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Judiciaire: ces magistrats qui se distinguent…

17 juin 2023, 14:00

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Judiciaire: ces magistrats qui se distinguent…

Dans les tribunaux à travers le pays, nous avons certains magistrats, des jeunes en majorité, qui assurent. De Vidya Mungroo-Jugurnath du tribunal de Bambous à Valentine Mayer au tribunal de Port-Louis, ces magistrats se sont distingués dans leur façon de traiter les affaires et de rendre des jugements. Portrait de ces magistrats qui ont osé rayer des charges provisoires, critiquer les enquêtes menées par la police, l’ICAC et mettre fin à des procès jugés arbitraires.

Vidya Mungroo-Jugurnath: une magistrate qui suscite l’admiration

Propulsée sous les feux des projecteurs par l’enquête judiciaire sur l’affaire Soopramanien Kistnen, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath suscite l’admiration. L’ensemble du barreau a apprécié la manière dont elle a présidé cette enquête judiciaire pour faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles le corps de Soopramanien Kistnen a été retrouvé, en partie calciné, dans un champ de cannes à Telfair, Moka. Mᵉ Mungroo-Jugurnath a prêté serment comme avocate le 23 septembre 2010 devant l’ex-chef juge Bernard Sik Yuen. Après avoir pratiqué au barreau, elle a réintégré le bureau du DPP. Le 1ᵉʳ juin 2018, la Judicial and Legal Service Commission l’a nommée magistrate et elle a prêté serment devant l’ex-chef juge Keshoe Parsad Matadeen. En septembre 2020, elle a été mutée au tribunal de Moka. C’est elle qui a présidé l’enquête pour faire la lumière sur la mort de Soopramanien Kistnen. Elle est également l’épouse du fils de l’ex-directeur de l’Audit, Raj Jugurnath, qui après sa retraite, avait été nommé Chief Executive Officer du Sugar Insurance Fund Board. Après l’enquête judiciaire sur la mort de l’agent orange Kistnen, elle a été mutée au tribunal de Bambous en janvier 2022 mais le bon travail abattu par elle ne s’est pas arrêté là. Elle a présidé le procès intenté à l’avocat Akil Bissesur et siège actuellement sur l’affaire de Jean Hubert Celerine alias Franklin.

  • Ses jugements…
<p><strong>L&rsquo;affaire Soopramanien Kistnen&nbsp;</strong><br />
	L&rsquo;ensemble du barreau apprécie la manière dont elle a présidé cette enquête judiciaire. La magistrate Mungroo-Jugurnath n&rsquo;a pas hésité à interroger les témoins pour réclamer plus de précisions dans leurs réponses. Elle était même descendue sur le terrain, le 8 décembre, pour examiner les lieux où le cadavre de Soopramanien Kistnen a été retrouvé. Son rapport vient confirmer que celui-ci a bien été tué et que la police, par <em>&laquo;incompétence&raquo;</em> ou dans un souci de <em>&laquo;cover-up&raquo;</em>, n&rsquo;a pu découvrir le ou les meurtriers. Pourquoi la police n&rsquo;a pas pris le soin de conserver les images des caméras de Safe City ? Pourquoi la carte SIM du téléphone de Kistnen n&rsquo;a pas été retrouvée ? Comment une paire de ciseaux n&rsquo;appartenant pas à Kistnen a-t-elle été retrouvée près de son corps et comment son sac-à-dos, qui se trouvait à 30 mètres de son cadavre, n&rsquo;a pas été récupéré ? Ce ne sont là que quelques éléments qui ont convaincu la magistrate que ce n&rsquo;est pas un suicide mais bien un assassinat.&nbsp;</p>

<p><strong>L&rsquo;affaire Akil Bissessur&nbsp;</strong><br />
	Le tribunal de Bambous a rayé les charges provisoires de trafic de drogue qui pesaient sur l&rsquo;avocat Akil Bissessur. Dans un ruling de dix pages, tout en précisant qu&rsquo;elle ne fait pas le procès des enquêteurs, la magistrate Mungroo-Jugurnath souligne les manquements de l&rsquo;enquête policière dans cette affaire. Selon elle, le fait que les enquêteurs n&rsquo;aient pas jugé important d&rsquo;enquêter sur la défense mise en avant par l&rsquo;avocat et selon laquelle la drogue retrouvée chez lui avait été plantée, soulève de sérieuses interrogations quant à l&rsquo;impartialité de la police. Dans son ruling sur la radiation des charges provisoires contre Mᵉ Bissessur, la magistrate Mungroo-Jugurnath met une fois de plus en exergue les vices de procédures qui émaillent la pratique de l&rsquo;enquête préliminaire. <em>&laquo;In light of the result of the FSL, coupled with the explanations of the applicant that the drugs which have been secured have been planted, the police had a duty to investigate into the version of the applicant. Their failure to do so, in the face of the very serious allegations made by the applicant, is incomprehensible and unreasonable. It raises doubts about the fairness and impartiality of the police&raquo;</em>, déclare catégoriquement la magistrate.&nbsp;</p>

