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Hommage à une icône du séga: La dernière cadence de Serge Lebrasse
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Hommage à une icône du séga: La dernière cadence de Serge Lebrasse
C’est aux petites heures hier matin que la nouvelle est tombée : le monument de notre séga, Serge Lebrasse, s’en est allé. Il était âgé de 92 ans. Toute sa vie, il aura vécu pour la musique. Quand nous rendions visite à Serge Lebrasse dans sa petite maison à Rose-Hill, où il vivait aux côtés de son épouse Gisèle, c’était comme si nous allions chez un ami de longue date. Toujours simple et généreux, il ne se faisait jamais prier pour nous parler de musique et de sa carrière exceptionnelle. Et si jamais il oubliait un détail, sa fidèle compagne était toujours à côté pour le lui rappeler. Une belle complicité les réunissait.
Immense artiste, Serge Lebrasse a été un des pionniers ayant donné ses lettres de noblesse au séga. Il a été parmi les premiers ambassadeurs de notre musique et, par ricochet, de la culture mauricienne aux quatre coins du monde. Six ans de cela, lors du concert Nostalgie d’Or, il avait annoncé qu’il se retirait du monde du spectacle et disait qu’il ne voulait «pas mourir sur scène, mais chez moi…».
Fils de comptable et petit-fils de cordonnier, Serge Lebrasse a vu le jour le 25 juin 1930 à Rose-Hill. Il est l’aîné de quatre enfants. Il a fait beaucoup de petits boulots avant d’exercer en tant qu’enseignant dans plusieurs établissements scolaires de l’île. Mais sa passion pour la musique a fini par prendre le dessus. Dans un premier temps, il a chanté plusieurs genres. À l’époque, faire du séga n’était pas bien vu. Mais bien vite, il se laissa aller à ses inspirations. La première chanson qu’il a écrite, Madame Eugène, est un succès et s’inscrit dans l’histoire de notre séga. Bien d’autres titres suivront dont Mo ene ti creole et Moris mo pei, entre autres. Si Serge Lebrasse n’est plus, sa musique, elle, ne nous quittera jamais.
Avec son groupe Kanasucs, il fait la tournée des hôtels. Et le séga, petit à petit, a trouvé sa place dans les familles mauriciennes où il était jusque-là tabou. Il a ainsi participé au premier lever du drapeau au Champ-de-Mars en 1968 et a organisé le premier spectacle de séga après la cérémonie protocolaire en 1970.
Mais donner ses lettres de noblesse au séga n’a pas été toujours facile car, d’une part, le chanteur a dû faire face aux remarques des personnes qui avaient toujours un mauvais regard sur le séga et, d’autre part, il a dû assumer le métier de chanteur, qui n’est pas toujours simple; par moments, des jours entiers le tenaient éloigné de sa famille. Mais l’icône du séga n’a toujours été motivée que par un seul désir : «Faire et partager sa musique.» Et il fera résonner notre musique aussi bien dans les îles de l’océan Indien que sur les continents. En véritable patriote, il n’a jamais arrêté de chanter son île.
Salué par la reine Elizabeth et la princesse Margaret, Serge Lebrasse aura connu nombre de distinctions durant sa carrière, dont le National Awards en 2018, mais il aura toujours vécu modestement. Aujourd’hui, nous saluons cet artiste exceptionnel et nous lui disons merci pour tout ce qu’il a apporté à notre culture, à notre patrie. La rédaction de l’express présente ses sincères condoléances à la famille de Serge Lebrasse, notamment à son épouse Gisèle, à ses enfants et petits-enfants, mais également à toute la grande famille de la musique locale.
Les funérailles de l’artiste auront lieu aujourd’hui. Le convoi mortuaire sortira de chez Elie & Sons à 11 heures pour se rendre à son domicile à Plaisance. Par la suite, la procession quittera sa maison pour l’église Ste-Anne, puis se rendra au cimetière St-Jean.
Le président se trompe de chanteur dans son hommage
C’est sur sa page Facebook que le président de la République, Pradeep Roopun, a rendu hommage à Serge Lebrasse. Il a parlé de sa «profond (sic) tristesse» face à ce drame et a posté des photos du chanteur. Cependant, Pradeep Roopun, qui est un ancien ministre de la Culture, s’est trompé de chanteur dans son message et a fait une allusion à Michel Legris. «La contribution de mo capitaine dans le domaine des arts et de la culture mauricienne (…)». Son post est très vite devenu viral et a été enlevé de sa page.
Le premier ministre au chevet de la famille
Pravind Jugnauth a fait le déplacement à la chapelle ardente d’Elie & Sons hier pour se recueillir devant la dépouille de Serge Lebrasse et exprimer son soutien à la famille. Plus tôt, sur sa page Facebook, le Premier ministre avait exprimé sa tristesse. «Ene vrai artiste mauricien qui finne conne chante la beauté de nous l’île Maurice arc en ciel.Mo présente mo sincère condoléances à la famille et à so bannes proches».
Souvenirs de Rama Poonoosamy
Serge Lebrasse s’en est allé mais sa voix résonnera pour toujours. C’est ce qu’a déclaré Rama Poonoosamy lors d’un hommage organisé par Immédia hier. Rama Poonoosamy a raconté qu’il a eu l’occasion de travailler avec Serge Lebrasse en 1983 alors qu’il était ministre de la Culture pour l’organisation de la fête de l’Indépendance de Maurice.
Hommage à une icône du séga. Sega vibes dan paradi
Les proches de Serge Lebrasse étaient réunis chez lui, hier matin. C’est avec ses tubes en fond sonore que tous se partageaient les meilleurs souvenirs que la légende du sega a laissé. «C’était le représentant du folklore de Maurice. Mais pour moi, c’était simplement mon papa» confie Sonia Travailleur, la fille aînée de Serge Lebrasse. Elle se souvient de lui comme d’un homme passionné. Une passion qui se traduisait dans tout ce qu’il entreprenait, que ce soit envers sa famille, son public ou son pays. Toto Lebrasse, le fils de Serge Lebrasse, parle, lui, du côté patriote de son père. «Partout où il était, il a chanté son pays. Il vivait sa vie d'artiste pleinement. Tanto ena Sega vibration dan paradi» dit-il.
es petits-enfants ont tout autant de bons souvenirs. «Li’nn kit so bann valer ek nou» rappelle Samuel Lebrasse. Son meilleur souvenir était le moment où il a chanté avec son grand-père pendant une fête de famille. Lorenzo Lebrasse, un autre des petits-enfants du chanteur, explique que c’est grâce à son grand-père qu’il a découvert sa vocation. Il est né dans un milieu musical, et devenir ingénieur du son était naturel pour lui. Mais les meilleurs moments qu’il a partagés avec son légendaire grand-père restent, pour lui, les concours de qui mangera le plus de poulet. «On se souviendra toujours de lui comme un bon vivant, une personne qui aimait rire et faire des blagues» dit pour sa part Carolyn Lebrasse, la petite-fille de Serge.
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