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Manassé, 13 ans: «Je veux aller à l’école»

7 mai 2023, 20:00

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Manassé, 13 ans:  «Je veux aller à l’école»

Voilà  bientôt trois ans que Manassé Thérèse, qui aura 13 ans le 11 mai, passe ses journées, désœuvré, voire désorienté, à la maison. Pendant que d’autres adolescents de son âge sont à l’école, ce jeune habitant de Case-Noyale, est, lui, privé de son droit à l’éducation depuis un bon bout de temps. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui lui manque. Lui, qui voit chaque jour ses trois petits frères, prendre le chemin de l’école primaire de Case-Noyale, un établissement primaire mainstream – comme l’Éducation aime à le dire – et où Manassé a lui-même fait ses classes jusqu’à la quatrième. Jusqu’au jour où sa mère a été invitée à témoigner de visu comment Manassé n’arrivait pas à suivre la classe au même rythme que ses petits camarades.

«Manassé est un lent apprenant. Au début, c’était difficile pour moi de l’accepter jusqu’au jour où je l’ai constaté de mes yeux. J’ai vu comment mon fils était perdu et le maintenir dans cette école n’allait pas l’aider. Voilà comment nous l’avons admis dans une école spécialisée à Chemin-Grenier dès la rentrée scolaire qui allait suivre», raconte sa maman, Marie Charlene Lamarmite. Manassé, selon elle, a convulsé quatre fois lorsqu’il était plus petit. Son médecin traitant lui a fait faire une électrocardiographie et un CT Scan. «Il nous avait dit qu’il n’avait pas décelé d’épilepsie. À 13 ans, Manassé s’amuse comme un enfant de sept ans et joue toujours avec ses jouets. Il grandit et mange normalement mais à tout moment il peut venir vous faire un câlin ou lorsque je lui parle et lui montre des fleurs, il me parlera, lui, de la montagne ou de la mer», explique cette mère de cinq enfants, dont la benjamine est encore bébé.

Cependant, Manassé n’a fait que deux ans à l’école spécialisée à Chemin-Grenier. «Le van scolaire le récupérait à 6 h 30 chaque matin pour deux heures de route à l’aller et deux autres heures au retour. Ça ne nous posait pas de problème tant qu’il était admis dans une école adaptée à ses besoins. Puis, un beau jour, avant le confinement, l’établissement nous a informé que notre enfant n’aurait plus de transport. Pourtant le chauffeur du van qu’on payait séparément et que je continue à voir transporter des élèves du village, ne nous a rien dit de son côté», confie Marie Charlene Lamarmite, perplexe. Quel est donc le véritable problème ? Cette question tourne en boucle dans sa tête d’autant que son aîné, de retour de l’école de Chemin-Grenier, une fois, lui a déjà confié que «bannla dir ki mo sévé senti pi, ki mo sal».

Est-ce que les locks que porte Manassé (tout comme tous les autres membres de sa famille), gênent ? D’après Marie Charlene Lamarmite, qui gagne sa vie comme créatrice de dreadlocks, les cheveux de son fils n’ont jamais posé un problème lorsqu’il était à l’école primaire de Case-Noyale. «Si ce sont bien les cheveux de mon fils qui ont posé un problème à Chemin-Grenier, il est plus que temps que ceux qui pensent toujours que rasta droger ek bizin fou li dan prizon, changent de comportement. En tant que dreadlocks maker, je connais des rastas architecte, cadre ici ou encore présentateur de bulletin d’informations àl’étranger,autant de gens qui font honneur à la communauté. Je suis moi-même allée à l›école, ai été formée comme healthcare assistant avec un certificat en home nursing. De l’autre côté, j’ai des clients qui ont dû couper leurs dreadlocks pour conserver leur emploi», fustige-t-elle avec fermeté.

En tout cas, depuis qu’elle a été contrainte de mettre fin à la scolarité de Manassé, Marie Charlene Lamarmite ne désespère pas. Elle frappe aux portes des organisations non gouvernementales et du président du conseil de son village, qui a envoyé une lettre restée sans suite au ministère de l’Éducation il y a deux mois. En fin de semaine, après qu’elle a lancé un appel de détresse sur sa page Facebook, un peu comme une bouteille à la mer qu’elle jette ne sachant plus quoi faire, la direction d’une école adaptée aux besoins de son fils aîné, à Albion, l’a contactée. Une lumière au bout d’un long tunnel mais qui demeure voilée. Le problème qui se pose maintenant est qu’il n’y a pas de transport pour véhiculer Manassé, qui est loin d’être autonome pour faire le long trajet seul en autobus.

«Mon mari et moi sommes désemparés. À la maison, nous aidons Manassé du mieux que nous le pouvons pour qu’il arrive à écrire son nom. Mais il n’arrive pas à socialiser comme dans une école. Il passe ses journées en réflexion et me demande son sac chaque jour ou encore quand il pourra repartir à l’école. Sortir ne l’intéresse même pas. Tout ce qu’il veut, c’est aller à l’école», témoigne, cette mère, toute retournée. Marie Charlene Lamarmite ne baisse pas les bras pour autant et continue de «rinté» pour que son fils, qui mérite de grandir comme les autres enfants, soit scolarisé. Pour qu’il ne soit pas condamné à rester le portier qui ouvre et ferme la porte lorsque ses frères vont à l’école et en reviennent.