<p><strong>L&rsquo;affaire Franklin&nbsp;</strong><br />
	Dans un ruling de 14 pages, rendu le 9 mai, la magistrate Mungroo-Jugurnath évoque plusieurs raisons pour justifier sa décision de ne pas accorder la liberté provisoire à Jean Hubert Celerine alias Franklin. L&rsquo;Independant Commission Against Corruption (ICAC) avait évoqué les risques que Franklin s&rsquo;enfuie, une fois libre, et la magistrate Mungroo-Jugurnath, dans son ruling, met en exergue les faiblesses au niveau du contrôle des voies maritimes par les autorités. Elle précise que <em>&laquo;despite him stating under oath that he suffers from sea-sickness, he has been convicted in Reunion Island to seven years of imprisonment for dealing in drugs. Since his passport does not make any mention of him officially being in Reunion Island, if he was ever in Reunion Island, it would have been by sea route. It would also either demonstrate his ability to navigate the high seas and/or his connections with people who know how to. It also casts serious aspersions about his claims of suffering from sea-sickness&raquo;.</em> La magistrate Mungroo-Jugurnath fait aussi ressortir que bien que d&rsquo;énormes progrès aient été réalisés en termes de technologie, les autorités mauriciennes disposent encore de ressources limitées et que dans la pratique, les forces de l&rsquo;ordre ne seraient pas en mesure de le surveiller 24 heures sur 24 ni de surveiller le littoral en entier.</p>

Jade Ngan Chan Kai King: son ruling contesté par le commissaire de police

La magistrate Jade Ngan Chan Kai King a été transférée au tribunal de Moka en janvier 2022. Elle était auparavant magistrate à la cour de district de Port-Louis (Div III). Détentrice d’un LLM en Banking et Finance Law, Jade Ngan Chan Kai King a rejoint le bureau du DPP en 2013 comme State Counsel. Passionnée de trail, elle a même participé à plusieurs éditions de UTMB Series, organisateur mondial des circuits de trail. 

La magistrate Ngan Chan Kai King, qui est plutôt discrète, a été sous les feux des projecteurs dans l’affaire Bruneau Laurette après lui avoir accordé la liberté conditionnelle. Elle a donné une autre interprétation de la Bail Act. Son ruling fait d’ailleurs l’objet de contestation par le commissaire de police Anil Kumar Dip en Cour suprême.


Valentine Mayer: un autre revers pour l’ICAC


La magistrate Valentine Mayer a été called to the bar en Angleterre à l’Honorable Society of the Middle Temple en novembre 2013 et puis admise au barreau mauricien en septembre 2015. Elle est également titulaire d’un baccalauréat ès arts en politique et relations internationales. La magistrate Mayer était associée à ENSafrica (Maurice), la branche mauricienne du cabinet d’avocats d’Afrique. Elle est spécialisée dans les contentieux civils. Tout en traitant un large éventail d’affaires dans différents domaines du droit, ses principaux domaines de pratique sont le droit de la concurrence, du travail et de l’environnement. En juin 2021, elle avait été nommée Temporary District Magistrate. Elle est actuellement magistrate au tribunal de Port-Louis après un passage au tribunal de Rose-Hill.

  • Son jugement phare

L’affaire Balaghee 
La magistrate Mayer a annulé la charge provisoire initiée par l’ICAC contre Kritanand Balaghee, arpenteur au sein du Sugar Insurance Fund Board, pour abus et retard excessif, thèse de la défense. Presque cinq ans se sont écoulés depuis les faits en 2018, sans que l’enquête ne puisse être complétée et que le dossier ne soit transmis au bureau du DPP. Cette incapacité à boucler un dossier est d’autant plus troublante qu’il y a eu une Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur la question et que les conclusions probantes du Fact Finding Committee Domah sont à l’ICAC depuis août 2019. Excédée par le long retard pris par l’ICAC et la demande d’un délai de deux mois supplémentaires pour boucler l’enquête, la magistrate Mayer n’a eu d’autre choix que d’accéder à la demande de l’arpenteur.


