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Christophe Gérard: «Mo kontan dir mo mékanisien bisiklet»

25 avril 2023, 17:00

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Christophe Gérard: «Mo kontan dir mo mékanisien bisiklet»

Alors que certains sont devenus médecins, Christophe Gérard, lui, a choisi d’être mécanicien. Ancien coureur chez les élites en triathlon, coureur cycliste émérite et passionné de VTT, il s’occupe aujourd’hui de l’entretien de vélos de compétition. Dans son atelier Meca Shox, à Vacoas, il nous dit en quoi consiste son métier et s’exprime sur la nécessité du service qu’il propose à ses clients dont quelques-uns, au départ, ne savaient pas toujours que les bicyclettes les plus performantes étaient également les plus fragiles. Et pourtant…

C’est quoi exactement votre métier ? 
J’adore dire mo mékanisien bisiklet. Je m’occupe de l’entretien des suspensions de vélos de route et de VTT. Je fais la révision totale, du début jusqu’à la fin. Un entretien implique un nettoyage, un dégraissage. La base d’un entretien, c’est tout démonter, nettoyer, regraisser. Cela, c’est pour un vélo tout suspendu. Tout suspendu veut dire suspension avant et arrière. 

Avez-vous fait cela toute votre vie ? 
Il faut savoir, qu’à l’origine, je suis mécanicien automobile. J’ai un Brevet d’études professionnelles (BEP) et un Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) en mécanique-auto. J’ai aussi un baccalauréat F1 en tournage-fraisage. Enfin, j’ai fait un BTS en froid et climatisation pour tout ce qui est contrôle électrique et mécanique des fluides. À un moment donné de ma vie, je faisais également beaucoup de moto. Je bricolais les motos et les mobylettes, et j’adorais le dessin industriel. Mais pour répondre à votre question, je n’ai pas toujours été mécanicien de bicyclettes. Avant de le devenir, j’étais directeur technique de Caudan Development (le Waterfront) de 1997 à 2017. 

Comment avez-vous commencé à toucher à la mécanique de vélos ? 
Mon garage a toujours existé. J’avais toujours eu un établi chez moi, à Vacoas. Mais il n’était pas comme celui d’aujourd’hui. L’entretien des vélos de compétition, c’est quelque chose qui me passionne. Au début, je ne faisais cela que pour moi. Je n’ai jamais envoyé un vélo chez un mécanicien. Quand j’ai commencé le VTT dans les années 2000, la première chose que j’ai trouvé intéressante, c’était de voir si je pouvais améliorer la suspension du vélo. Bref, en démontant mon vélo et en faisant des erreurs éventuellement sur mes affaires à moi, j’ai commencé à comprendre certaines choses. J’ai dû analyser, chercher et comprendre, et aller beaucoup sur le Net. 

Avez-vous été aidé dans l’apprentissage de votre nouveau métier ? 
J’ai été aidé par Thierry Hoareau, un copain réunionnais (de la compagnie HOTH) en visite à Maurice. Il m’a appris les rouages du métier. Il m’a montré comment démonter une fourche et un amortisseur. Lui, c’était son métier un peu à l’île de La Réunion. Il m’a appris la base. 

Par quel moyen avezvous construit votre clientèle au départ ? 
En 2011, avant de quitter le poste de directeur technique de Caudan Development, je commençais déjà à vendre mes services après mes heures de travail. Le week-end, j’entretenais des suspensions pour des clients. Par passion. Il y avait un besoin pour ce service qui n’existait pas et je savais le faire. On parlait de vélos de compétition et, à Maurice, il n’y avait pas de mécanicien pour ce type de bicyclettes. Il n’y avait pas de pièces ; il n’y avait rien. À un moment donné, il y a eu plus de monde qui faisait du VTT. Vu qu’il y a de plus en plus de VTTistes, il y a eu de plus en plus de demandes. Les besoins augmentaient et je me rendais compte que j’avais plus de travail. Mais, lorsque je quitte Caudan en 2017, je fonde une entreprise, Sun E-Bike, qui n’a pas trait à l’entretien des vélos. 

En quoi consistait votre entreprise Sun E-Bike en 2017, après avoir quitté Caudan Development ? 
Quand j’ai fondé Sun E-Bike, j’ai acheté des vélos à énergie solaire. Je ne pensais pas, au départ, devenir mécanicien à temps plein. Je croyais que cela allait être comme avant : faire un peu de mécanique pour dépanner les gens durant mon temps libre car j’espérais développer mon projet. Je voulais louer une dizaine de vélos à énergie solaire aux touristes dans un hôtel et les recharger sur mon toit de garage avec le solaire. Mais cela n’a pas marché. Cela dit, en attendant la livraison de ces vélos par bateau, j’ai dit autour de moi que je ne travaillais plus au Caudan et que je pouvais prendre plus de vélos, et m’occuper de leur entretien. Car je voulais aussi faire de la mécanique des «chox» (suspensions en anglais). C’est comme cela que j’ai baptisé mon atelier Meca Shox qui n’est qu’un trade name pour la réparation et l’entretien des VTT et vélos de route. 

A Meca Shox, son atelier à Vacoas, Christophe Gérard reçoit l’aide d’Akash Gooheeram (à dr.)

