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Condamnations: les petits délits que l’ICAC a poursuivis avec succès

28 avril 2023, 18:00

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Condamnations: les petits délits que l’ICAC a poursuivis avec succès

Après la PNQ et les réponses imprécises fournies mardi par le Premier ministre, nous nous sommes penchés sur ces condamnations pour corruption obtenues par l’ICAC entre 2019 et 2022. Certaines contre des membres du public et même contre des dénonciateurs de corruption. Florilège de ces petites affaires pour une instance dont le directeur touche Rs 650 000 par mois…

2019

La première victoire remportée par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) en 2019 est la condamnation d’un policier pour un pot-de-vin de Rs 1 000 reçu d’un chauffeur de camion en… 2009. Le policier avait réclamé cet argent pour ne pas prendre en contravention le camionneur qui avait déversé illégalement de la terre sur un terrain privé. Cette affaire est allée jusqu’en Cour suprême.

L’autre cas mentionné par le leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, mardi au Parlement, concerne également un policier qui avait demandé en 2012 un pot-de-vin de Rs 6 000 pour ne pas prendre un camionneur en contravention pour des pneus usés et la «vignette» non-affichée sur son pare-brise. Le policier aurait pris les billets au sortir d’un cours qu’il venait de donner à l’Université de Maurice. On ne sait pas si ce cours concernait la corruption… Dans cette affaire et la précédente, les numéros des billets de banque remis aux policiers avaient été soigneusement notés d’avance par l’ICAC.

Durant la même année, l’ICAC frappait un autre grand coup au fléau de la corruption en obtenant la condamnation du fonctionnaire S. de l’État civil de Curepipe, qui avait en 2011 reçu un bribe «astronomique» de Rs 500 – payable en deux tranches – pour célébrer le mariage d’un couple le même jour au lieu d’un autre jour. Les deux officiers de l’ICAC avaient savamment surveillé ce fonctionnaire et avaient retrouvé les billets cachés dans la chaussette du «dangereux malfaiteur».

Une autre affaire, cette fois pour une grosse somme de Rs 805 000, n’impliquait pas de fonctionnaires. Il faut savoir que la Prevention of Corruption Act PoCA) permet de poursuivre une personne pour «corruption of agent in breach of section 16(2) of the Prevention of Corruption Act 2002», que l’agent soit du privé, comme c’était le cas ici, ou de la fonction publique. Un employé d’une compagnie de leasing a facilité en 2005 l’octroi de plusieurs prêts à l’accusé contre un pot-devin de Rs 80 000. On ne sait pas si l’employé indélicat a été poursuivi pour blanchiment d’argent par l’ICAC ou pour détournement par la police. Il a accepté de débourser Rs 3,7 millions à l’accusé alors qu’il savait bien que celui-ci n’allait pas rembourser ces emprunts – d’ailleurs le remboursement n’a pratiquement jamais été effectué. À la fin, la combine marchait si bien que deux sommes déboursées d’un total de Rs 725 000 pour l’achat de voitures ont été «retournées» par l’accusé à l’employé qui l’aidait à détrousser son employeur. Le montant du pot-de-vin s’élevait en fait à Rs 80 000 alors que les Rs 725 000 avaient été détournées.

Enfin, l’affaire du Dr Y. est un peu particulière. Il avait déposé plainte à l’ICAC en 2004 contre deux agents de l’ADSU qu’il aurait vus en train de prendre une liasse de billets d’un toxicomane, qui les accompagnait pour identifier le médecin qui lui avait prescrit illégalement une drogue contrôlée. L’ICAC, se rendant compte que le médecin avait fait une fausse allégation contre les deux membres de l’ADSU, avait référé le dossier… à la police qui avait enquêté et poursuivi ledit médecin pour avoir «wilfully and unlawfully ma[d]e a false disclosure, knowing it to be false, to an Officer (de l’ICAC, NdlR) that a Public Official had been involved in an act of Corruption», en violation de l’article 49(1)(a) et (6) de la PoCA. Le médecin a été condamné. On apprend ainsi que l’ICAC peut se retourner contre un plaignant si elle juge que sa plainte est fausse.

