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Journée mondiale: la parole aux artistes
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Journée mondiale: la parole aux artistes
Cette Journée mondiale de l’art est un rappel que l’art peut nous unir et nous connecter même dans les circonstances les plus difficiles. En effet, le pouvoir de l’art est de rassembler les gens, d’inspirer, de guérir et de partager. Une chose devenue de plus en plus claire lors des récents conflits et crises, y compris celle du Covid-19. Chaque année, le 15 avril, des célébrations contribuent à renforcer les liens entre les créations artistiques et la société, à favoriser une plus grande prise de conscience de la diversité des expressions artistiques et à mettre en lumière la contribution des artistes au développement durable. C’est aussi l’occasion de mettre en lumière l’éducation artistique à l’école, car la culture peut ouvrir la voie à une éducation inclusive et équitable.
L’art nourrit la créativité, l’innovation et la diversité culturelle pour tous les peuples du monde et joue un rôle important dans le partage des connaissances et l’encouragement à la curiosité et au dialogue. Ce sont des qualités que l’art a toujours eues et qu’il aura toujours si nous continuons à soutenir des environnements où les artistes et la liberté artistique sont promus et protégés. De cette façon, favoriser le développement de l’art favorise également nos moyens pour parvenir à un monde libre et pacifique. En cette journée mondiale, quelques artistes locaux s’expriment.
Jessie Gooriah, 39 ans : «Je peins directement de mon âme en espérant que mon travail rendra les gens engagés et heureux»
Cette habitante de Tyack est une artiste-peintre et éducatrice en Art & Design au Mootoocoomaren Sangeelee SSS. Pour elle, l’art reste un concurrent sérieux de la façon dont nous partageons nos pensées et nos idées. Tout au long de l’histoire, l’art a survécu au raz-demarée de l’information et reste une source imprévisible d’imagination. Il a la possibilité de changer ses pensées, d’ouvrir de nouvelles idées et d’emprunter à des idées reçues si communes à notre système éducatif. «Je n’ai pas de grandes illusions sur le fait que l’art va créer une révolution au sens traditionnel du terme, mais j’ai été témoin des changements puissants qu’il peut apporter à un individu.» Une seule nouvelle idée peut changer la perception d’une personne. Le monde ne change peut-être pas en un instant par l’art, mais il se propage lentement dans la partie active de notre cerveau pour raconter l’histoire. Il peut quitter le studio et faire le tour du monde, et pourtant revenir au studio où tout peut arriver.
«Mon travail des six dernières années a utilisé des aspects révélateurs de l’histoire, qui ont un impact profond sur notre culture contemporaine aujourd’hui. Dans le climat actuel, je me retrouve continuellement à revenir à ces aspects qui sont souvent cachés ou déformés dans les enregistrements «officiels» pour la postérité. Dans mes approches variées et diverses pour faire de l’art avec diverses techniques et médias, le contexte de l’œuvre a un impact sur la relation de l’œuvre au spectateur. L’art est un voyage d’intérêt, un regard à l’intérieur d’une personne ou de la nature, qui touche en quelque sorte l’expérience humaine que je ressens à propos de l’art. C’est pourquoi mon art n’a pas d’agenda sophistiqué. Je peins directement de mon âme. Je peins simplement en espérant que mon travail rendra les gens engagés, heureux, réfléchis ou joyeux. Par conséquent, chaque fois que je crée une œuvre d’art, j’intègre des gestes variés, des couleurs, pour souligner la vie, la vigueur et la force, tout en mélangeant cela avec douceur et tranquillité. C’est dans ce mélange des divers aspects de la vie que mon style émerge. Mon travail couvre la flore et la faune mauriciennes, la figure et la nature morte et depuis les trois dernières années, mon travail a impliqué de l’art traditionnel à la forme d’art moderne, en bref mon voyage a commencé avec la peinture au pinceau et aux couteaux d’art pour se transformer progressivement en une transition de peinture de points à un voyage de recyclage de papier et de matériaux de rebut, qui est maintenant devenu une caractéristique très importante de mon travail. De plus, mon expérience personnelle avec le monde naturel revient à explorer la relation complexe de la nature sous toutes ses formes.»
Selon Jessie Gooriah, les artistes font face à des problèmes comme la disponibilité d’une galerie prestigieuse, une allocation de subvention qui consiste en un agenda caché lors de la demande ou une attitude non réactive des institutions concernées lorsqu’il s’agit de promouvoir l’art. Les problèmes de financement sont une réalité à Maurice dans le soutien des élites pour promouvoir l’art. Son message aux artistes : «Tous les artistes, ne vous agenouillez jamais devant un petit rejet, reprenez votre créativité en main et continuez à peindre ou à sculpter tout en vous relevant. Apprenez d’où vous échouez et acceptez les critiques, cela vous fera grandir sagement dans votre prochaine création, cela renforcera vos convictions ou vous ouvrira la voie pour vous exprimer et vous mènera à des affirmations sur votre style.» Elle estime que le gouvernement «devrait créer plus de plateformes pour tous les types d’artistes à différents niveaux et donner une opportunité à tous pour une fois dans la vie d’un artiste».
