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L’express 60 ans │ 1968: Motherland up and down
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L’express 60 ans │ 1968: Motherland up and down
1968, un drapeau et des plis. Côté clair, Maurice devient pays indépendant le 12 mars. Côté obscur, des bagarres raciales ensanglantent Port-Louis à partir du 22 janvier. C’est l’état d’urgence. La même année, l’expulsion des Chagossiens à qui l’on a annoncé : «zil inn vandé» se poursuit.
En toute indépendance
Le jeudi 8 février 1968, l’express rapporte que le «quadricolore a reçu l’approbation de la reine». Son symbolisme : «Rouge pour l’ensemble de la lutte pour la liberté et l’indépendance. Le bleu rappelle que l’île Maurice est située au milieu de l’océan Indien. Le jaune symbolise l’éclat nouveau que confère l’Indépendance à l’île. Le vert souligne la nature agricole de notre économie et les paysages toujours verts de l’île.»
Une semaine plus tard, le samedi 17 février, l’express annonce que l’hymne national mauricien a été choisi. Paroles du poète Jean Georges Prosper sur une musique de Philippe Gentil, de l’orchestre de la police. À l’époque, Jean Georges Prosper est enseignant au collège Bhujoharry. Le choix de l’hymne national a été fait par un sous-comité présidé par Max Moutia, chanteur lyrique, directeur de troupe et animateur radio.
Répondant à une question parlementaire, le 20 février 1968, SSR indique que les fêtes marquant l’accession de Maurice à l’Indépendance coûteront un peu plus d’un million de roupies, «et non Rs 6 millions comme il a été propagé». Mais SSR refuse de donner tous les détails du programme. Il indique cependant que le cachet de l’impresario de l’Indépendance, le colonel Eric Hefford, est de l’ordre de Rs 4 000 par mois.
La semaine suivante, l’express du 27 février annonce que «les conseils urbains de Curepipe, Vacoas, Quatre-Bornes et Beau-Bassin/Rose-Hill deviennent des municipalités le 12 mars». On attend des personnalités prestigieuses. Le nom d’Indira Gandhi, alors Première ministre de l’Inde, est cité. Tout comme celui de la princesse Alexandra (une cousine germaine de la reine d’Angleterre qui doit la représenter) et son mari, l’honorable Angus Ogilvy. On lui choisit un écuyer, sorte d’aide camp, dans les rangs de la Special Mobile Force. Mais aucune ne sera au Champ-de-Mars.
Le vendredi 8 mars, l’express titre en Une : «Alex ne viendra pas.» À cause de l’état d’urgence en vigueur depuis janvier 1968 suite aux bagarres raciales. C’est Anthony Greenwood, ministre britannique du Logement, qui dirige la délégation britannique. Dans ses rangs : sir Colville Deverell, ancien gouverneur de Maurice de 1959 à 1962. Du côté indien, c’est Bali Ram Bhagat, alors ministre d’État aux Affaires étrangères, qui dirige la délégation venue assister aux fêtes de l’Indépendance.
Le jour J se déroule dans le calme. Le compte rendu de l’express du 14 mars 1968 indique : «Plus bouderie que boycott, l’abstention massive des partisans du PMSD – avec les exceptions que l’on sait, tant sur le plan des individus que celui des municipalités – n’a été accompagnée d’aucune contre-manifestation. Le jour de l’Indépendance s’est écoulé sans incident. La conviction de la majorité indépendantiste venue affirmer sa joie en grand nombre au Champ-de-Mars s’est exprimée sans outrance, avec la mesure et la maturité qui caractérisent le mouvement depuis les dernières années.»
Coût de la vie: quand les sous valaient (encore) quelque chose
En 1968, l’express a cinq ans d’existence. Une copie imprimée est à 15 sous. Un règlement publié le 4 mars fixe les prix des denrées de base, après la dévaluation de la roupie. La boîte de 340 g de lait en poudre entier est à Rs 2,05. La boîte de 340 g de beurre Red Feather est à Rs 2,45. Les lentilles noires à 60 sous le ½ kg, le dholl gram à 55 sous le ½ kg. Et le poisson salé de Rodrigues (premier choix) à Rs 1,50 le ½ kg.
Dans un autre ordre d’idée, une publicité pour un casque de moto de la marque Centurion indique qu’il est disponible à partir de Rs 35.
Planning familial: une prime pour la stérilisation masculine
Halte à la démographie galopante. À partir de février 1968, le planning familial propose une prime d’encouragement de Rs 25 à tout homme marié qui consent à se faire stériliser. Il y a aussi des primes pour les «motivateurs» qui dirigent des personnes mariées vers le planning familial : Rs 2 quand c’est une femme, Rs 5 si c’est un homme.
Bagarres raciales: la guerre des gangs dégénère
Dimanche 21 janvier 1968. Choc à Port-Louis. Bilan : cinq morts. Une victime à Cité Martial, les quatre autres attaquées à Roche-Bois. L’état d’urgence est proclamé à 17 h 05. Les noms des cinq premières victimes citées dans l’express du lendemain 22 janvier : «Hermann Bangard, Aboo Soobratty, Abbas Peerbhoy, Ayoob Joghee et un chauffeur de taxi du nom de Razack.» Le lendemain : trois morts, plus de 100 blessés, 40 personnes arrêtées. En plus de l’état d’urgence, un couvre-feu de 19 heures à 5 heures est instauré.
Des familles entières fuient les parages entre Roche-Bois et Plaine-Verte. Elles sont rassemblées aux Casernes centrales. Le 24 janvier 1968, l’express rapporte qu’une cinquantaine de familles se sont réfugiées dans les flats de dockers à Roche-Bois et 123 autres ont été logées à Cité Richelieu. La veille, 200 soldats britanniques du King’s Shropshire Light Infantry stationné en Malaisie débarquent. Bilan du 23 janvier : quatre morts. Le 5 février, 30 soldats additionnels des Shropshire Guards arrivent.
En 1968, que sait-on de l’origine de ces heurts sanglants ? Le 25 janvier – quatre jours après le début des heurts – Gaëtan Duval (qui n’est pas encore «sir»), leader de l’opposition d’alors, «recherchant les causes des troubles, parle du désarroi des jeunes, de leur peu de confiance en l’avenir à cause de la surpopulation, du chômage de la situation économique». Il explique que depuis 1959, quand SSR s’est allié au Comité d’Action Musulman, il y a eu un problème communautaire exacerbé. Et des attaques restées impunies. «Devant toutes ces provocations, une fédération, La Mafia, s’est constituée. Elle attaque le cinémaVénus pour affirmer sa présence. De représailles en représailles», écrit l’express, c’est l’escalade.
Le 2 février, la Croix Rouge recense 1 500 réfugiés. Trois jours plus tard, la police organise un raid dans des maisons closes. «Cette opération est la première du genre depuis que les autorités ont attribué au monde des bordels une responsabilité dans les bagarres à Port-Louis», écrit encore l’express. Quarante-quatre membres de trois gangs sont arrêtés : 23 du gang Istamboul, 13 du gang Mafia et huit du gang Texas.
Cinq jours après le début des bagarres raciales, le vendredi 26 janvier 1968, trois accusés de possession d’explosifs et de possession illégale d’armes comparaissent en cour intermédiaire. Il y a deux adolescents de 15 ans et 16 ans et un homme d’une cinquantaine d’années. Ils feront appel contre une sentence de cinq ans de prison. Quant au bilan officiel de 29 morts lors des bagarres raciales de 1968, ce chiffre est contesté.
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