Bibi Zaynah Essop: pour les droits des enfants

Bibi Zaynah Essop a été scolarisée au collège Lorette de Port-Louis. Elle a fait ses études de droit à l’université de Greenwich et à l’Inns of Court School of Law. Détentrice d’un LLB Hons, la magistrate Essop a rejoint le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) comme State Counsel en 2010. De 2017 à 2021, elle a agi comme Senior State Counsel au bureau de l’Attorney General avant d’être nommée magistrate à la cour intermédiaire. Avec la création de la Children’s Court, elle y a été transférée pour se charger des dossiers des enfants et des mineurs. Depuis et en rendant des jugements exemplaires, la magistrate Essop s’assure que la justice est rendue et que les droits des enfants sont respectés. La magistrate Essop, une passionnée de pâtisserie, détient aussi un diplôme professionnel CCP Pâtisserie de l’Institut Escofier Île Maurice.

  • Son jugement phare

Cinq ans d’emprisonnement pour une baby-sitter 
Le 8 juin, une baby-sitter a été condamnée à cinq ans de prison par la magistrate Essop. Elle a été trouvée coupable de «causing a child to be sexually abused», en violation des sections 14 et 18 de la Child Protection Act et d’avoir pris des photos indécentes de deux enfants dont elle avait la responsabilité. Dans la sentence prononcée, la magistrate Essop a fait ressortir qu’un terme d’emprisonnement est nécessaire dans ce cas pour que la nounou réalise la gravité du délit commis.


Shavina Jugnauth: une magistrate qui ne se laisse pas intimider

La Senior District Magistrate (SDM) Shavina Jugnauth est la fille d’Ashok Jugnauth. Après ses études en Angleterre, elle est retournée au pays pour exercer dans le privé avant de rejoindre le Parquet. Elle a été promue Senior District Magistrate en 2020. En janvier 2022, la SDM Shavina Jugnauth a été envoyée au tribunal de Port-Louis (Division II). Elle a présidé l’audience relative à la demande d’extradition de Franklin et de Nono devant le tribunal de Port-Louis. Elle avait rejeté la demande des avocats de Franklin pour qu’elle se récuse dans cette affaire. Shavina Jugnauth siège aussi dans l’affaire de Raquel Jolicoeur et devra bientôt prendre position par rapport à sa demande de radiation des charges provisoires. Elle a présidé les travaux de l’enquête judiciaire pour faire lumière sur le décès du jockey Nooresh Juglall.


Magali Lambert-Henry: la liberté à tout prix

Magali Lambert-Henry, State Counsel au State Law Office, a été nommée magistrate en janvier 2016. Elle a sillonné les cours de district de l’île et a siégé pendant longtemps au tribunal de Mapou. Elle est connue comme une magistrate «très juste» et qui ne prive pas la liberté à un détenu pour une peccadille. Dans la majorité des cas présentés devant elle, elle accède aux demandes de remise en liberté provisoire. Magali Lambert-Henry était Returning Officer en 2019 dans la circonscription La Caverne/Phoenix (No 15).


Azna Bibi Bholah: discrète mais efficace

<p style="text-align:center"><img alt="" height="300" src="/sites/lexpress/files/images/azna_bibi_bholah.jpg" width="302" /></p>

«On ne l’avait jamais vue dans la profession jusqu’au jour où on devrait comparaitre comme avocat pour notre client pendant le Covid-19. Avec son masque, on ne pouvait pas l’identifier non plus mais elle est très juste lorsqu’elle préside des séances en cour de district de Port-Louis», raconte un avocat de carrière à l’express à propos de la magistrate Azna Bibi Bholah. Celle-ci a siégé pendant plus de deux ans au tribunal de Port-Louis. Elle a fait son pupillage à l’étude de Mᵉ Gavin Glover avant de pratiquer un peu dans le privé. Par la suite, elle a été Judicial Assistant en Cour suprême où son travail consistait à aider les juges dans leurs recherches avant qu’ils ne rendent un jugement. «Elle est très appliquée dans son travail», déclare un autre avocat affecté à l’étude d’un Senior Counsel. 

