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Un triste paradoxe
Le lundi 1er mai, j’assistais, le cœur lourd, aux funérailles d’un jeune homme. Il avait 14 ans et faisait partie d’une association au sein de laquelle je suis engagé. On lui avait décelé un cancer à la fin de l’année dernière. Et, pendant environ cinq mois, il s’était battu contre cette maladie. Entre va-et-vient à l’hôpital et les séances de chimio, sa santé se déclinait à vue d’œil.
Ce jeune homme qui avait tout l’avenir devant lui aurait donné tout ce qu’il pouvait pour recouvrer sa santé. Ainsi en aurait fait sa mère et les membres de sa famille, dont le chagrin est encore intense. Cela prendra du temps avant qu’il ne s’atténue. Beaucoup de temps. Et, c’est parfaitement compréhensible. Les mots manqueraient pour décrire la douleur que cela engendre de perdre un enfant, un être cher. Surtout à 14 ans.
Une semaine plus tard, jour pour jour, je rentrais chez moi, après avoir déposé un ami. Quand arrivé à la hauteur de la passerelle de Résidence Vallijee, je vois, allongé sur le bord de la route, un homme, et une moto quelques mètres plus loin. Le temp s que je gare ma voiture pour venir voir de plus près, il y avait déjà un attroupement. Parmi les badauds, j’ai compris qu’il y avait des amis de l’homme qui venait de faire un accident. J’ai aussi compris que c’était un jeune homme. Certains criaient, d’autres pleuraient et passaient des coups de fil. J’ai entendu quelqu’un hurler : «Inn dir zot pa roul vit.» D’après les témoignages, le jeune homme a perdu le contrôle de sa moto et a ainsi fait une sortie de route.
Pendant que l’on décidait si on allait trouver une voiture pour le transporter à l’hôpital ou attendre l’ambulance, je me suis approché du jeune homme. C’était pénible, très pénible de le voir ainsi, inerte, les pieds disloqués. Je n’ai pas pu retenir mes larmes. L’espace d’un instant, je me suis dit : si c’était mon enfant. Puis, mes pensées sont allées vers ses parents. Qui, peut-être, à cet instant, dînaient, ou se relaxaient en regardant la télé ou en lisant un livre. Peut-être aussi qu’ils étaient déjà au lit. Et puis vient ce coup de téléphone pour leur annoncer la terrible nouvelle. C’est dur. Aucun parent, aucune famille ne devrait avoir à vivre cela.
L’ambulance est venue et a pris le jeune homme. Son image m’est restée dans la tête pendant toute la nuit. Le lendemain matin, j’ai appris, à travers la presse, qu’il était mort. Il avait 18 ans. Seulement 18 ans.
Il y a là un paradoxe accablant. Ceux qui sont malades luttent quotidiennement, comme ils le peuvent, pour trouver ou pour espérer trouver leur guérison pendant que d’autres, jouissant d’une parfaite santé, mettent, eux, volontairement, leur vie en danger en agissant de manière inconsidérée. Quand les jeunes ne sont plus conscients de la valeur de la vie, c’est qu’il y a un problème.
Trop de jeunes gens meurent sur la route. Ce massacre doit prendre fin. Bien sûr, on dira que la responsabilité individuelle et celle des parents est engagée. Mais il y a aussi celle des autorités. Elles ont désormais le devoir de légiférer car il est clair – et les statistiques le prouvent – qu’à 18, 19, 20, voire 25 ans, on n’a pas la maturité pour conduire une grosse cylindrée.
Mon fils aîné, qui a aujourd’hui 16 ans, m’avait demandé comme cadeau d’anniversaire pour ses 15 ans une moto. Bien évidemment, j’ai dit non. Il a fait la moue. Il a réitéré sa demande plusieurs fois. Et, j’ai réitéré mon refus. J’ai parlé à ma femme. Je lui ai dit que si un jour, elle me voit arriver avec une moto pour l’offrir en cadeau à nos deux garçons, ce sera le signe que j’ai perdu la tête, que je suis devenu un danger pour ma famille. Elle devra ainsi s’atteler, par la force s’il le faut, à m’emmener à l’hôpital psychiatrique pour me faire soigner.
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