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[Dossier] Après les révélations de Raj Moonisamy: Séisme sur la piste !
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[Dossier] Après les révélations de Raj Moonisamy: Séisme sur la piste !
L’affaire fait grand bruit depuis la semaine dernière. L’ancien auditeur et assistant-trésorier de l’Association mauricienne d’athlétisme (AMA), Raj Moonisamy, n’y est pas allé de main morte en accusant formellement Vivian Gungaram d’être partie prenante de cette affaire de détournement de fonds sur les comptes de l’AMA. Dans l’entretien qu’il a accordé à notre journaliste, Raj Moonisamy soutien qu’«il y a encore des cadavres dans les placards».
- «…Si l’on prend le cas des licences, j’ai noté que plusieurs institutions avaient payé pour les licences alors qu’elles ne sont clairement pas concernées par cela.»
- «…comment peut-on verser l’argent du COCAAS sur un compte qui n’est pas censé exister ?»
Déposition au CCID
Quatre heures d’explication pour Paramasiven Sammynaden
Dans le cadre de l’enquête pour détournement de fonds des caisses de l’Association mauricienne d’athlétisme, le président de la fédération, Paramasiven Sammynaden, a déposé une plainte au CCID le vendredi 30 juin.«Mon rendez-vous était tôt le matin et j’y ai passé près de quatre heures car il y avait beaucoup d’explications et de précisions à apporter. Assisté de mon homme de loi, j’ai pu faire le nécessaire et l’enquête suit désormais son cours.»
S’il n’a pas voulu s’aventurer davantage sur l’enquête (qui suit son cours), le président de l’AMA a tout de même confirmé la réception du courriel de Raj Moonisamy qui a saisi le ministère des Sports et World Athletics concernant la fraude survenue sur le compte du COCAAS (comité organisateur des championnats d’Afrique d’athlétisme seniors 2022).
La police, de son côté, compte faire une demande auprès de la banque MCB pour avoir plus de détails sur les comptes bancaires de l’AMA et les différents retraits effectués. Et pour pouvoir y avoir accès, elle devra toutefois avoir une autorisation en cour.
Affaire à suivre…
Raj Moonisamy:«Vivian Gungaram est partie prenante de cette fraude»
Le docteur en finances Raj Moonisamy mène depuis plusieurs mois un combat sans relâche pour laver l’image de l’athlétisme mauricien. Une image qui semblait propre aux yeux de beaucoup mais qui a été ternie par une affaire de détournement de fonds sur les comptes de l’Association mauricienne d’athlétisme (AMA). L’ex-auditeur et assistant-trésorier de la fédération ne cache pas qu’il y a encore des cadavres dans les placards.
De 2006 à 2022, vous avez agi en tant qu’auditeur de l’Association mauricienne d’athlétisme. En mars 2021, vous aviez même été élu au sein du comité directeur en tant qu’assistant-trésorier alors que Claude Duval agissait en tant que trésorier. Comment se fait-il que vous n’ayez rien vu de ces fraudes durant toutes ces années ?
Les nombres et les fraudes, ça peut facilement être caché ! Même moi qui suis un expertcomptable, je n’ai rien vu durant toutes ces années. Il y a tout un mécanisme qu’il a mis en place et il a su contourner le système. Il a monté un bilan financier où tout semblait correct avec des rentrées et des sorties d’argent en bonne et due forme.
Tout a commencé par une simple incohérence au niveau des licences des clubs. En faisant le bilan financier, ce fut la providence qui m’a permis de découvrir cette affaire. Il faut tout d’abord savoir que j’étais l’auditeur de la fédération depuis 2006 mais pour la période de 2022, on m’a fait savoir que je n’étais plus l’auditeur. Je n’étais pas contre cette décision car lors d’une réunion, on a soulevé ce point pour dire que cela causerait un conflit d’intérêts vu ma position au sein du comité directeur.
