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À Maurice dans le cadre du Ramadan: Imam Awalé, l’humilité personnifiée
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À Maurice dans le cadre du Ramadan: Imam Awalé, l’humilité personnifiée
Âgé de 37 ans, l’imam béninois impressionne de par sa générosité à aider ceux qui sont dans le besoin, sa grande capacité de mémorisation du Coran, sa quête du savoir et sa simplicité. Une rencontre s’imposait.
Entre le Bénin et Maurice, c’est une incroyable porte sur le destin qui s’est ouverte. L’imam Awalé n’aurait jamais cru qu’il quitterait un jour son village de Macantogo natal, situé à 500 km de la capitale Cotonou, pour venir travailler à l’île Maurice une fois par an, pour un mois. Depuis 2012.
Officiant aux prières du soir (taraweeh) à la grande mosquée de Mahébourg pendant toute la durée du ramadan, il s’offre à chaque visite chez nous une parenthèse qu’il qualifie lui-même de «bénie de Dieu», dans un pays qu’il a appris à aimer. Et qui le lui rend bien aussi.
Un peu comme la star du Bayern Munich Sadio Mané (toutes proportions gardées bien sûr !) qui ne perd pas une occasion d’aider financièrement son village natal et son pays le Sénégal, l’imam Awalé doit faire face à la dureté de la vie dans son village retiré du Bénin et se démène corps et âme pour aider les nécessiteux de son pays.
Contrairement à Mané, Awalé ne roule pas sur l’or, mais il utilise ses connaissances, religieuses et académiques, et l’argent de son salaire, gagné à chaque fois qu’il vient chez nous, pour soulager ses proches et ceux dans le besoin.
«Si Dieu nous donne, aussi peu soit-il, il faut le redistribuer en retour à ceux qui en ont le plus besoin, car c’est comme ça qu’on obtient la bénédiction divine», nous confie Mohamed Sanounou Awalé, né à Djougou, au Bénin, en 1985. Parti faire des études en charia (jurisprudence islamique) à l’âge de 19 ans, à Médine, en Arabie saoudite, il en ressort avec une maîtrise en psychologie et tarbyah (éducation et parentalité en islam).
Happé par une inextinguible envie d’apprendre, le jeune béninois mémorise la totalité du Coran et se perfectionne dans cet art au cours des 14 années passées à Médine. Il suit tous les cours possibles et imaginables, tel un mort de faim du savoir. Pour tout dire, l’oisiveté ce n’est pas pour lui !
«Je n’aime pas rester à ne rien faire. Le temps, c’est précieux. Je préfère passer tout mon temps à faire quelque chose d’utile pour moi-même et pour les gens que de gaspiller mon temps dans des choses futiles ! Ceux qui veulent être mes amis ont bien compris ça», glisse-t-il. En effet, il vient à Maurice depuis 2012 mais ne prend pas de temps pour flâner et visiter comme le ferait n’importe quel touriste de passage ici…
L’imam de 37 ans nous ouvre son coeur : «Vous avez vraiment un pays magnifique ! Merveilleux. Ces paysages, la nature, la mer… Et surtout l’incroyable gentillesse des Mauriciens, quelle que soit la communauté, et des Mahébourgeois, m’a vraiment touché. L’île Maurice est dans mon coeur. Tous les Mauriciens sont dans mon coeur. L’île Maurice est un petit paradis. Dieu vous aime, c’est pourquoi il vous a donné en cadeau ce beau pays. Je prie pour que vous restiez toujours ainsi et que vous ayez toujours la paix ici, loin des cyclones, des catastrophes naturelles et des autres fléaux.»
Imam et professeur en langue coranique, il fait aussi des prêches dans sa localité de Macantogo et dans les villages avoisinants, tout en suivant un doctorat en ligne auprès de l’école Jamiah al Amrikiya Al Maftouha. Véritable pile électrique, ce petit bonhomme ne s’arrête jamais ! Il préfère en rigoler : «J’ai même dû faire deux examens en ligne depuis que je suis arrivé à Maurice, il y a 15 jours… Mais tout s’est très bien passé grâce à Dieu !»
Repéré par des étudiants mauriciens qui étaient eux aussi à Médine, en 2012, l’imam Awalé apprécie ce cadeau du destin qui l’a amené à découvrir Maurice. Et dire que tout est parti d’une simple rencontre… dans un taxi ! «J’étudiais à Médine et j’ai discuté avec un dénommé Shakil Gopaul, puis Umair Nunkoo, qui m’ont proposé de venir travailler pour la Jummah Mosque de Mahébourg. La direction de la mosquée a regardé les vidéos qu’ils ont envoyées et j’ai été pris. Je reviens toujours chez vous chaque année avec bonheur et je repars avec des larmes.»