Toutefois, la magistrate Bholah a donné son ruling dans le cadre de l’affaire sur l’achat controversé d’un million de pilules de Molnupiravir par le ministère de la Santé pour un montant de Rs 79, 84 millions en rayant l’accusation provisoire de «public official using his office for gratification» qui pesait sur le Principal Pharmacist Brijendrasingh Naeck. 

Dans son jugement du 25 mai, elle a tenu à souligner les lacunes dans le témoignage de l’enquêteur de la commission anti-corruption. «Ce qui est le plus choquant, d’après le témoignage de l’enquêteur, c’est son affirmation à l’effet que la plupart des officiers supérieurs du ministère sont si peu qualifiés qu’ils ne peuvent faire la distinction entre un Panadol et un Molnupiravir et n’ont aucun moyen de vérification mais ce sont ces mêmes personnes qui sont à la tête du ministère qui ont pu approuver l’achat de médicaments pendant une période critique dans le monde, à savoir la pandémie du Covid-19, à un moment où le taux de mortalité était alarmant», fustige-t-elle. Elle a ajouté que l’ICAC s’est lancée dans une fishing expedition sur la base d’un simple soupçon. 

Une autre affaire qu’elle a été appelée à trancher est celle sur la fraude entourant un contrat de fils de cuivre d’un demi-milliard de roupies au préjudice de Mauritius Telecom. Avec pour résultat qu’elle a rejeté le dépôt d’accusation contre trois Indiens en mai accusés provisoirement d’avoir ourdi un complot dans une affaire de fraude d’un demi-milliard de roupies au préjudice de MT. Tout cela s’est fait sans arrestation.


Kevin Moorghen: familier aux rouages de la défense

Kevin Moorghen, Senior District Magistrate en cour intermédiaire, s’est aussi taillé une réputation de magistrat strict. Étudiant au collège du St Esprit, il a fait son pupillage chez sir Hamid Moollan, Queen’s Counsel, avant de prêter serment comme avocat. Ce quadragénaire a été nommé magistrat en 2008 par la JLSC et a siégé à la magistrature de Rose-Hill. «Il intervient s’il estime que le suspect ou l’accusé ou même un témoin, n’est pas cohérent dans sa version», confie un interlocuteur. Kevin Moorghen, est celui qui avait jugé le chanteur Patrice Kevin Dina, plus connu comme Sky to Be. Celui-ci a écopé de deux ans de prison dans une affaire de vol perpétré à la station-service Shell à Roche-Bois, le 2 mars 2019. Le magistrat Moorghen qui siégeait en cour de district de Port-Louis, a estimé qu’une «custodial sentence meets the ends of justice.» Un membre du barreau le considère comme l’un des meilleurs magistrats et les plus expérimentés en matière de défense. «Ce n’est pas celui qui a rejoint la magistrature par défaut comme certains jeunes d’aujourd’hui, qui sachant qu’ils n’ont pas d’avenir au barreau, rejoignent la magistrature. Kevin Moorghen, qui a travaillé pendant plus de quatre ans dans le privé, connait les rouages dans la défense. He is well-trained», précise un homme de loi.
 

Comment on devient magistrat
C’est la «Judicial and Legal Service commission» (JLSC) qui est responsable du recrutement des magistrats. Un avis d’embauche est publié dans la presse par la commission, invitant des candidats à postuler. La commission est présidée par le chef juge et a comme membres deux autres juges, ainsi que le président de la Public Service Commission (PSC). 

<p><strong>Mais dans le passé c&rsquo;est le chef juge qui choisissait les avocats, qu&rsquo;il jugeait aptes à sieger comme magistrats. Ensuite, ils sont interviewés par la JLSC avant d&rsquo;être embauchés.&nbsp;</strong></p>

<p><strong>Les avocats ayant deux ans de pratique dans le privé ou dans le public sont habilités à faire acte de candidature pour être magistrats. Ils doivent au préalable être détenteur de diplômes légaux ou d&rsquo;un LLB.&nbsp;</strong></p>

<p><strong>Ils sont soumis à une interview par la JLSC. D&rsquo;après la Constitution, cette commission détient les pouvoirs de recuter les meilleurs candidats qualifiés. Dans un premier temps, ceux ou celles qui ont été choisis comme magistrats, seront embauchés, à titre temporaire, en attendant d&rsquo;être employés. Les nouveaux magistats seront ensuite affectés dans divers tribunaux du pays.</strong></p>


