Publicité
Manière de voir: carte postale sur . . . les enfants des rues
Par
Partager cet article
Manière de voir: carte postale sur . . . les enfants des rues
Jamais auparavant autant d’infos n’avaient été à notre disposition, mais cela ne veut pas dire qu’on est bien informé. Des réalités nous sautent aux yeux dans la rue ou sur les tas d’ordures dans tous les coins, mais nous ne les voyons plus. Malgré la campagne de stérilisation et le ramassage, les petites meutes de chiens malingres sont encore bien présentes. Habitués à ce décor quotidien, préoccupés par le travail de plus en plus prenant, le cadre de la famille traditionnelle ayant implosé, nous ne voyons plus les enfants des rues en haillons, sales, mal nourris et dont la vue n’échappe pas aux étrangers.
10 %, soit environ 7 000 enfants, vivent en-dessous du seuil de pauvreté, mais le manque de statistiques et de données fait défaut. Les jeunes de zéro à 14 ans représentent 20 % de la population. Il serait malhonnête de ne pas reconnaître les efforts accomplis et quelques bons résultats. Les autorités, préoccupées par d’autres problèmes que ceux de la société, s’appuient sur des ONG comme SAFIRE, dont il faut louer les efforts sur le terrain. SOS Village Enfants est un autre exemple de bénévolat en partie subventionné, tout comme les orphelinats.
L’éducation primordiale
Le système éducatif garantit la gratuité des études et ceux qui décrochent peuvent toujours s’orienter vers le MITD pour y apprendre un métier. Tout cela est fort louable, mais nettement insuffisant, puisque ce système élitiste produit beaucoup de recalés, notamment chez les plus vulnérables appartenant généralement à la communauté dite créole. La période du Covid19 a décimé les rangs des plus démunis qui ne sont plus revenus en milieu scolaire. On s’en rend compte quand on constate que le nombre d’admis en grade 1 (pré-primaire) diminue considérablement et encore plus le nombre qui se présente aux examens du School Certificate. Une réduction de 30 %.
Que deviennent donc les autres 70 % échappant au système scolaire qui, pourtant théoriquement, oblige les parents à envoyer leurs enfants à l’école ou au collège jusqu’à l’âge de 16 ans ? Une règle qui ne semble pas respectée. Qui comptabilise le nombre de présence ? N’y a-t-il pas des agents du ministère de l’Éducation pour contrôler régulièrement si l’enfant ou l’adolescent ne va pas traîner dans les rues des centres-villes. N’oublions pas que le maître-mot, c’est l’éducation, encore et toujours l’éducation. Il n’y a pas d’autre solution miracle pour les arracher à des pièges.
Tout cela, vous le saviez ; alors creusons un peu du côté des parents pour toucher les réalités du terrain. Ces enfants et adolescents vivent dans la périphérie des grandes villes ou sont parfois des squatters entre quatre poteaux et des feuilles de tôle unie. La cellule familiale n’existe pas. Les parents subissent parfois de la discrimination dans la répartition des habitats. Le plus souvent, ces parents sont dans l’incapacité d’assumer leurs responsabilités. Le père souvent absent compte sur la mère, s’il n’y a pas eu séparation, qui travaille comme bonne chez deux ou trois personnes dans la même journée pour ramener de quoi manger lakaz. Parfois, les journaux rapportent que le père ivre a abusé de sa propre fille ou, pire, la mère a vendu sa fillette à des individus pour le moins louches pour quelques centaines de roupies. Vous ne le saviez pas ?
Alors, passons en revue tous les dangers qui menacent ces enfants et adolescents livrés à eux-mêmes. Les trafiquants aux aguets ou rabatteurs les utilisent comme petits livreurs de drogues pou enn bousé manzé. L’exploitation sexuelle coule de source puisqu’il existe des clients pour de la jeune chair fraîche de mineures. Vous êtes choqués ? Ce tableau, qui ne correspond en rien aux cartes postales de notre île paradisiaque, serait incomplet si l’on n’évoquait pas les réseaux. Un exemple édifiant à la manière de Bali ou de la Thaïlande. Évidemment, c’est la racine de la prostitution à bas coût, mais pas seulement. La pédophilie trouve là aussi un terrain fertile pour des touristes sud-africains pervers, réjouis de pouvoir trouver de quoi satisfaire leurs vices avec ces filles et ces garçons mineurs. Que certaines autorités ne prétendent pas découvrir lamerik lor map. La corruption à tous les échelons règle tous les problèmes.
