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Jérôme Vuillemin: «Les déchets plastiques doivent devenir une ressource pour développer une économie du recyclage»
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Jérôme Vuillemin: «Les déchets plastiques doivent devenir une ressource pour développer une économie du recyclage»
En cette journée mondiale de l’environnement, pleins feux sur le cabinet Qualitropic, basé à l’île de la Réunion. Son directeur, Jérôme Vuillemin, sera à Maurice cette semaine à l’invitation de PIM Limited et de la MCB. Il aura l’occasion de s’exprimer sur le plastique dans son ensemble.
Pouvez-vous nous présenter Qualitropic ?
Qualitropic est un pôle de compétitivité, donc labellisé par le cabinet du Premier ministre en France depuis 2005. C’est une association avec une centaine d’adhérents dont 80 % d’entreprises et 20 % restants de laboratoires, d’universités et de chambres consulaires, entre autres. Nous nous intéressons particulièrement à la bioéconomie tropicale et durable, qui touche différents secteurs comme l’alimentaire, la chimie verte et les matériaux. D’ailleurs, notre participation à la conférence de PIM Limited, s’insère dans notre travail sur les matériaux, notamment les emballages. Nous menons d’autres actions d’intérêt général, comme l’animation et la structuration des filières d’agroéconomie sur le territoire réunionnais.
On parle aujourd’hui de plastiques inutiles ou problématiques. Qu’est-ce que cela englobe ?
Il s’agit de bien définir ce qu’on appelle inutile. On pourrait dire qu’un plastique qui n’a pas de fonction technique essentielle – protection, protection sanitaire, intégrité de produits, fonction de transport ou support d’information – peut sembler inutile. En fait, il a contribué à préserver le produit pendant son transport ou permis d’allonger sa durée de vie. Ce sont des fonctions très utiles pour des territoires insulaires éloignés des zones de production. On a de longs délais de transport ou de stockage. De plus, d’autres matériaux ne présentent pas toujours la même efficacité. Le carton peut prendre de l’humidité ou le verre est lourd… Un plastique peut sembler inutile au consommateur, mais il a été utile d’un point de vue de transport et de conservation, dans une étape de son cycle de vie. Les plastiques les plus problématiques, pour simplifier, sont des plastiques intégrant plusieurs matières, d’autres plastiques, de l’aluminium ou du papier, par exemple. Il faut privilégier des mono-matériaux, plus simples à recycler ou à valoriser en fin de vie. En gros, l’aspect problématique d’un plastique ne se rapporte pas uniquement à sa matière mais surtout à la gestion de son cycle de vie.
Quels seraient les modèles économiques nécessaires pour combattre les répercussions de l’économie du plastique ?
Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Le développement d’une économie du recyclage est certainement une piste importante. Il faut prendre des mesures pour réduire la production de plastiques chaque fois que cela est possible, en favorisant l’utilisation de solutions alternatives qui n’ont pas d’impact supplémentaire sur l’environnement. Parallèlement, il est tout aussi important de garantir que les plastiques qui continuent à être fabriqués le sont uniquement lorsqu’ils sont essentiels. Ensuite, les déchets plastiques doivent devenir une ressource et qu’on puisse leur apporter une valeur en fin de vie pour développer une économie du recyclage. Cela amènera, en fait, les économies des plastiques à aller plus vers du mono-matériau et la standardisation des recettes. Cela débouchera sur des formulations plastiques plus identiques et plus de valorisation par du recyclage quand il reste une solution pertinente pour les applications.
Dans l’océan Indien, a-t-on les compétences et technologies nécessaires pour le recyclage des plastiques ou la valorisation des déchets plastiques ?
À l’échelle de l’océan Indien, l’on trouve des transformateurs avec de réelles compétences et connaissances techniques, souvent en lien avec la production même des plastiques. Ces transformateurs savent recycler leurs chutes de production et les réinjecter dans leur production. Cependant, la mise en place de cette pratique de recyclage doit s’accompagner de mécanismes de tri et de réseaux de collecte. Et, le plus important, il faut aussi un marché au bout de cette chaîne. Un marché qui intègre du plastique recyclé. Parce que sans marché à la fin, on n’aura rien. Nous présenterons, le 8 juin, des exemples de cycles de collecte, de tri, de recyclage local ou de recyclage à l’exportation. On ne peut pas ignorer, cependant, le frein majeur sur nos îles : le volume critique. En fait, pour voir l’émergence du recyclage des différents plastiques à l’échelle industrielle, il faut atteindre un certain volume qui justifie les investissements. Donc là, il faudrait explorer la mutualisation, à l’échelle de l’océan Indien, pour atteindre certains volumes critiques.
Votre cabinet a collaboré avec l’Association des manufacturiers mauriciens (AMM) dans son programme «Lindistri Dime». Comment peut-on décrire cette collaboration et, surtout, a-t-elle été fructueuse ?