Les cours de district restent submergées de dossiers
C’est un des piliers de la démocratie et pourtant la justice est quasiment absente des débats politiques. Audiences renvoyées, magistrats débordés et procès renvoyés, une situation qui dure depuis des années et on ne peut que constater la saturation du service de l’audiencement en termes de programmation des audiences et du nombre de dossiers. Les cours de district comptent normalement deux magistrats mais il se peut qu’il n’y ait qu’un seul pour assurer tout le travail. Rien qu’au pénal, en un jour, plus d’une vingtaine de procès sont fixés. Mais au final, il n’y a que deux ou trois cas qui seront entendus car le.la magistrat.e ne peut siéger sur plusieurs affaires en même temps. Du coup, les affaires courantes ne sont pas jugées avant un an sauf si elle est d’intérêt public comme nombre de high profile cases. Il importe de souligner que pour accommoder ces affaires urgentes, les tribunaux doivent, une fois de plus, sacrifier les autres procès, qui étaient déjà sur liste d’attente. 

Au tribunal, les accusés ont maintes fois exprimé leur ras-le-bol face à ces affaires qui durent depuis des années. «À chaque fois, on prend un jour de congé au travail pour aller en cour. On attend plus d’une heure pour finalement apprendre que l’affaire sera renvoyée. Cela peut durer des années», dit l’un d’entre eux. Pour d’autres, c’est pire encore car depuis que les accusations provisoires ont été logées, l’affaire n’a toujours pas été prise sur le fond depuis des années. 

Mais comment multiplier les audiences dans un système où les effectifs ne sont pas multiples ? Les magistrats, qui essaient tant bien que mal de gérer, concèdent que la seule solution parfois à l’engorgement, c’est le report. Ils savent qu’ils ne peuvent tout juger. «Il faut les reporter à une date ultérieure. Mais même cela ne se fait pas en une seconde. Car dans les dossiers où le prévenu est en détention provisoire, il y a une question majeure à trancher: le maintenons-nous en prison en attendant la future audience ou pas?», souligne un magistrat. Même si c’est incomparable, c’est aussi un coup dur pour les avocats arrivés avec leurs arguments affûtés et qui repartent sans avoir enfilé leur toge ou si peu. Les prévenus eux-mêmes sont parfois amers à l’annonce de tels renvois. Le ministre des Finances a annoncé dans le Budget le recrutement de 14 nouveaux magistrats. Ce nombre serait-il suffisant pour résoudre le problème d’engorgement dans les tribunaux ? Le sentiment est que clairement, l’institution paupérisée et surchargée résiste grâce à la patience des justiciables et au dévouement de ses agents. Mais jusqu’à quand ?
 

Ces magistrats devenus politiciens
Comme chacun d’entre nous, les magistrats ont aussi des opinions, des sensibilités, des affinités politiques et certains n’ont pas hésité à sauter le pas. Quelques magistrats ont franchi la frontière entre justice et politique : certains sans trop de regrets car parmi les anciens magistrats, il y a eu des ministres et un chef de gouvernement. Listons quelques-uns de ces magistrats devenus politiciens…

<p><strong>Sir Anerood Jugnauth : </strong>Sir Anerood Jugnauth a été le premier magistrat mauricien à faire de la politique alors que le pays n&rsquo;avait même pas accédé à l&rsquo;indépendance. En 1964, Sir Anerood Jugnauth est élu président du conseil de village de Palma. L&rsquo;année précédente, il avait été élu pour la première fois au Parlement en tant que candidat de l&rsquo;<em>Independent Forward Block </em>dans la circonscription de Rivière-du-Rempart. Il a été magistrat peu de temps après sa démission en 1966. En 1969, il a été promu au <em>Crown Law Office</em> et en 1971, il a été nommé <em>Senior Crown Counsel.&nbsp;</em></p>

<p><strong>Maneesh Gobin : </strong>Avant de faire son entrée en politique en 2014, l&rsquo;<em>Attorney General</em> Maneesh Gobin a fait plusieurs années à la magistrature. De 1999 à 2008, il a été district magistrate et senior district magistrate avant d&rsquo;exercer dans le privé. En 2009, il était déjà très proche du Mouvement socialiste militant (MSM). Maneesh Gobin est devenu membre du Parlement pour la première fois, après avoir été élu en tête de liste dans la circonscription de Rivière-des-Anguilles/Souillac (N&deg;13), le 22 décembre 2014.&nbsp;</p>