Nitish Chendrapaty-Appadoo, 31 ans : «Il faut arrêter de blâmer le ministère des Arts pour le manque de projets»
Ce jeune artiste travaille comme artiste de rue à plein temps et il a fondé le projet social «Koloriaz». L’habitant de Rivière-du-Rempart dit avoir toujours été passionné par les couleurs et leur impact sur nos activités quotidiennes. «J’ai pu utiliser mes connaissances et mes compétences pour travailler sur divers projets artistiques au cours des trois dernières années, me faisant un nom sur la scène artistique mauricienne. J’espère que les gens reconnaissent les efforts derrière le processus d’une œuvre d’art et aussi qu’ils arrêtent de demander des choses gratuites, car il y a beaucoup de travail derrière, sans parler du coût des matériaux.»
Nitish a commencé sa carrière comme graphiste et maintenant avec beaucoup de plaisir et d’honneur il a endossé le statut d’artiste et cela lui procure une grande joie de pouvoir vivre de son art. Son travail en tant qu’artiste de rue lui a permis de travailler à plusieurs endroits autour de l’île et il a pu participer à diverses expositions de groupe, peignant sur de plus petites toiles. Il espère faire une exposition en solo plus tard cette année. Il y a parfois un manque total de respect envers les artistes, dit-il. «Premièrement, nous avons des «clients» qui vous feront travailler sur des propositions rapidement, mais dès que vous envoyez vos propositions, vos conceptions et votre liste de prix, vous risquez de ne plus en entendre parler pendant des mois. Certains cesseront même de répondre à vos e-mails ou de prendre vos appels, ce qui est extrêmement démotivant. Et quand ils finissent par vous répondre, ils s’attendent à ce que vous commenciez à travailler sur leur projet instantanément comme si vous n’aviez rien d’autre à faire. Cela a beaucoup à voir avec la vieille mentalité selon laquelle être un artiste n’est pas un vrai travail et qu’ils nous rendent service en nous donnant des opportunités de montrer nos œuvres.»
L’artiste explique qu’il faut arrêter de blâmer le ministère des Arts pour le manque de projets. Certains artistes n’attendront que les activités du ministère pour présenter leurs œuvres, ce qu’il pense être une façon très ancienne de penser et de faire. «S’il y a un manque d’opportunités,, alors rien ne nous empêche, nous artistes, de proposer nos propres idées et projets et c’est finalement ainsi que nous réussissons. La recette derrière tout grand projet est la collaboration, ce sur quoi nous, artistes mauriciens, devrions nous concentrer davantage.»
Catherine Khoart, 37 ans : «Dieu est un artiste… le plus merveilleux de tous»
Habitante de Tranquebar, Port-Louis, Catherine est spa-therapist et artiste peintre. L’art pour elle est une langue universelle à la portée de tous, petits et grands, pour exprimer nos idées, nos messages et nos émotions. «Je suis une selflearner et j’apprécie l’art sous toutes ses formes.» Elle a participé à des ateliers et des expos avec CALM et Lakaz flanbwayan. Elle se consacre à l’art visuel aux couleurs paisibles comme les paysages naturels et les animaux et elle aime ajouter une phrase inspirante qui peut être un verset, une devise ou une parole dite par nos parents qui nous accompagnent pour la vie. «Ma foi en Christ a une grande place dans ma vie et mon art aussi. Il est bon de savoir que Dieu est un artiste et quel artiste ! Le plus merveilleux de tous.»
«Il est bien dommage qu’on ne puisse vivre de notre art uniquement mais j’ai espoir que cela viendra avec le temps.» Son souhait est que l’art soit mieux reconnu qu’un simple passe-temps. Une chanson, des notes de musique, une danse, un tableau, une fresque, un poème, un slam ou une sculpture demandent du temps, des émotions et du dévouement. Chaque artiste laisse une part de lui ou d’elle en son art. «Ce serait épatant qu’il y ait plus de galeries, d’événements et d’ateliers où il y a échange entre artistes et le public. On a des artistes mauriciens exceptionnels et nous sommes bénis de vivre sur une île aux mille couleurs et facettes.»
Laëtitia Rousselin, 29 ans : «L’art fait partie de notre patrimoine»
Laëtitia Rousselin habite à Curepipe et vient de fêter ses 29 ans. Elle est enseignante en arts plastiques et une artiste «prophétique». La jeune fille était l’élève la plus performante de sa cuvée mais cela n’a pas été un long fleuve tranquille car elle a dû entamer d’autres études en éducation pour remédier à son rêve de vivre pleinement de son art, faute de moyens et d’opportunités. Elle a participé à plusieurs expositions à travers l’île. Laëtitia peint par rapport à la demande de la société, aux saisons et surtout à ses visions. «Je préfère l’huile et ma matière de prédilection, c’est le bois.»
