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Milan Meetarbhan: «La Cour doit pouvoir sanctionner un speaker s’il abuse de ses pouvoirs»
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Milan Meetarbhan: «La Cour doit pouvoir sanctionner un speaker s’il abuse de ses pouvoirs»
Le speaker a sévi une nouvelle fois avec deux suspensions. Est-ce normal dans une démocratie qu’un nominé politique prive l’accès du Parlement aux élus du peuple ?
Théoriquement, un speaker qui est un élu et celui qui ne l’est pas disposent des mêmes pouvoirs. Les mêmes textes s’appliquent. Toutefois, je comprends que le fait que quelqu’un qui n’a aucun mandat du peuple puisse interdire à un élu du peuple d’exercer ses fonctions au sein de l’Assemblée nationale interpelle certains Mauriciens. La question qui se pose est de savoir si un speaker, qui n’est pas un élu, doit faire preuve de plus de retenue dans l’utilisation de ses pouvoirs d’exclusion par rapport à celui qui agit à l’égard de ses pairs, des élus du peuple comme lui.
Le ton adopté par le speaker a aussi été déploré. A-t-il le droit d’agir ainsi ?
Deux remarques s’imposent. D’abord, le ton utilisé par toute personne au sein de l’Hémicycle ne devrait pas être une question qui relève du droit. Utiliser un ton correct et acceptable relève de la bienséance, de la courtoisie et du respect de l’institution. Bien sûr, le droit peut sanctionner des excès ; mais ce n’est pas le droit qui fera l’éducation de ceux qui n’en ont pas. Cela dit, une autre question se pose par rapport à qui peut sanctionner celui qui dispose du droit de sanction. Qui peut sanctionner le «sanctionneur» ? Est-ce que les pouvoirs discrétionnaires qui sont accordés au speaker quant à l’expulsion des membres est un droit absolu ou est-ce qu’il existe, ou devrait exister, un recours judiciaire contre les excès ?
Qui a le plus de pouvoir au Parlement ? Le speaker ou les députés ?
C’est une façon intéressante de voir le problème qui devient de plus en plus grave chez nous. Selon les textes, c’est le speaker qui a un éventail de pouvoirs par rapport au déroulement des débats, à l’expulsion des députés, et même à initier le processus qui mène à la suspension d’un député pour un certain nombre de séances.
N’est-ce pas là un retour de manivelle ? Le PTr avait amendé la Constitution pour que le speaker ne soit pas nécessairement un élu. Maintenant, c’est un nominé politique qui sévit.
Non, ce n’est pas le cas. Depuis l’amendement de la Constitution permettant à un non-élu d’être nommé speaker, nous avons eu Ramesh Jeewoolall, Kailash Purryag et Razack Peeroo qui n’étaient pas des élus, mais qui ont exercé leurs fonctions de façon très différente et honorable. Donc, le problème ne se pose certainement pas en raison de cet amendement constitutionnel. Le problème se pose au niveau de celui qui propose la nomination d’un candidat au poste de speaker et du respect que celui qu’il nomme à ce poste inspire auprès des élus du peuple. Si celui qui, effectivement, nomme le speaker veut d’un speaker qui serait à son image et jouerait son jeu, et que la majorité parlementaire ratifie ce choix, la faute n’est pas dans l’amendement constitutionnel. Le respect se mérite et ne peut être exigé, surtout si celui qui demande le respect ne respecte pas lui-même l’institution qu’il prétend défendre.
D’après vous, dans une nouvelle République, comment un speaker doit-il être nommé ?
Il est indispensable que le candidat au poste de speaker jouisse de la confiance des deux côtés de la Chambre avant d’être nommé à ce poste et, qu’une fois nommé, il se comporte de façon indépendante, impartiale et digne pour qu’il puisse continuer à garder cette confiance.
Comment cela se passe-t-il au Royaume-Uni ?
Au Royaume-Uni, qui a une longue tradition démocratique, le speaker est issu d’un consensus ; il veille au maintien de ce consensus de par son intégrité, son professionnalisme et sa conduite irréprochable.
Êtes-vous de ceux qui croient que le «standing order» de l’Assemblée nationale doit être revu?
Absolument. Maurice ce n’est pas la Grande-Bretagne. On ne peut pas importer des règles qui ont été conçues dans un pays qui a une histoire différente, une culture différente et où ceux qui sont appelés à exercer comme speaker évitent les controverses. Les formations politiques s’abstiennent souvent de présenter un candidat contre le speaker dans sa circonscription. À Maurice, par contre, on nomme comme speaker quelqu’un qui a été battu aux élections ou qui a agi comme campaign manager, très controversé d’ailleurs, dans une circonscription où le leader d’un parti adverse se portait candidat. Le régime constitutionnel britannique repose sur le principe de la souveraineté parlementaire. À Maurice, nous avons un régime de suprématie constitutionnelle. Il faut impérativement que la Cour suprême puisse sanctionner le cas échéant un speaker s’il abuse de ses pouvoirs.
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