Nous collaborons, depuis de nombreuses années, avec l’AMM. Les premières actions structurantes ont été menées pendant le Covid, donc en 2020. Nous avons organisé des formations sur l’écoconception auprès des entreprises de l’AMM et de son réseau Made in Moris. Nous avons abordé les grands principes de l’écoconception et des aspects plus pointus comme les analyses de cycle de vie. 40 entreprises mauriciennes ont été formées. Ensuite, les ingénieurs Qualitropic ont réalisé, in situ à Maurice, des diagnostics dans une quinzaine d’entreprises pour les accompagner dans la mise en place de leurs projets d’écoconception. Nous poursuivrons ces actions à partir de juillet. Un représentant de Qualitropic sera posté à l’AMM pendant plusieurs semaines. Son rôle sera de revoir les différentes entreprises et mettre en place des plans d’action individuels, voire collectifs. Ce partenariat se renforcera en fin d’année avec l’arrivée, fin 2023, d’un(e) ingénieur(e) Volontaire International en Entreprise (VIE) dans le cadre de la coopération régionale. Tout cela préfigure peut-être l’ouverture d’une petite antenne de Qualitropic dans les années qui viennent.
Vous animez le Comité Emballages Réunion en partenariat avec l’Association pour le Développement Industriel de La Réunion. Quelles leçons ou bonnes pratiques pouvons-nous apprendre de ce travail ?
Ce comité s’intéresse à tous les matériaux utilisés pour les emballages, car tous les matériaux ont un impact environnemental. On parle de plastique, de carton et des métaux. Nous travaillons sur les premiers livrables. L’idée, c’est de donner des clés de compréhension des emballages et de souligner que chaque acteur – consommateur, producteur, distributeur, emballeur, collecteur, recycleur – peut contribuer à limiter les impacts environnementaux de nos emballages. L’objectif est de parvenir à un juste emballage avec le matériau adéquat pour réussir l’application et éviter les impacts environnementaux.
Le 8 juin, vous serez à Maurice pour une conférence gratuite, à L’Aventure du Sucre, à l’invitation de PIM Limited et de la MCB. Peut-on avoir en quelques lignes les thématiques que vous aborderez ?
La thématique est «Mieux comprendre les défis, les enjeux et les perspectives autour des plastiques». Ce n’est pas une question simple ou binaire, avec du bien d’un côté et du mal de l’autre. L’objectif est de donner un panorama d’informations sur les plastiques, avec une visée pédagogique ou un objectif de vulgarisation. On parlera des spécificités des différents types de plastiques, car oui, ce n’est pas le plastique qu’il faut dire, mais bien les plastiques ! Leurs avantages, mais aussi leurs inconvénients. Pourquoi et comment ils se sont imposés dans l’industrie du jetable et pourquoi il est important d’œuvrer collectivement à les inscrire dans une économie circulaire et comment y travailler chacun à son échelle… Nous essayerons de rendre plus claire cette complexité en présentant les types de plastiques, en montrant comment et pourquoi ils provoquent cette pollution si médiatisée et enfin, des exemples d’actions pour œuvrer chacun, que ce soit au niveau citoyen, entreprise privée ou publique, à limiter la pollution générée par les plastiques en appliquant la règle des 3R qui commence à être connue au niveau international qui est réduire, réemployer et recycler.
Une transition vers une production industrielle responsable est-elle possible ? Ce n’est pas une utopie ?
Ce n’est pas une utopie. La production industrielle va forcément évoluer pour produire mieux, vers des produits plus durables et pour recycler plus. Il faudrait que ce mouvement soit accompagné d’évolution à d’autres niveaux, que les citoyens acceptent de consommer autrement, de trier davantage aussi, par exemple. Des partenariats publics et privés doivent se mettre en place, comme des maillons indispensables. Sans oublier l’organisation de la collecte… Bref, cette transition ne repose pas uniquement sur la production industrielle, mais elle nécessite une réponse systémique. C’est tout un système qui doit évoluer pour aller vers une production et une consommation responsables.
Quel message voulez-vous faire passer en cette journée mondiale de l’environnement, aujourd’hui ?
Ce serait un message à plusieurs niveaux. En tant que citoyens, nous devons prendre l’habitude de requestionner nos consommations. Est-ce que je peux me passer de cet achat et sinon, est-ce que je peux consommer autrement avec des produits d’occasion ou réemployer un peu plus mon produit ? Au niveau des entreprises, elles doivent intégrer l’évaluation environnementale dans la création de leurs produits et services. Cette perspective doit être intégrée au même niveau que la faisabilité technique ou économique. Au niveau des pouvoirs publics, il s’agit de renforcer la sensibilisation.
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