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Projet de dé-extinction: le dodo 2.0 est-il faisable et viable dans notre écosystème ?

16 avril 2023, 15:00

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Projet de dé-extinction: le dodo 2.0 est-il faisable et viable dans notre écosystème ?

Attirer l’attention sur les dégâts que l’homme cause à son environnement, tout en ramenant à l’existence une espèce qui fait l’unanimité. C’est dans ce cadre que Colossal Biosciences, entreprise de biotechnologie et d’ingénierie génétique, œuvre pour la dé-extinction du dodo, l’icône d’une disparition totalement causée par l’humain.

Ben Lamm, CEO et co-fondateur de Colossal Biosciences, et Beth Shapiro, biologiste moléculaire, estiment que, d’ici 2028, le dodo pourrait bien être de nouveau sur notre île. Cela, après avoir retrouvé un génome complet de l’oiseau au Musée d’histoire naturelle du Danemark. L’entreprise se consacre actuellement au décodage des informations et à la mise au point de la technologie nécessaire pour développer des cellules du pigeon de Nicobar, cousin le plus proche de notre icône locale, et des outils nécessaires à l’édition des gènes de l’oiseau. Il faut noter qu’il est inconcevable de créer une copie conforme du dodo. Ce projet se focalise plutôt sur la possibilité de ramener une espèce qui ressemble au dodo, qui agit comme le dodo et qui sera adapté à l’habitat d’aujourd’hui. Cependant, qu’en est-il de la faisabilité du projet ? Ce dodo 2.0, s’il est recréé, peut-il trouver sa place dans l’écosystème mauricien ?

Pour le Dr Vikash Tatayah, Conservation Director à la Mauritian Wildlife Foundation (MWF), cela risque de prendre beaucoup de temps et, bien que ce projet apporte un élément important dont nous pouvons nous réjouir –, du fait que le dodo soit de retour – il y a matière à discussion, car des questions se posent toujours. «La faisabilité concerne deux niveaux : premièrement, l’aspect technique de la recréation du dodo et, deuxièmement, après sa recréation, comment s’assurer qu’il ait une place dans notre écosystème pour une existence durable».

On sait certes que ce qui va émerger ne sera pas le dodo originel, mais plutôt une espèce lui ressemblant. Il faut aussi tenir compte du fait qu’il s’agit d’un animal terrestre, dont la cause d’extinction était précisément sa nature, qui le rendait vulnérable aux attaques de prédateurs, tels que les humains ou les animaux invasifs – chiens, chats, singes et mangoustes, entre autres. De ce fait, beaucoup de travail doit être fait pour réunir les conditions permettant de lui assurer une existence durable ; cela va de la restauration des forêts à bien d’autres choses qui nécessitent beaucoup d’investissements.

Par ailleurs, l’équipe de Colossal Biosciences a déjà eu des rencontres avec le ministère du Tourisme, l’Economic Development Board, des industriels et des universitaires, entre autres. Un voyage à Maurice cette année est à l’agenda pour d’autres discussions. «À ce stade, la MWF n’a pas eu de discussions ou d’échanges directs avec l’entreprise. Néanmoins, nous attendons avec intérêt de voir comment nous pourrions collaborer. Il est intéressant de noter qu’il y a beaucoup de développement technologique dans ce domaine. Parallèlement, les initiatives destinées à la protection d’autres espèces doivent être maintenues ; il est primordial que, tout en tentant de faire réapparaître le dodo, nous accordions autant d’importance et de ressources à la protection des espèces existantes, qui sont menacées ou en voie d’extinction», estime le Dr Vikash Tatayah.

Adi Teelock, citoyenne engagée pour la protection de l’environnement, estime qu’il n’est guère vraisemblable que ce projet soit favorable à la biodiversité du pays. «En tant que citoyen lambda, il faut tenir compte du fait que ce qui sera créé ne sera pas le dodo qui s’est éteint. Par conséquent, à mon avis, cela ne présente aucun intérêt d’investir des ressources dans la création d’une espèce qui ne contribuera pas à accroître la biodiversité de l’île Maurice. Ces ressources pourraient plutôt être utilisées pour se consacrer de manière concrète à la conservation et la réhabilitation de la biodiversité actuelle», avance-t-elle.

Certes, le dodo est l’emblème national de l’île Maurice, et les billets de banque, les pièces de monnaie, les timbres, les boîtes d’allumettes et de nombreux autres objets de la vie quotidienne portent son image. Le dodo fait partie du patrimoine culturel mauricien. Quant au projet de dé-extinction – qui vise à ramener une espèce qui lui ressemble sur notre territoire –, cela valorisera-t-il notre patrimoine ? Cette question se pose toujours. Néanmoins, ce projet mérite d’être étudié et, si les voies sont ouvertes, la collaboration est envisageable, estime Armaan Shamachurn de l’association SOS Patrimoine en péril.