Publicité
ICAC: Rs 650 000 par mois pour le DG
Par
Partager cet article
ICAC: Rs 650 000 par mois pour le DG
Un budget de Rs 1,1 milliard pour ces cinq dernières années, plus un salaire mensuel de Rs 650 000 au directeur général. Tout cela, pour 14 condamnations de l’Independent Commission against Corruption (ICAC) entre 2019 et 2022. Et qui concernent principalement de petites affaires de pot-de-vin…
Le Premier ministre (PM) n’a voulu ni confirmer ni infirmer le salaire de Rs 650 000 à Navin Beekarry, «soit trois fois celui d’un juge», a martelé Xavier-Luc Duval, hier, lors de la Private Notice Question (PNQ) consacrée à l’ICAC. Pravind Jugnauth l’a référé au comité parlementaire, incluant des membres de l’opposition, qui devrait, selon lui, poser la question au directeur général (DG). Ce qui a fait bondir le leader de l’opposition : «Lorsque ce comité a demandé cette information au DG, celui-ci a refusé de répondre.»
Xavier-Luc Duval rappelle également que c’est le PM qui désigne le DG et les membres du board de l’ICAC, et qui fixe le salaire. «C’est votre responsabilité de répondre. Le comité parlementaire ne peut vous interroger sur cette question.» À savoir que le PM ne siège pas au sein du comité parlementaire et devrait donc, selon Xavier-Luc Duval, répondre au Parlement. D’ailleurs, rappellet- il, Pravind Jugnauth n’avait pas répondu à une question venant de Rajesh Bhagwan, en 2021, à ce propos. «I shall get the information», avait dit le PM, «sans jamais le faire», a ajouté Xavier-Luc Duval.
Pas de condamnations recherchées à tout prix
Cependant, c’est concernant la performance de l’ICAC que le PM s’est montré le plus dans l’embarras. La question du leader de l’opposition était pourtant très précise : quel est le nombre de condamnations obtenues par l’ICAC pour des faits de corruption entre 2019 et 2022 ? À cela, Pravind Jugnauth s’est embarqué sur une drôle de justification de la mauvaise performance de l’ICAC. Ainsi, il a fait cette étonnante déclaration : «Le principal objectif de la commission anticorruption n’est pas d’obtenir une condamnation à tout prix.» Et quels en sont les premiers objectifs ? «L’éducation contre la corruption, mobiliser le public contre ce fléau, receive and consider any allegation that a corruption offence has been committed», et puis après, détecter et enquêter sur d’éventuels actes de corruption, etc.
Autre justification faite à l’avance de ce qu’il allait dire sur la faible performance de l’ICAC : c’est le Directeur des poursuites publiques (DPP) qui prend la décision de poursuivre ou non quelqu’un pour corruption. Il a répété plusieurs fois cet argument, mais sans jamais dire combien de temps passe l’ICAC sur une affaire et combien pour le DPP. Il n’a pas non plus dit combien d’affaires sont rejetées par le DPP en raison d’un dossier mal préparé par l’ICAC. «Il n’est pas approprié, a dit Pravind Jugnauth, de juger l’ICAC sur le nombre de condamnations pour corruption car elle n’a pas the ultimate control over whether a criminal process will invariably result in a conviction.» Qu’a voulu dire le PM ? Que le DPP serait responsable du faible nombre de condamnations ? Il a également parlé des renvois en cour et de «beaucoup d’autres facteurs» qui sont, pourtant, communs à tous les procès au pénal et pas uniquement à ceux pour corruption.
Accouchement ardu
Le PM a quand même donné des chiffres, mais en les noyant dans des statistiques, pour les années 2015 à 2023, sur les actes de corruption, plus blanchiment d’argent. Alors que la question ne concernait que les années 2019 à 2022 et la corruption uniquement. Pressé par Xavier-Luc Duval, le PM a fini par donner, du bout des lèvres, les chiffres requis. Non sans avoir auparavant rappelé que son prédécesseur, Navin Ramgoolam, avait lui aussi refusé de donner ces réponses en 2007 et en 2011. Il a fait une comparaison entre les années 2006-2014 et 2015-2023 : 94 condamnations pour corruption sous le régime travailliste et 133 sous celui du MSM. En fait, après un rappel de Xavier-Luc Duval, Pravind Jugnauth a donné le chiffre pour le blanchiment d’argent. Toutefois, il a hésité à donner celui pour la corruption. Nous avons dû faire un calcul pour arriver à ces chiffres de 94 et 133.