<p><strong>Soodesh Callychurn : </strong>Soodesh Callychurn avait démissionné de son poste de magistrat au tribunal de Port-Louis en septembre 2014 pour prendre part aux élections générales. L&rsquo;ex-magistrat s&rsquo;était joint au MSM pour lancer sa carrière politique cette année-là, après plus de cinq ans passés à la magistrature. Il a d&rsquo;ailleurs affronté le Premier ministre d&rsquo;alors, Navin Ramgoolam, dans la circonscription de Pamplemousse/Triolet (N&deg;5), sous la bannière orange.</p>

<p><strong>Raj Pentiah : </strong>Raj Pentiah, auparavant en poste au tribunal de Flacq, a démissionné comme <em>Senior District Magistrate</em> en 2014 pour prendre part aux élections générales. Il s&rsquo;était porte candidat du PTr dans la circonscription de Vieux-Grand-Port/Rose-Belle (N&deg;11). Candidat battu de l&rsquo;alliance PTr-MMM aux élections de 2014 et privé d&rsquo;investiture aux élections de 2019, Raj Pentiah a démissionné du PTr pour faire de la politique en tant que candidat indépendant. Il est retourné à la pratique privée depuis.&nbsp;</p>

<p><strong>Satish Faugoo : </strong>Satish Faugoo était magistrat lorsqu&rsquo;il a démissionné en mars 1998 pour se présenter comme candidat du PTr à l&rsquo;élection partielle d&rsquo;avril de la même année à Flacq/Bon Accueil (N&deg;9), scrutin qui avait été rendu obligatoire en raison du décès de Gian Nath. Élu avec 14 000 voix en raison de la division des votes dans l&rsquo;opposition entre sir Anerood Jugnauth et Madan Dulloo, il a aussitôt été fait ministre du Logement, poste qui lui a valu pas mal de critiques et de dénonciations au point que, lors d&rsquo;un remaniement, il a été muté au ministère du Travail et de l&rsquo;emploi. Satish Faugoo a été <em>Attorney General</em> par intérim a au moins 20 reprises.</p>


Les femmes en force dans le judiciaire et la magistrature
Les femmes sont en force dans le judiciaire et la magistrature. La Cour suprême compte 24 juges, y compris la cheffe juge Bibi Rehana Mungly-Gulbul. Dans le budget 2023/24, deux nouveaux postes de juges sont prévus. 

Parmi les 24 juges, il y a sept hommes et 17 femmes. En sus de la cheffe juge, il y a la «Senior Puisne Judge» (SPJ) Nirmala Devat et les juges Rita Teeluck, Aruna Devi Narain, Gaitree Jugessur-Manna, Veronique Kwok, Shameen Hamuth-Laulloo, Karuna Devi Gunesh-Balaghee, Renuka Devi Dabee, Raatna Seetohul-Toolsee, Johan Moutou-Leckning, Mary Jane Lau Yuk Poon, Mohanasundary Naidoo, Prameeta Devi Chittoo, Carol Green-Jokhoo, Sulakshna Beekarry-Sunassee et Sarita Bissoonauth. Sans oublier que l’«acting Master and Registrar» s’appelle Wendy Vinalini Rangan. Au sein de la magistrature, il y a 42 magistrates contre 18 magistrats. La présidente de la cour intermédiaire par intérim, côte criminel, est Mᵉ Ida Dookhy Rambarun. Mᵉ Darshana Devi Gayan occupe la présidence par intérim de la Financial Crimes Division tandis que la présidence par intérim de la Children’s Court a été confiée à Mᵉ Rehnu Karuna Gowry-Bhurrut. Mᵉ Meenakshi Gayan-Jaulimsing est la présidente par intérim de la cour industrielle. La vice-présidente de la cour industrielle se nomme Mᵉ Sheila Devi Bonomally. Mᵉ Nadjiya Dauhoo est la vice-présidente de la cour industrielle, côté civil, tandis que la vice-présidente par intérim de la cour intermédiaire, côté criminel, est Mᵉ Shefali Ganoo-Arekion.