Fils aîné d’une fratrie de 12 enfants (huit frères et trois soeurs), l’imam Awalé est marié et a une famille à nourrir, mais subvient aussi aux besoins de son père, un ex-chauffeur de moto-taxi, désormais malade, et des autres membres de la famille. Chez lui au Bénin, la vie est dure. La famine sévit. L’eau potable est loin. Il y a très peu d’infrastructures et tant à faire pour améliorer le quotidien des habitants. «L’hôpital est payant et ceux qui n’ont pas les moyens de se soigner, meurent parfois de simples maladies. Ça vous fend le coeur. Surtout quand un de vos propres enfants et vos proches sont concernés…» explique-t-il.
Et c’est là que la solidarité mauricienne, même à petite échelle, entre en jeu et s’avère vitale. «Chaque année, des Mauriciens me donnent des aides pour les pauvres de mon pays et je les en remercie infiniment. Vous avez un bon coeur ici, on ne trouve pas ça partout. Mais ça signifie aussi que Dieu vous aime. Tout le monde devrait aimer l’île Maurice ! Vous savez recevoir vos visiteurs, vous avez un super climat et une gentillesse légendaire», s’exclame l’imam, très ému sur le coup. Il faut dire qu’il n’avait plus revu Maurice depuis le Covid en 2019, qu’il qualifie de douloureuse séparation…
Calme et sérénité
A vrai dire, ce dernier ne parle pas facilement de ses problèmes et des réalités auxquelles il doit faire face. Usaamah Nunkoo, enseignant au collège, qui est l’un des membres du comité de la mosquée qui l’accueille ici, confirme notre ressenti. «L’imam Awalé est très simple. Même si ses moyens sont limités, il met beaucoup l’accent sur l’éducation auprès de ses enfants, de sa famille et des élèves de la madrassa où il travaille dans son pays. Quand il dirige les prières, il dégage un calme et une sérénité impressionnants. Il n’inspire rien d’autre que la paix. Il n’aime pas les extravagances, même pour manger !»
Fan de briani, il ne mange en revanche pas les fameux gato delwil qui sont une tradition pour beaucoup à Maurice, et se tient loin des boissons gazeuses et jus sucrés, ce qui explique sans doute sa silhouette élancée… Les Mauriciens qui le côtoient son tous fans du personnage.
«Il a une très forte capacité de mémorisation du Coran et une très belle voix quand il récite le Coran», indique Reza Hansye, ancien président du Jummah Mosque de Mahébourg. «Il est très intelligent mais en même temps si humble et simple. Il ne se contente pas de lire le Coran, je trouve qu’il incarne son message dans sa vie de tous les jours.»
Dans ce monde de technologie qui bouge sans arrêt où tout le monde est à la recherche du buzz absolu, voici un individu qui fait tout son contraire. Derrière son air jovial et toujours souriant, se cache une vraie force de caractère, qui encaisse chaque aléa de la vie avec philosophie. Un exemple à suivre. Pour lui, pas besoin des ‘likes’ distribués sur terre. Il espère les recevoir dans l’au-delà.
Khalil Elahee : «Les larmes viennent aux yeux en l’écoutant…»
Professeur à l’université de Maurice, Khalil Elahee a eu la chance d’assister aux prières avec l’imam Awalé et nous livre un témoignage poignant. «Le ‘Sheikh Awalé’ attire les gens vers le Coran autant par sa voix que la façon dont il dirige les prières du soir pendant le ramadan. Même si on est fatigué après une journée de jeûne et de travail, il peut nous faire sortir de notre torpeur et éveiller notre passion pour le Coran. Sa récitation n’est jamais monotone tout en respectant les règles. Il sait quand s’arrêter, ralentir ou répéter certains versets puissants et remplis de sens. A ceux qui comprennent les mots ou qui étudient le texte coranique, il leur permet de vibrer en saisissant la portée d’un message ou d’un enseignement qui est de source divine. Même ceux qui ne maîtrisent pas la signification de la récitation, les larmes leur viennent aux yeux en l’écoutant embellir par sa voix des paroles qui sont celles de Dieu, selon la foi qu’ils portent. Évidemment, la prière se termine plus tard dans la nuit avec les invocations et on observe que personne n’est insensible à la pertinence des expressions que choisit le Sheikh Awalé pour implorer Dieu et lui faire des invocations. Il se trouve qu’après la séance, même si c’est tard, les gens sont comme si tous éveillés et ne se sentent pas épuisés. Son secret est peut-être aussi son humilité. Par exemple, il n›aime pas réciter le Coran pour plaire aux gens.»
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