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Les baies roses en abondance à Maurice mais importées à grands frais

16 mai 2023, 21:00

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Les baies roses en abondance à Maurice mais importées à grands frais

Alors que l’on attend toujours le redémarrage de notre secteur agricole, c’est l’importation qui est favorisée. Et les Mauriciens préfèrent ces produits importés aux locaux qui sont pourtant de meilleure qualité et beaucoup moins chers.

On voit souvent des touristes réunionnais s’affairant à Moka à cueillir des branches d’un arbuste que les Mauriciens prennent pour de la mauvaise herbe. On trouve ces arbustes (voir photo) en grande quantité, notamment dans les basses Plaines-Wilhems, et même en forêt, où ils sont plutôt considérés comme invasifs car compétiteurs de plantes indigènes et endémiques.

À Floréal, ces Schinus terebinthifoli – nom scientifique – poussent sur les terrains vagues et même dans les haies de bambous. En ce moment même, ils fleurissent et donnent ces fruits rouges qui ne sont autres que les baies roses, ou poivre rose, poivre de Bourbon, poivre du Brésil ou poivre de La Réunion. On les appelle aussi, mais faussement, faux poivre. Car ce que le Mauricien, lui, appelle poivre noir ou poivre sauvage – ouf – est presque le même que ce que l’on voit en supermarchés.

Le prix pour 20 grammes de ces baies roses importées : Rs 140 ! Certains Mauriciens, dont de grands chefs, préfèrent d’ailleurs ce poivre «noir» au poivre gris (ou blanc) que l’on achète en poudre ou en grain en sachet. Pour Nizam Peeroo, chef de cuisine à l’hôtel Le Labourdonnais, c’est une épice utilisée par les connaisseurs, notamment les chasseurs, pour parfumer le gibier. «Et que dire de quelques graines sur un steak accompagné d’une crème ? Mais malheureusement, le Mauricien ordinaire ne connaît que le cotomili ou le thym comme herbes ou épices. Alors que les baies roses sont récoltées, exportées vers l’Europe et réimportées à Maurice.» (voir plus bas) Le chef Nizam Peeroo nous parle aussi des feuilles de cet arbuste que l’on peut utiliser dans les marinades.

Les rares Mauriciens qui les connaissent en cueillent et mettent les graines à sécher avant de les écraser après les avoir pelées. Mais on peut utiliser ce poivre avec sa peau rouge. C’est plus facile, et est mieux pour le palais et surtout pour le corps, nous dit une nutritionniste.

Les fabricants et distributeurs d’épices que nous avons contactés connaissent ce poivre local, ainsi que ses qualités et ses vertus. Ils savent aussi qu’il est importé et vendu très cher. Mais ils n’ont pas pensé à exploiter ce filon. «Les Mauriciens qui le consomment aiment bien acheter ce qui est importé» ou ils disent : «Nous n’y avons pas pensé. Nous avons déjà d’autres épices et préparations que nous vendons et qui sont consommées couramment.» L’un d’entre eux nous informe qu’il y pensera, tout en nous disant que le marché est restreint. «Vous savez, ce sont les supermarchés qui font la loi.»

Une véritable pharmacie

Selon la nutritionniste que nous avons interrogée, il a été prouvé que les baies roses sont antiinflammatoires, antiseptiques et antispasmodiques. «Elles aident aussi dans les cas de troubles intestinaux, notamment ceux causés par la consommation de certains médicaments, et elles peuvent être utilisées contre les douleurs dues au rhumatisme et pour les articulations. De plus, elles nettoient les voies respiratoires. De par leur haute teneur en composés polyphénoliques, les baies roses ont des propriétés antioxydantes. Des études ont démontré que les baies roses agissent contre le stress oxydatif et donc contre la détérioration cellulaire.» En d’autres mots, ce poivre possède des vertus antivieillissement. Contenant du pinène, les baies roses sont aussi un insectifuge naturel, c’est-à-dire qu’elles éloignent les insectes dans vos jardin et cour.

Leurs feuilles sont aussi très utilisées en Afrique du Sud, notamment «pour traiter les rhumes avec une décoction de feuilles qui est inhalée, l’hypertension, la dépression et les battements de cœur irréguliers». Véritable médicament, le poivre rose est aussi utilisé pour accélérer la cicatrisation de blessures. On fait état également des propriétés anti-diabétiques de ces baies.

Contre le cancer

L’ex-présidente de la République et professeure Ameenah Gurib-Fakim confirme dans son livre Toutes les plantes qui soignent, que les polyphénols extraits des feuilles du Schinus terebinthifoli«inhibent la prolifération des tumeurs et certaines formes de cancer, en particulier les cellules souches du cancer de la prostate». Elle parle aussi des vertus de la décoction des feuilles et de l’écorce de l’arbuste contre diverses maladies. Tout en rappelant que le «principal producteur pour le marché européen est l’île de La Réunion». Et que «les composants allergéniques présents dans les baies roses en Floride notamment et qui provoquent des problèmes respiratoires ou des irritations des muqueuses ne sont pas présents dans la plante réunionnaise». Et dans celle de Maurice ? Selon Vincent Florens, Professeur agrégé en Écologie à l’université de Maurice, qui s’appuie sur La Flore des Mascareignes, ouvrage de référence pour la botanique de la région, c’est le même poivre qui a été introduit et qui pousse sur les trois îles des Mascareignes. En tout cas, de nombreux sites parlent de l’utilisation des fruits, des feuilles et de l’écorce, entre autres parties du Schinus terebinthifoli, dans la médecine traditionnelle là où il est indigène, c’est-à-dire l’Amérique du Sud tropicale et sub-tropicale. «La plante a une très longue histoire d’utilisation et apparaît dans d’anciens artefacts religieux et sur des idoles chez certains des anciens Amérindiens du Chili.»

Une idée pour nos dirigeants ? Il semble que des Mauriciens débrouillards dans le Sud les récoltent et les exportent vers l’Europe. Qui nous les réexporte en pot à Rs 140 pour 20 g ? C’est possible.