Kevin Rangasamy: un sens de l’écoute et un esprit d’analyse

<p style="text-align:center"><img alt="" height="400" src="/sites/lexpress/files/images/kevin_rangasamy.jpg" width="274" /></p>

<p><em>&laquo;Voilà un autre magistrat qui a gagné en maturité de par son vécu, son âge et son expérience. Et cela, contrairement à ceux n&rsquo;ayant que deux ans d&rsquo;expérience au barreau. Il sait se mettre à l&rsquo;écoute, sait faire une bonne analyse avant de rendre son verdict.&raquo;</em> Propos d&rsquo;un avocat qui estime que, quand on a atteint un certain âge, on acquiert de l&rsquo;expérience et que tel est le cas pour le magistrat Rangasamy, qui a fait ses études secondaires au collège du St Esprit avant d&rsquo;aller étudier et obtenir son LLB à l&rsquo;université de London et faire son Bar à la Northumbria University. Il a prêté serment en 2006 au Middle Temple avant de faire de même à Maurice en 2010. Il a fait de la pratique privée pendant un certain temps avant de rejoindre le bureau du DPP. Il a ensuite commencé à siéger à la magistrature de Pamplemousses en 2019, de même qu&rsquo;à Port-Louis avant de devenir magistrat en cour intermédiaire.&nbsp;</p>

<p>Le 9 juin, à la <em>Financial Crime Division</em> de la cour intermédiaire, il a prononcé un non-lieu sur Noorhossen Ramoly, connu comme Khalil Ramoly, qui était confronté à des accusations de<em> &laquo;bribing public official.&raquo;</em> Le magistrat Rangasamy a relevé plusieurs lacunes dans l&rsquo;enquête de l&rsquo;ICAC, notamment l&rsquo;absence d&rsquo;identification du témoin-clé. En raison du manque de preuves, il a prononcé un verdict d&rsquo;acquittement. La commission anti-corruption reprochait à Khalil Ramoly d&rsquo;avoir gratuitement mis une voiture de location à la disposition d&rsquo;un gardien de prison en échange de certaines facilités et de largesses accordées à Siddick Islam, alors détenu à la prison de haute sécurité à Melrose.</p>


 

Judicial and Legal Service Commission: plusieurs promotions et transferts effectués

La Judicial and Legal Service Commission (JLSC) a siégé hier. La commission a procédé à plusieurs promotions et transferts au niveau des bureaux du Directeur des poursuites publiques (DPP) et de l’Attorney General (AGO) et aussi parmi les magistrats de la cour intermédiaire. Ainsi, le magistrat Vignesh Ellayah, qui avait refusé de signer le mandat de perquisition sollicité par l’assistant surintendant de police Ashik Jagai pour perquisitionner la demeure de la belle-mère de Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry, sera muté au bureau du DPP à compter du 30 juin. Ce magistrat est le frère de Danesh Ellayah, ciblé par l’enquête de la Special Striking Team dans l’affaire cuivre. Mᵉ Yusra Nathire Beebeejaun, qui était affectée au bureau du DPP, siègera désormais en cour intermédiaire. Idem pour Varsha Biefun et Darren Balluck de l’AGO, qui siègeront en cour intermédiaire. 

Rishan Chineah a été promu acting Senior District Magistrate. Les magistrates Asha Sungkur-Daby et Prakashinee Punchu de la Bail and Remand Court ont été mutées à l’AGO. Le Senior State Counsel Nirmal Meetook rejoindra ses confrères/consoeurs en cour intermédiaire. Par contre, Kevin Moorghen de cette instance judiciaire, rejoint le bureau du DPP, avec la nomination des deux State Counsels Roshan Santokhee et Nataraj Muneesamy comme Assistant Acting DPP. 

L’ancienne magistrate Meenakshi Bhogun, Principal State Counsel à l’AGO, fait son come-back au bureau du DPP avec Karishma Mohundin comme collègue. Magalie Lambert-Henry rejoint la cour intermédiaire. Manjula Bhoojharuth, du bureau du DPP, a été transférée en tant que Principal State Counsel (PSC) à l’AGO. Pranay Sewpal retourne à la magistrature de la cour intermédiaire. La State Senior Counsel Divi Sewpal a été nommée PSC à l’AGO. Mᵉ Ashwina Jalloo travaillera dans le même bureau. Pooja Autar-Callichurn, l’épouse du ministre du Travail Soodesh Callichurn, agira comme acting Senior State Counsel à l’AGO. Les magistrates Ashwina Jalloo et Ranjeeta Rajcoomarsing rejoignent aussi ce bureau.