 2020

Pour ceux qui ne le savaient pas, toute dénonciation d’un acte présumé de corruption qui semble fausse à l’ICAC est sévèrement traitée. Encore une fois, un supposé dénonciateur d’un acte de corruption en 2011 avait été poursuivi sous l’article 49 (1) et (6) de la PoCA et avait été condamné en 2020. Un propriétaire de quincaillerie, un certain OM, accusait BM, un inspecteur des travaux au ministère de l’Éducation, d’avoir sollicité Rs 31 000 de lui comme pot-de-vin pour un contrat de Rs 313 000 qu’OM avait déjà obtenu du ministère. Le jugement ne dit pas si l’ICAC a enquêté sur ces allégations contre l’inspecteur des travaux, ni pourquoi l’affaire a été référée à la police pour une enquête sur le dénonciateur, qui s’était retrouvé accusé de fausses allégations. Jugeant OM, la cour a trouvé qu’il avait menti, notamment sur des appels et messages téléphoniques échangés entre lui et BM. La cour a trouvé étrange qu’OM ait accepté de rencontrer BM malgré la demande de pot-de-vin, et qu’il ait mis deux jours pour alerter l’ICAC. La cour est d’avis qu’OM aurait fait cette accusation de demande de pot-de-vin contre BM car ce dernier avait porté plainte contre OM pour agression.

Autre cas : un ressortissant chinois, connu comme Peter et propriétaire d’une maison de jeux qui avait été contrôlée par deux policiers à Curepipe, était allé à la rencontre d’un des policiers au poste de Curepipe. Lorsqu’il avait rencontré le policier, il lui avait remis un sac contenant Rs 3 000, une lampe-torche, deux piles et un jeu de tournevis comme pot-de-vin devant un autre policier en lançant : «Pran sa ti kado la na pa chek mo bann game.» Quand le policier l’avait arrêté sur le champ, le ressortissant chinois, confus, lui avait dit : «Exkiz moi mo finn fer erer mo finn donn ou sa.» Le propriétaire de la maison de jeux a bien tenté de se défendre en cour en disant que le policer l’avait piégé en raison d’une plainte pour corruption déposée par son fils à l’ICAC contre le même policier. Or, l’ICAC affirme n’avoir jamais enregistré une telle plainte. La magistrate a finalement trouvé Peter coupable de tentative de bribery of public official, malgré des contradictions dans le témoignage des policiers cités comme témoins. 

2022

Dans cette affaire, les faits se sont déroulés à Rodrigues en 2015. Un certain C. du ministère de l’Agro-industrie avait été trouvé coupable de conflit d’intérêt alors qu’il siégeait sur un comité qui avait alloué une subvention à un planteur pour l’achat d’un motoculteur. Le planteur n’était autre que son frère.

J. A., sergent à la National Coast Guard, est poursuivi par l’ICAC pour avoir participé à neuf bid evaluation committees alors que sa demi-sœur, une certaine S. E., qui avait un intérêt personnel dans la compagnie ST qui a participé à l’appel d’offres. «He signed a conflict of interest form on the 9 occasions before he proceeded with the evaluation and recommendation of the bidder and made a declaration that he is not conflicted with S. T Ltd (NdlR, nom de la compagnie de sa demi-sœur).» Les témoignages recueillis ont aussi démontré par J. A. avait préparé et soumis la liste des fournisseurs au bid evaluation committee. L’accusé a nié savoir que sa demisœur était derrière ladite compagnie mais il a été jugé coupable.

Par ailleurs, R. H. T, qui était Senior Labour Inspector pendant le mois d’octobre 2011, avait demandé et obtenu un emploi comme consultant dans un hôtel d’Albion qui tombe sous sa supervision alors qu’il n’avait pas le droit d’exercer un autre travail rémunéré. L’accusé a été condamné sous l’article 15(a) de la PoCA, qui stipule, que «Any public official who solicits, accepts or obtains a gratification for himself or for any other person… commits an offence».

2023

S. V., 42 ans, est un contracteur qui habite Circonstance, Saint-Pierre. Il a été jugé coupable par la cour pour trafic d’influence. Se faisant passer pour un officier de la Financial Intelligence Unit, il avait demandé à un dénommé S. J. Rs 100 000 pour qu’il ne procède pas à son arrestation dans une affaire où S. J. était mêlé en novembre 2018. Lors du procès, l’accusé a essayé de faire croire que s’il avait rencontré S.J, c’était pour lui demander de lui prêter de l’argent. Or la cour a découvert que pendant la même période, S. V. avait loué une voiture pour Rs 18 400 : «… No reasonable man would be able to believe that a penniless man would go and rent a car costing a substantial sum of money and take that very same car to meet up with someone to ask for money to borrow.» L’on ignore si S. V. a aussi été poursuivi pour escroquerie.