, ce qui ne semble pas être le cas dorénavant.» Et c’est très grave.
Autre point soulevé par la députée mauve, les sanctions qui pleuvent sur les enfants dès qu’ils font preuve de force de caractère. «Et pour se débarrasser de l’enfant, le responsable du shelter l’envoie au BSH. Et ce n’est pas une solution. Où est le plan d’action ? Car chaque enfant a un caractère différent. On dirait que les enfants doivent être tous soumis. Et c’est inconcevable.» D’où une autre question qui la taraude. «Est-ce que les shelters utilisent les enfants comme générateurs de revenus ? Certes, il faut que les enfants puissent avoir les soins nécessaires.»
Ce point a été soulevé auprès d’un responsable du National Children’s Council. Il nous apprend que ces enfants, placés dans des shelters, sont une véritable mine d’or. «Par jour, l’État verse environ Rs 500 à Rs 600 pour un enfant. Calculez le nombre d’enfants qui se retrouvent dans ces foyers.»
Pour lui, l’organisme à blâmer est la Child Development Unit (CDU). «Le système n’y est pas bien rodé. Un appel, et l’on va récupérer un enfant. Mais il n’y a pas de tri qui est fait. On place l’enfant dans un shelter sans même prendre la peine de connaître l’historique du petit. On ne peut pas placer un enfant plus d’un an dans un shelter.» Selon lui, l’enfant doit être placé dans un premier temps dans un relay-center. «Cela pour une période de 28 à 40 jours. On a ainsi le temps de trouver un proche qui accepte de prendre l’enfant. Au cas contraire, on le placera dans un abri où il sera à l’aise. Chaque trois mois, on fait un suivi avec lui pour voir comment il s’y adapte.»
Pour ce qui est du shelter l’Oiseau du Paradis, il sera désormais pris en charge par une ONG, comme le préconisent les recommandations du Fact Finding Committee. Par ailleurs, Sooroojdev Phokeer donnera un ruling à la prochaine séance parlementaire. Il doit statuer sur l’admissibilité ou pas de photos et documents brandis dans l’hémicycle par les membres des deux côtés de la Chambre.
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