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Quartier historique: entrons dans une cour cachée derrière les murs colorés de Chinatown
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Quartier historique: entrons dans une cour cachée derrière les murs colorés de Chinatown
C’est week-end de fête aujourd’hui et demain dans le quartier chinois, avec la 16e édition du Chinatown Food and Cultural Festival. L’occasion de visiter une cour intérieure qui «tient sur des béquilles». En écoutant les confidences de Mimose Lau, d’Uniform Shop, qui va bientôt prendre sa retraite en Australie, après 40 ans de service avec ses machines à coudre.
Fresques à foison pour égayer Chinatown. Mais qu’y a-t-il derrière les couleurs en surface? L’ADN de ce quartier de la capitale est par nature discret, à l’ombre des murs en pierres taillées et des bâtiments en bois qui portent le poids des années passées. Sur les toits en bardeaux ou en tôle, glissent des pans d’histoire. Alors que les habitants historiques de Chinatown se sont raréfiés. Beaucoup faisant tourner leur commerce, mais ne dormant plus sur place.
C’est week-end de fête aujourd’hui et demain dans le quartier chinois, avec la 16e édition du Chinatown Food and Cultural Festival. A l’opposé, le monde de Mimose Lau évoque l’école, le scoutisme, le travail. L’ordre et la discipline.
«Partout dezord», s’excuse-t-elle en nous donnant accès à l’atelier d’Uniform Shop, qui fournit les magasins de Port-Louis et de Beau-Bassin. Cela fait 40 ans que Mimose Lau a installé l’atelier derrière une porte rouge vif de la rue Rémy Ollier. Qu’elle y imagine les designs, dessine les patrons de couture avant de passer à la coupe des tissus.
«Quand vous faites du commerce, fode pa anbet dimounn. Le client est roi. Il revient à cause de l’accueil qu’il reçoit et de la qualité de votre travail.» Sa force : un rendu «instantané». Elle explique : «Dimounn-la kapav vini, li pa gagn so tay. Dès le lendemain, nous pouvons lui fournir ce qu’elle cherche.»
Deux ouvrières sont penchées sur les machines à coudre, dans cet atelier qui cultive son air d’antan, entre imposte et sali rouz. Edna Manoula travaille dans cet atelier depuis 19 ans alors que sa collègue Roseline Arsène est là depuis 13 ans. «Nou viv kouma fami», affirme Mimose Lau en parlant de ses employées. «Mo mem ki pass balie tou.»
De quand date cette cour, où son atelier de couture a pris racine ? Question posée par notre guide, Bernard Li, entrepreneur. «Sa, mo pa ti ankor ne», répond Mimose Lau. Elle va sur ses 60 ans. «Dans Chinatown, je crois que c’est l’une des plus anciennes cours encore existantes», affirmet- elle. Même si les structures en bois de la cour «tiennent sur des béquilles», plusieurs estiment (dont notre guide) qu’il ne faut pas démolir cet espace, mais le préserver.
Cette cour intérieure pavée de pierres taillées était à l’origine en demi-cercle. «Cela allait jusqu’à la rue Arsenal (NdlR : aujourd’hui rue Sun Yat Sen). C’était un labyrinthe.» À l’époque, «on y louait des chambres. Il pouvait y avoir 10 à 15 familles cohabitant dans une cour, avec huit personnes vivant dans une ou deux chambres. Les sanitaires étaient séparés des chambres et étaient communs à toutes les familles». Notre guide Bernard Li a lui-même connu ces conditions sommaires.
Dans la cour, il y a toujours des signes d’habitation. Du linge est étendu sur des cordes. Une porte ouverte laisse voir une cuisine. Mais ces locataires ne sont pas des membres de familles qui vivaient là au siècle dernier.
Seules des traces demeurent. Comme ce baquet à lessive piqué de rouille oublié depuis longtemps en face d’une ros lave. Des plantes mises en terre dans des ti-lamok, ont pris des allures de forêt.
En dehors de l’atelier, le reste de la cour est délabré. Mais, «il y a des gens qui font visiter cette cour à des touristes, parce qu’on n’en voit presque plus des comme ça», ajoute la responsable de l’atelier de couture. «Mo kontan li koumsa. Monn fini abitie. Le bois, c’est plus frais que le béton». Parmi les améliorations qu’elle y a apportées au fil du temps : refaire le toit qui «laissait voir le ciel». Remplacer le plancher par un sol en dur, parce que l’ancienne cave attirait les rats.
La voix de Mimose Lau change. Signe d’un pincement de coeur. «Mo pe kit tou sa la mo pe ale», confie-t-elle. «J’aurais pu continuer. Mo bien fit. Le sport c’est mon travail.» Elle prépare sa retraite, qu’elle compte prendre cette année. Ses trois enfants sont en Australie. «J’ai payé leurs études pendant 24 ans», énumère-t-elle.
L’aîné est un Chartered Accountant à Melbourne. «Il gère sa propre compagnie et emploie sept Mauriciens». Le second fils, également à Melbourne, est architecte. Sa fille est médecin à Newcastle, dans les environs de Sydney. Cette maman fière de la réussite de ses trois enfants confie : «J’ai déjà mon permis de résident permanent?» Elle n’attend plus que de trouver un acquéreur pour sa maison à Coromandel, avant de s’envoler pour le pays des kangourous.
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