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Honoraires des avocats: l’argent fait la loi
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Honoraires des avocats: l’argent fait la loi
Les honoraires d’un avocat ne sont pas réglementés et continuent à susciter des interrogations. Chaque avocat fixe lui-même le coût des prestations qu’il facture à son client. Bien que le code d’éthique de la profession stipule un «reasonable fee», la fourchette des frais est très étendue et varie selon la complexité ou la gravité des cas, le statut de l’homme de loi ou même la situation du client. Ainsi, pour les avocats du privé, l’argent fait la loi.
Les affaires devant la Cour suprême ne coûtent pas le même montant que celles devant la cour intermédiaire et les cours de district. Un avocat débutant peut facturer Rs 5 000 pour assister à un interrogatoire, alors que les plus chevronnés peuvent, aujourd’hui, réclamer jusqu’à Rs 75 000 par heure. Tout comme les prix grimpent avec l’inflation, les honoraires des avocats ont, au cours des années, aussi pris l’ascension. Pour les affaires de drogue et d’homicide involontaire, l’on peut compter jusqu’à Rs 500 000. Pour les comparutions en cour, c’est un tout autre calcul ; le montant dépendra du nombre de sessions et du volume du dossier. Un junior peut demander Rs 5 000 par comparution alors qu’un avocat avec plus de dix ans d’expérience peut réclamer Rs 25 000 par comparution.
«Gro pwason»
Plus le client a les moyens de payer, plus les frais sont conséquents, même si l’affaire est jugée «minime» et pourrait uniquement impliquer une amende. Un avocat ne peut accepter d’argent d’un client s’il sait que cette somme provient d’une source illégale. Pourtant, des avocats défendent bien des clients impliqués dans le trafic de drogue et de blanchiment d’argent. Et ce, pour des honoraires astronomiques. Cette catégorie de clients est celle qui paie le mieux. Ces derniers sont considérés comme de «gro pwason» qui, d’habitude, sollicitent euxmêmes les ténors du barreau pour les défendre. Un Senior Counsel qui défend un présumé trafiquant de drogue peut réclamer jusqu’à Rs 300 000. Si l’affaire est jugée aux Assises, la note est doublée.
Pour les personnalités politiques, les frais sont encore plus élevés car, outre le statut de l’avocat, c’est aussi le statut de l’accusé qui pèse dans la balance. Pravind Jugnauth, qui a un panel légal composé de plusieurs ténors du barreau, aurait dépensé des millions dans le procès que lui intente le candidat battu du Parti travailliste Suren Dayal pour l’invalidation des élections générales de 2019.
Appel devant le «Privy Council», le jackpot
Alors qu’un appel au Privy Council coûte en moyenne plus de Rs 1 million, certains avocats sont des spécialistes de ces affaires car ce sont là des cas qui rapportent gros. Représenter un appel devant les Law Lords est considéré comme le jackpot pour plusieurs avocats car ils peuvent encaisser jusqu’à Rs 2 millions pour un appel. Mis à part le billet d’avion et l’hébergement, l’avocat réclame des frais astronomiques pour ses plaidoiries qui s’étalent, pourtant, sur seulement un jour.
En parallèle, alors que les avocats du privé font la pluie et le beau temps en matière d’honoraires, les avocats du Parquet touchent, eux, un salaire fixe mensuel, reposant sur leurs années d’expérience. Un Senior State Counsel perçoit un salaire de base d’environ Rs 50 000, en plus des allocations pour le même volume de dossiers, les mêmes comparutions, même s’il gagne le procès.
Et comme il est salarié, tout son revenu, versé sur son compte, est déclaré à la Mauritius Revenue Authority. Les honoraires des avocats du privé eux, sont souvent réglés en espèces. Cartes et chèques ne sont pas monnaie courante...
Rs 1, 2 M et huit ans de prison aux assises
<p>Y. V. était encore étudiant quand il a été traduit aux Assises pour meurtre. Issu d’une famille modeste, ses parents ont remué ciel et terre pour qu’il soit représenté pour un avocat de calibre afin de s’en sortir. Il a effectivement retenu les services d’un avocat chevronné qui lui a fait comprendre que c’était une affaire <em>«straight forward et facile»</em>. Emplis d’espoir, les parents étaient prêts à tout pour retenir les services de l’avocat. Au début, ils ont déboursé Rs 100 000 pour que leur fils obtienne la liberté provisoire. Chose qui a été faite. Il a été libéré un mois après son arrestation. Cela n’arrive pas à tous les suspects, surtout pour une affaire de meurtre. </p>
<p><em>«Nou ti sir ki li mem avocat ki pou kav sap nou garson. Au début, il nous a dit que le case coûterait Rs 300 000 et que nous pouvions le payer tigit tigit. Mé apré nou finn trouvé ki tou kou li nek rod kas»</em>, expliquent les parents du jeune homme. Cinq ans après, à l’issue d’un procès de trois semaines devant les Assises, l’étudiant a été condamné à huit ans de prison. L’année dernière, il a été libéré. Plus de dix ans après cette affaire, ses parents sont toujours endettés et n’ont pas fini de payer l’avocat qui s’assure de réclamer son dû à chaque fois. <em>«Noun konpran ki sé pa enn avoka me enn businessman. Au début, il a dit que l’affaire coûtera Rs 300 000. Quand l’affaire est allée aux Assises, il nous a dit que c’est compliqué et de lui donner plus d’argent. Au total, il a demandé Rs 1,2 M à ma famille. Mo mama inn van tous so bizou. Mo pa gagne bel travay parski monn kondané. Enn kou mason, enn kou zardinié. Aujourd’hui, j’essaie de les aider à continuer à payer cet avocat»,</em> dit le jeune homme.</p>
Plus de Rs 1 M et toujours enfermé
N. G. est détenu pour une affaire de drogue depuis déjà cinq ans. Sa famille a dépensé plus de Rs 1 million pour les frais des avocats et, au bout du compte, il est toujours en détention. «À chaque fois que l’avocat doit lui rendre visite, il nous réclame de l’argent. Dans un premier temps, il nous a fait comprendre que, vu que c’est une affaire compliquée, il faudra payer afin qu’il voie auprès de ses contacts s’il obtient la liberté conditionnelle», souligne un proche du suspect. Et de renchérir : «Kuma dir inn met sit. Sak kou zouen avocat bizin donn kas. Mais il n’y a aucun développement. Mon frère est encore enfermé et son cas n’est pas pris. La kan sa pou al lakour pou bizin rod Rs 1 M ankor pou avoka.»
Rs 35 000 pour un divorce à l’amiable
<p>Maryse M. a entamé des procédures judiciaires pour obtenir le divorce l’année dernière. Bien que son ex-époux et elle soient arrivés à un accord pour un divorce à l’amiable, elle a voulu prendre <em>«un bon avocat»</em> afin d’accélérer les procédures. La jeune femme avait des projets de voyage. <em>«Quand j’ai pris des renseignements, on m’a référée à une avocate spécialiste des affaires matrimoniales. Elle m’a accompagnée une seule fois à la cour familiale. Les autres fois, j’étais seule. Je me suis rendu compte que je me suis fait arnaquer car les divorces bien plus compliqués peuvent coûter jusqu’à Rs 15 000. J’ai dépensé mon argent pour rien car l’avocate n’a rien fait ; à chaque fois, c’est son junior qui a fait tous les papiers. Le divorce, j’allais l’avoir de toute façon. Il me fallait simplement un représentant juridique»</em>, raconte la jeune femme.</p>
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