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«Kas lérin trafikan ladrog»: un avocat de l’ICAC accuse Me Hurdoyal d’ingérence malsaine

19 avril 2023, 21:00

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«Kas lérin trafikan ladrog»: un avocat de l’ICAC accuse Me Hurdoyal d’ingérence malsaine

L’avocat Rishi Hurdoyal, frère du ministre de la Fonction publique Vikram Hurdoyal, a-t-il tenté d’intervenir pour le présumé trafiquant de drogue Khalil Ramoly ? Une lettre en ce sens a été adressée au Bar Council. Mais cette affaire risque d’aller beaucoup plus loin.

Ce n’est pas n’importe qui qui a fait ces graves allégations contre l’avocat Rishi Hurdoyal, mais le legal advisor de l’ICAC, Me Lovendra Nulliah dans une lettre à l’Ordre des avocats, le 13 avril. Il accuse le frère du ministre de lui avoir dit «nou dimounn sa, get enn kou ki to kapav fer. To pa pou perdi ar nou. Mo pa ti kone twa ki dan case la, sinon mo ti pu koz ek twa depi avan». Me Hurdoyal, qui n’avait rien à faire à la Financial Crimes Division ce jour-là – le 8 mars – semble avoir demandé à l’avocat de l’ICAC d’épargner Noorhossen (Khalil) Ramoly.

C’est en tout cas ce qu’a compris l’avocat Lovendra Nulliah qui parle d’ailleurs de «…clear attempt to influence me to use my position as Prosecuting Counsel such that the outcome of the case is favourable to the accused». L’avocat de l’ICAC va plus loin en affirmant qu’il a remarqué la présence de Rishi Hurdoyal en cour mais pas comme avocat de Khalil Ramoly (ou tout autre client) à chaque fois que l’homme d’affaires est jugé pour blanchiment d’argent.

Faire «manti-manti» ?

Comment Me Nulliah aurait-il fait s’il voulait plaire à Me Hurdoyal ? En faisant semblant de poursuivre tout en donnant une chance à Khalil Ramoly de s’en tirer ? Ou en stoppant carrément la poursuite ? On ne le sait. Contacté hier, Rishi Hurdoyal nous dit n’avoir pas encore pris connaissance de la lettre. Pourtant, selon nos informations, le Bar Council lui aurait déjà écrit avant-hier.

Lorsque nous avons demandé à Rishi Hurdoyal si nous pourrions lui envoyer la lettre originale de Me Lovendra Nulliah adressée au Bar Council, pour qu’il puisse nous faire une déclaration, il nous a dit non merci et qu’il nous rappellera. Mais il ne l’a pas fait à l’heure où nous mettions sous presse hier soir.

Ce qui est encore plus grave dans cette affaire, c’est que Rishi Hurdoyal a voulu intervenir auprès de la Commission anticorruption en faveur d’un présumé trafiquant de drogue, et non un simple délinquant. Ce qui aurait été également grave, certes, mais on parle tellement de «kas lérin trafikan» ces jours-ci. Justement, ce qu’aurait ajouté Rishi Hurdoyal à l’oreille de Lovendra Nulliah, et cela en pleine séance judiciaire, toujours selon l’avocat, c’est que Hurdoyal l’aurait, en parlant de Ramoly, qualifié de «nou di- mounn». «Dimounn» de qui ?

Ce qu’aurait ajouté, toujours en chuchotant, Rishi Hurdoyal, «to pa pou perdi ar nou», pourrait-il être interprété comme «nous, la mafia» ou «nous, le gouvernement» ou les deux ? Lorsque l’on sait que le frère de Rishi Hurdoyal est ministre et que lui-même siégeait sur de nombreux directoires d'institutions publiques dont la SBM (il était même président de la Mauritius Shipping Corporation), n’est-on pas en droit d’envisager toutes les possibilités ?

Ce que déclare Me Nulliah à la police – il a aussi fait une plainte formelle, le 16 mars – est encore plus troublant. Il affirme qu’un témoin clé contre Khalil Ramoly n’a pas identifié ce dernier lors de la précédente audience du 24 novembre 2022. Et qu’avec du recul, il pense que la démarche de Hurdoyal auprès de lui puisse être liée à l’oubli du témoin.

«Thumb up»

Dans la même déclaration à la police, Me Lovendra Nulliah explique en détail comment Rishi Hurdoyal a fait pour lui parler. «Hurdoyal s’est rapproché de moi pour me parler à l’oreille et m’a indiqué qu’il se référait à Ramoly en faisant un signe avec ses yeux et sa tête vers ce dernier, tout en brandissant son pouce (d’après ce qu’il a compris) vers le même Ramoly qui lui a répondu par un clignement des yeux.» Nous n’avons pas pu lire la déclaration complète faite à la police et ne savons pas s’il existe d’autres éléments.

Il est clair que si une autre personne a remarqué la manœuvre de ce 8 mars en cour, il aurait vraisemblablement compris ce que Hurdoyal demandait à l’avocat de l’ICAC, même si elle n’entendait pas les propos échangés. Me Lovendra Nulliah a annoncé qu’il a fait état de cet «incident» à la magistrate.

Du côté du Bar Council, on nous fait savoir qu’il a déjà ouvert une enquête sur cette affaire qu’il juge très grave. Quant à la police et l’ICAC, on ne sait pas si elles vont prendre cette affaire aussi sérieusement que l’Ordre des avocats.