Tournevis comme pot-de-vin
Finalement, Xavier-Luc Duval a lui-même répondu à sa PNQ. 2019 : quatre condamnations en 2020 : deux en 2021 : quatre en 2022. Interrogé sur la raison pour laquelle le PM n’a pas donné cette réponse simple à une PNQ tout aussi simple, Xavier- Luc Duval a soupiré : «Pravind Jugnauth a lui-même honte de la performance de l’ICAC.» Ce n’est pas tout. Xavier-Luc Duval a expliqué que la plupart de ces condamnations ne concernent que de petites affaires de corruption : Rs 500 de bribe, Rs 6 000, Rs 13 000 et Rs 3 000, plus… des tournevis. «Une seule grosse prise pour Rs 805 000 de pot-de-vin.» C’est pourquoi le leader de l’opposition a proposé que l’ICAC ne s’occupe que des cas sérieux de corruption impliquant de gros pots-de-vin et de laisser les petites affaires au Central Crime Investigation Department. «Ainsi, elle aura le temps de se concentrer sur les affaires autrement plus importantes.»
Le speaker a tenté de l’arrêter en lançant : «Pas d’insinuation.» Mais Duval ne s’est pas emporté et a continué : «En se concentrant sur les petites affaires, l’ICAC fait du de deux poids, deux mesures.» Le speaker, lui, s’est emporté : «Vous n’avez pas le droit de dire cela de l’ICAC.»
«Scrap» !
Devant ces résultats de la commission anticorruption, 133 condamnations pour 5 593 cas investigués entre 2015 et 2023, le leader de l’opposition s’est demandé si le temps n’est pas venu «to scrap ICAC» ? Et la remplacer par une institution vraiment indépendante, dont le directeur serait nommé par la Judicial and Legal Service Commission, comme pour le DPP. À cela, Pravind Jugnauth a promis, un peu plus tard, une Financial Crime Commission. Le PM a plusieurs fois voyagé dans le temps pour répondre aux interrogations présentes. Ainsi, il a rappelé que c’était en 2005 que le gouvernement travailliste avait amendé la Prevention of Corruption Act, pour permettre au seul PM de nommer le directeur de l’ICAC. Sur ce point, Pravind Jugnauth a raison. Cependant, il surfe toujours sur cette prérogative qui semble bien lui convenir.
L’ICAC, un gros éléphant blanc
Lors de la conférence de presse organisée après la PNQ, hier, le leader de l’opposition a rappelé qu’une question au gouvernement, en 2022, avait permis de savoir que sur 122 saisies de drogue, seules trois condamnations avaient été obtenues. Sa PNQ d’hier, dit-il, a démontré encore une fois que la police et l’ICAC «ne font que du tam-tam avec recours à la presse lors des arrestations ; mais qu’à la fin, il n’y a presque aucun résultat». De rappeler que les grosses affaires de corruption ont disparu dans les tiroirs de l’ICAC. Alors que la commission anticorruption nous a coûté Rs 1,1 milliard ces cinq dernières années pour son budget de fonctionnement, «cela, sans parler du bâtiment flambant neuf qui a coûté plusieurs centaines de millions. L’ICAC est un énorme éléphant blanc». Xavier-Luc Duval est revenu sur le salaire de Navin Beekarry et a maintenu qu’il touche Rs 650 000 mensuellement, en plus, entre autres, d’une BMW série 7. «La cheffe juge gagne, elle, Rs 219 500, le DPP Rs 175 000.» Pourquoi ce traitement princier à Navin Beekarry, s’est-il demandé. «Pour enquêter sur des cas de corruption de Rs 3 000 ?» Il a rappelé que c’est le PM qui nomme non seulement le directeur général, mais aussi les chefs de départements à l’ICAC, «alors que cette institution devrait enquêter précisément sur le gouvernement». Concernant la nomination de Navin Beekarry justement, Xavier-Luc Duval a rappelé qu’il s’y était opposé en donnant ses raisons dans une longue lettre au PM. «Et qu’a fait Pravind Jugnauth ? Il l’a nommé non pour trois mais cinq ans !» Le leader de l’opposition voudrait aussi que les lois soient amendées pour inclure la corruption dans le secteur privé, «y compris ces grosses compagnies d’État». Et il demande que l’ICAC vende ces berlines et yachts qui sont en train de pourrir dans sa cour. «Cela pourra au moins rapporter un peu d’argent dans les caisses.»
Publicité
Les plus récents