Entretenir un vélo de compétition, est-ce vraiment nécessaire ? 
Évidemment. À un moment donné, il faut faire un entretien. Sinon la mécanique va rouiller. On est à Maurice ; un pays tropical où tout rouille. La boue entre partout, dans les roulements etc., et un jour ou l’autre, on n’a pas le choix ; il faut changer les pièces défectueuses. Un pneu va crever ou s’user, un rayon va se casser. En ce qui concerne les VTT, je peux vous assurer qu’ils s’abîment plus vite que des vélos de route. D’ailleurs, vu la révision à effectuer, l’entretien d’un VTT coûte plus cher. J’estime qu’un coureur de VTT doit faire réviser son vélo après six ou huit mois d’utilisation. Par ailleurs, les constructeurs recommandent que ce soit fait après 1 0 0 h e u r e s d’utilisation. Mais il faut savoir qu’il y a un type d’entretien à faire après 100 heures, un autre, différent, après 150 heures, et un autre encore, d’un autre genre, après 200 heures. 

À Maurice, on roule beaucoup mais sait-on ce dont a besoin un vélo pour être performant ? 
Pas toujours. Bien souvent, je vois des gens rouler et je vois que cela ne fonctionne pas et que leur vélo est mal réglé. Mais eux, ils ne savent pas, que cela ne fonctionne pas. Pour eux ça va ; ça leur suffit. Ils ne sont pas assez exigeants car ils ne savent pas ce qu’implique l’exigence. Or, aujourd’hui, les nouveaux vélos sont délicats. Ils sont l’équivalent de la Formule 1. Les vélos sont légers pour être plus performants mais ils sont fragiles aussi, et cela nécessite un entretien super pointu. 

En parlant de vélos performants et de leur entretien, sont-ils à la portée de toutes les bourses ? 
Aujourd’hui, le dernier vélo qui est sorti coûte plus de Rs 500 000. C’est la technologie qui le rend aussi cher : le design, la technologie utilisée pour les suspensions et autres (les roulements, les profilés, la manière dont la roue est profilée). Sur les 200 compétiteurs de cyclisme sur route, en VTT et en triathlon, il n’y aurait peut-être que deux, voire trois personnes – en général des compétiteurs de haut niveau –, qui pourraient se permettre d’en acheter un à ce prix. Mais dans le cyclisme sur route, ces athlètes de haut niveau peuvent posséder à la fois un vélo de route et un vélo de contre-lamontre. Mais il y a aussi une deuxième catégorie de compétiteurs qui ont des vélos entre Rs 80 000 (vélo d’occasion) et Rs 200 000 (vélo neuf). Ils peuvent se le permettre. Ils me voient aussi pour les mêmes travaux d’entretien. Enfin, il y a une troisième catégorie, qui achète des vélos entre Rs 25 000 et Rs 60 000. Ils en font l’acquisition non pour performer mais pour participer à une compétition. Eux, ils sont encore plus nombreux à venir me voir. 

La base de l’entretien d’un vélo c’est tout démonter, nettoyer, regraisser.

En moyenne, combien de cyclistes font appel à vos services ? 
C’est un vélo par jour ou plutôt une vingtaine par mois, venant de compétiteurs et de nouveaux venants de triathlon, VTT ou cyclisme sur route. Être dans les trois domaines me permet de connaître pas mal de monde. En fait, je connais relativement tous les cyclistes de l’île Maurice, sauf les jeunes que je ne connais pas trop. 

Puisque vous mentionnez les jeunes, que doit-on faire pour les encourager à faire du vélo ? 
À mon avis, mais je ne critique personne, il faudrait des espaces aménagés pour les jeunes cyclistes. J’ai en tête le parc de Sodnac où on peut voir des gens jouer au foot ou faire de la course à pied. Il faudrait penser à inclure dans cet endroit un «pump track». C’est un petit parcours à plat avec de petites bosses relativement basses et des virages relevés sur circuit fermé. Ce type de parcours aide, c’est très ludique, cela permet aux gens de s’amuser et d’apprendre à en faire. La demande devrait venir à la fois des fédérations concernées et des autorités. Mais le vélo est interdit à Sodnac et c’est bien dommage.
 

Combien ça coûte
Le tarif pour l'entretien d'un vélo se situe entre Rs 1500 et Rs 2000. Mais il peut y avoir des coûts additionnels. Si on s'occupe des suspensions et des pièces détachées, il y aura un prix additionnel. 



Fiche signalétique

Nom : Christophe Gérard
Age : 56 ans
Date et lieu de naissance : Février 1967, à Antony, dans les Hauts-de-Seine, France
Situation familiale : Marié depuis 1994 à Valérie – qu’il a rencontrée à un triathlon à La Réunion en 1989. Père de trois fils : Arthur, Rémy et Raphaël.

Carrière sportive
- Nageur en brasse de 11 à 17 ans, à Saint-Pierre, dans le sud de La Réunion où il résidait alors depuis 1969.
- Triathlète chez les élites de 1986 (à La Réunion au triathlon des Cimes) à 2001, à Maurice. A repris en 2018 en même temps que son fils Rémy, mais cette fois, chez les vétérans.
- Cycliste d’abord à La Réunion puis à Maurice où, après 1993, date à laquelle il réside à Maurice, il participe au tour cycliste de Maurice.
- Coureur de VTT sélectionné pour les Jeux des îles de l’océan Indien de 2003 à Maurice. Avait Colin Mayer et Yannick Lincoln dans son équipe.

Parcours professionnel à Maurice
- Maintenance Manager de Caudan Development de 1997 à 2017
- Directeur de Sun E-Bike depuis 2017. Responsable de l’entretien des vélos dans son atelier Meca Shox avec l’assistance d’Akash Gooheeram.