Selon Laëtitia Rousselin, l’art stimule la réflexion et il est un moyen de se ressourcer et de faire silence. «Il te permet de t’exprimer sans parler et c’est ainsi que toute forme d’art transmet des messages, des valeurs et des solutions qui peuvent faire bouger un système et détruire des forteresses dans la pensée humaine.» Elle déplore le manque d’infrastructures artistiques, le coût du matériel trop élevé, diminuant les chances de vendre car l’art n’est pas considéré à sa juste valeur, la main-d’œuvre devant aussi être incluse dans les coûts. «Nous devons nous soutenir sans attendre que le changement s’abatte sur nous. Je salue les organisations non gouvernementales dont je fais partie et qui luttent pour que les artistes obtiennent un statut légal et une rémunération comme tout autre métier. Je fais mention de l’Union des artistes par Joëlle Coret et du collectif CALM par Christopher Collin. Il nous faut plus de visibilité à travers des expositions pour lesquelles nous serions rémunérés. L’art fait partie de notre patrimoine et les Mauriciens possèdent suffisamment de talent pour se frayer un chemin dans une carrière internationale.»
Olivier Lajoie, 30 ans : «Sans les artistes, le monde serait sans couleur et rempli d’humains tristes»
Dans la vie de tous les jours, il est artiste à temps plein et responsable d’un atelier de production dans une boîte à Rose-Hill. L’habitant de Hollyrood, Vacoas, est un artiste polyvalent qui fait des fresques contemporaines, des portraits réalistes en crayonnage ou peinture, des sculptures diverses et de la pyrogravure. L’art est un élément clé dans la vie de tous les jours. Les émotions de l’être humain dépendent de l’art, que ce soit en termes de formes ou de couleurs. «Notre journée dépend toujours de ce qu’on ressent. Grâce à une œuvre d’art qui nous transmet quelque chose de positif, de vivant ou rempli de couleurs, les décisions et les actes humains peuvent changer. L’art peut faire notre monde devenir meilleur.»
Olivier veut faire de sa passion son métier, c’est son rêve d’enfance, car depuis la maternelle, il dessinait plus qu’il n’écrivait. En 2015, il a terminé ses études tertiaires et au Fashion & Design Institute et il voulait faire quelque chose de différent. «À la base, j’ai débuté ma carrière comme professeur d’art mais pour moi, exploiter au maximum l’art au bout de mes doigts doit se faire sur le terrain et au-delà des frontières.»
Malheureusement à Maurice, dit-il, les artistes ne sont pas valorisés. «On ne part pas chez un docteur pour avoir notre guérison et on ne lui dit pas de nous soigner volontairement. Pourquoi on le fait avec les artistes ?» Il ne comprend pas pourquoi les gens ne considèrent pas le métier d’artiste comme une réalité. «Sans les artistes, le monde serait sans couleur et sans forme et rempli d’humains tristes. En tant que jeune artiste, on doit vivre ‘cool à l’île Maurice’, mais considérez notre métier comme tous les autres.»
Darshini Jadoo, 30 ans : «L’art peut aider à réduire les fléaux sociaux»
Également connue sous le nom de Mermartist, Darshini Jadoo est graphiste de profession et entrepreneure. Dans son atelier à Lallmatie, elle propose des services tels que créations graphiques, travaux d’impression, vente de gadgets sans oublier des tableaux sur commande. Dans ses premiers jours, elle n’utilisait que de l’encre noire. Avec le temps, elle a introduit l’acrylique dans ses œuvres ; juste une touche de couleur en arrière-plan pour donner vie à ses œuvres. Plus tard, elle a commencé à ajouter du strass pour leur donner une touche brillante. Maintenant, elle fait surtout des peintures acryliques avec des techniques mixtes et se concentre davantage sur la nature, la verdure et l’océan.
L’art a toujours fait partie d’elle depuis l’enfance. C’est une façon pour Darshini de s’exprimer. «C’est ma passion qui m’aide à apaiser mon esprit et à retranscrire sur papier des pensées qui ne peuvent s’exprimer par des mots. Je crois que les artistes mauriciens manquent de visibilité et nous n’obtenons pas une reconnaissance suffisante pour nos travaux. Être un artiste ne peut pas être la seule source de revenus pour quelqu’un.» Avec un soutien supplémentaire, les artistes pourront devenir autonomes. Le pays pourrait mieux s’épanouir en encourageant les artistes à sortir de leur zone de confort, dit-elle. «Je crois fermement que l’art peut être un moyen pour réduire les fléaux sociaux.»
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