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Rotin bazar et punitions à l’école: règles vs coups de règles
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Rotin bazar et punitions à l’école: règles vs coups de règles
Il n’y a pas que les punaises qui font parler d’elles du côté des écoles. Durant la semaine écoulée, une vingtaine d’enfants ont été frappés à coups de règle par une enseignante. Résultat : larmes, polémique et débat ont fusé et deux écoles de pensées s’affrontent. «Bizin koriz bann zanfan-la parfwa», disent d’aucuns alors que d’autres affirment qu’il y a d’autres moyens d’instaurer la discipline.
Le recours aux châtiments corporels contre les enfants, bien qu’illégal selon la Convention des droits des enfants et la Children’s Act, reste courant dans les salles de classe de nombreuses écoles. La preuve : des élèves de Grade 3 ont été frappés par une enseignante à l’école primaire de Petit-Verger mercredi. Dans le passé, il y a eu bien d’autres cas, certains menant même à des poursuites devant la justice. Alors que le châtiment corporel à l’école inquiète, que font les autorités concernées pour démêler cette situation ? Entre le besoin de l’enfant de se sentir en sécurité à l’école et la gestion de la classe et des conditions de travail stressantes des enseignants, qui déclenchent souvent des coups de «rotin bazar», comment discipliner sans avoir recours à la violence ?
Les châtiments physiques ou corporels sont définis par le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies, qui supervise la Convention relative aux droits de l’enfant, comme «tous châtiments impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il». La ministre de l’Éducation Leela Devi Dookun-Luchoomun dit accorder beaucoup d’attention aux innovations technologiques et à de nombreux autres programmes et politiques pour améliorer l’apprentissage. Mais ces investissements ne sont pertinents que si l’enfant se sent en sécurité à l’école et si l’enseignant, à son niveau, est doté de tous les moyens pour gérer sa classe.
Des études démontrent que les châtiments corporels peuvent avoir un impact négatif non seulement sur les résultats scolaires, mais aussi sur le bien-être social et émotionnel des enfants, laissant ainsi des cicatrices permanentes qui peuvent affecter leur bien-être psychologique plus tard dans la vie. Pourtant, les enseignants sont ceux qui peuvent contribuer au sentiment de sécurité des élèves. Ces éducateurs ne reçoivent pourtant pas souvent pas la formation et les ressources qui leur sont nécessaires pour s’acquitter de leur tâche. Une responsabilité qui, disent-ils, est extrêmement complexe puisqu’il s’agit de gérer la classe et d’enseigner aux élèves tout en répondant à leurs besoins émotionnels, sociaux et pédagogiques variés. Face à de telles situations, certains enseignants ont recours, de manière injustifiée, aux «kout lareg». Tout comme la formation académique, l’enseignant est aussi appelé à discipliner, mais où se situe la limite ?
Discipline
Les écoles privées adoptent déjà des programmes de formation qui encouragent de plus en plus à avoir recours à d’autres méthodes. «Les programmes de discipline positive existent depuis plusieurs années à Maurice. Ces programmes sont souvent coûteux et nécessitent des ressources, mais c’est dommage que le ministère n’y accorde pas d’importance et que les écoles publiques n’en tirent pas profit. Une discipline positive encourage les enseignants à être sensibles aux besoins de développement des jeunes enfants. Lorsque vous donnez des stratégies aux enseignants et les aidez à apprendre des approches alternatives pour la gestion du comportement de l’enfant, la majorité d’entre eux les adoptent. D’autre part, outre l’enseignant, les parents et l’enfant sont aussi partie prenante du programme», souligne une enseignante d’un établissement privé. Ce genre de programmes, hélas, n’existe pas dans les écoles publiques.
Qu’est-ce qui justifie l’usage des punitions corporelles, bien que cela soit explicitement interdit ? L’indiscipline des enfants d’aujourd’hui, diront certains. «De nos jours, les pédagogies nouvelles misent sur la liberté, l’autonomie et la responsabilisation de l’enfant. Les punitions corporelles n’ont pas leur place alors que ces mêmes punitions étaient autrefois vues comme un moyen de discipliner l’enfant. L’enseignant doit certes respecter les limites et nous parlons tous de l’éducation conformément aux droits humains. Mais ces droits concernent-ils uniquement les enfants ? Qu’en est-il des droits de l’enseignant de se faire respecter et d’être traité humainement ? Au lieu de se voiler la face, il serait peut-être temps de voir comment régler la problématique disciplinepunition sans s’acharner sur les enseignants qui ont un sentiment de ras-le-bol. Les parents ont aussi leurs responsabilités. C’est comme si aujourd’hui ils vivent avec une phobie de déplaire à leurs enfants», explique, pour sa part, Yatree Seetohul, une enseignante.
«Pa tous mo zanfan !»
Pour certains parents, bien que le châtiment corporel reste inacceptable, il faut trouver un juste milieu car l’enseignant reste un pilier de l’éducation. «Que voulez-vous ? Les enfants d’aujourd’hui sont trop têtus, irrespectueux. Ils ne veulent pas travailler. À notre époque, que tu le veuilles ou non, tu devais respecter les règles. Parce que le bâton était toujours derrière toi. Aujourd’hui, ceux qui luttent pour la suppression des punitions corporelles à l’école reconnaîtront plus tard qu’ils ont tort lorsqu’ils constateront que le niveau de l’élève continue de baisser. Quel parent n’a jamais giflé son enfant pour le corriger ? Il ne faut pas être hypocrite. Cependant, les enseignants ne doivent pas dépasser les limites non plus», souligne Samela Incloo, mère d’une fille qui concourt pour le Primary School Achievement Certificate.
D’autres sont catégoriques: «Pa tous mo zanfan ! Certes, il faut leur apprendre à respecter les aînés, la discipline, mais parfois les enseignants abusent de leur autorité. Beaucoup d’entre eux sont frustrés et les enfants en font les frais. La discipline ne veut pas dire infliger de la peine physique et morale à un enfant. Je pense que ces gestes aggravent le comportement d’un enfant désobéissant. Un enseignant peut se faire respecter sans utiliser la force. Mo préfer pa tous mo zanfan», s’insurge Aline S., un autre parent.
Alors que les parents, les enseignants et les enfants ne savent plus sur quel pied danser, le débat, lui, fait toujours rage et le ministère se réfugie dans un silence assourdissant.
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