Dans quel état de santé se trouvent ces enfants des rues, bétail qui échapperait à nos regards ? Ils sont souvent victimes de maltraitance, ne bénéficient pas de soins de santé, souffrent de malnutrition quand ils n’assistent pas impuissants aux coups assénés à leur mère. Que vont-ils devenir à l’âge adulte ? Ils iront vraisemblablement grossir les rangs des drogués, des prostituées de rue ou sous les ponts, souvent des délinquants commettant des larcins. La prison n’est pas la solution puisque dans cette dernière, ils vont côtoyer certaines racailles trop heureuses d’assurer leur formation ou plutôt leur déformation dans des domaines déjà énumérés. L’idéal serait de disposer de «maisons spécialisées» ou de formateurs et même de professeurs spécialisés, qui tenteraient de les remettre sur le droit chemin, s’il n’est pas trop tard. Le pays a d’autres soucis…
Que prévoit la loi ?
Sur le plan strictement pénal, rien ne serait prévu pour prendre en charge de tels cas et sévir à l’encontre de parents irresponsables, eux-mêmes égarés. Des efforts sont faits pour une minorité dont on devine le profil socio-économique. Mais tant que la pauvreté sévira (on les connaît ces poches de pauvreté), ce fléau subsistera. ll faudrait employer les grands moyens, casser les chaînons de la corruption, conscientiser les parents, rechercher la collaboration de tous les médias, recruter de bonnes âmes et les former sur le terrain même.
Ces réalités seraient incomplètes si on ne soulevait pas le travail des enfants mineurs, souvent au vu et au su de tout le monde. Il suffit d’enlever nos œillères. Vous ne les avez pas vus dans de petits ateliers de réparation de voitures ou de bicyclettes, parmi des laveurs de voitures, utilisés comme enflés sur des camions, petits revendeurs à la solde de certains commerçants sans vergogne, petits balayeurs dans certains grandes cours, pouilleux et assis à l’arrière de caissons de camions pour aider à la livraison, laveurs d’assiettes et de couverts tout au fond de certains restaurants populaires ? Tout le monde n’a pas la chance inouïe de fréquenter l’Atelier Mozar. Le ministère de la Culture aurait pu s’en inspirer dans d’autres banlieues. Vous avez dit Culture ? Il faut cultiver là où ça rapporte des votes.
Quand les parents ont les moyens, ils envoient leurs enfants autrement capables dans des institutions spécialisées et payantes. Il faudrait mettre sur pied de telles écoles et institutions et former des enseignants destinés à cette catégorie d’enfants. Rappelez-vous, après la Seconde Guerre mondiale, les ravages causés aux enfants par la poliomyélite, aujourd’hui disparue. Les soins de santé se sont améliorés à Maurice, mais allez faire un tour à Antananarivo, la capitale malgache.
Vous y verrez des hordes d’enfants des rues affamés. Le soir, ils s’agglutinent autour des restaurants pour se précipiter par dizaines afin de quémander une pitance. Dans les coins sombres et parfois à même les ruelles, des fillettes s’adonnent à la prostitution pour que les autres membres de familles nombreuses puissent avaler une portion de riz touni. Dans les discothèques le soir, de toutes jeunes filles grossièrement maquillées harponnent les clients, surtout étrangers. Si ces derniers ne prennent pas garde, au réveil le matin, ils auront été dévalisés et… mis à nu. Cela explique le grand nombre de Malgaches passeurs de drogues arrêtés à l’aéroport chez nous. Pauvreté oblige !
Maurice dans ce domaine n’a pas encore atteint le fond du fond. Raison de plus pour décrasser certaines banlieues des proxénètes et des trafiquants de drogue qui recrutent parfois ces enfants des rues. Ne pensons pas toujours à de grands projets en délaissant les problèmes sociaux du quotidien que nous avons tendance à occulter. Une société qui ne fait pas tout ce qu’il faut pour ses enfants pauvres ne saurait être qualifiée d’humaine. Assis sur les genoux d’une mère démunie, l’enfant est riche ! Zot finn tasé !
Que vont devenir les 96 000 enfants qui ont failli aux examens après leurs quatre ans d’Extended programme ? Certains ne savent ni lire ni compter; d’autres ne savent pas la différence entre une division et une multiplication. Le niveau est tombé très bas.
Rémet lardwaz ek kréyon ?
Publicité
Les plus récents