Claude m’avait déjà remis les documents de la fédération en pensant tout comme moi que j’allais m’occuper de l’audit. En prenant connaissance de cela, j’ai décidé de remettre les documents à la personne concernée. J’avais déjà commencé à travailler sur les documents, dont j’ai gardé les photos sur mon portable, et j’ai constaté que beaucoup de choses clochaient notamment pour les licences et l’affiliation des clubs.
Je tiens à préciser que j’avais pris la décision de démissionner de mon poste d’assistant-trésorier à partir du 20 janvier afin de préserver mon intégrité professionnelle. De par les circonstances, je me suis retrouvé dans un cas de détournement de fonds où quelqu’un savait que je ne devais pas payer la pension d’une dame.
Quels étaient donc les problèmes liés à ces deux items ?
Si l’on prend le cas des licences, j’ai noté que plusieurs institutions avaient payé pour les licences alors qu’elles ne sont clairement pas concernées par cela. Il y avait, entre autres, cinq institutions douteuses avec des frais de Rs 43 450. Pour les frais d’affiliation, il devait y avoir un montant de Rs 35 000 soit Rs 1 000 par club mais il n’y avait que Rs 9 000.
Lors de l’assemblée générale du 27 mai, j’avais fait comprendre qu’il y avait des magouilles là-dessus et j’avais même donné un préavis d’une semaine pour répondre aux questions liées à ces deux items. Le trésorier ne semblait pas comprendre de quoi je parlais et l’AG fut ajournée à une semaine plus tard (3 juin) où il devait donner des explications.
Dans le secteur financier, on appelle cela une «misclassification of items», ce qui est intentionnel et frauduleux. Il y a eu une tentative ridicule de cacher le fait qu’il avait empoché cet argent-là en produisant un document concernant la location du stade. Il a essayé de noyer le poisson ! Le comble est venu pour les frais d’affiliation. Il a fait ressortir que seulement neuf clubs avaient payé alors que les 26 autres clubs ne l’avaient pas fait. Ce à quoi les représentants des clubs régionaux ont réfuté.
En fait, il aurait pris les Rs 26 000 qui appartenaient aux clubs pour les mettre dans sa poche et a essayé de camoufler cela sur le bilan financier en prenant la même somme sur ce que l’un des sponsors avaient donné à la fédération. Ce n’est qu’après qu’il a avoué avoir pris la somme de Rs 170 000.
Ces Rs 170 000 ne semblaient qu’être le sommet de l’iceberg puisque lors de l’AG du 25 juin, un compte de l’AMA, censé être inactif, allait être découvert…
Comme je l’ai dit avant, je découvre tout cela par hasard. Etant secrétaire du comité régional de Flacq, je reçois une copie d’un courriel envoyé par le président aux centres régionaux d’entraînement (RTC) avant l’AG du 25 juin. Il s’agissait d’un transfert de Rs 150 000 pour les équipements censés revenir aux RTC. Me souvenant du rapport financier de 2022, je réalise que j’ai vu cette transaction partir sur un des comptes de la fédération.
A ce moment-là, j’ai seulement le numéro de compte pour pouvoir l’identifier. Après une transaction via l’application Juice et une petite investigation auprès de la MCB, on finit par découvrir que c’est le compte du stade de l’AMA et que celui-ci devait être fermé depuis mars 2021.
Or, le compte est resté actif avec des rentrées et sorties d’argent. Vivian Gungaram étant cosignataire de tous les comptes de la fédération, je l’ai questionné sur cela lors de l’AG du 25 juin. Il est partie prenante de cette fraude et je lui ai même demandé de «step down» tout de suite. Le lendemain, il est venu dire devant la presse qu’il n’était pas au courant de cela et qu’il a signé aveuglément…
Vous ne semblez pas le croire…
…comment se fait-il qu’il puisse signer tout ce qu’on lui présente sans qu’il vérifie ce que c’est ? Il faut d’ailleurs signer deux fois sur un cash cheque, recto-verso, pour pouvoir l’encaisser à la banque. C’est difficile à croire quand l’on constate les sommes qui ont été retirées, et cela à maintes reprises, sur ce compte.
Aviez-vous déjà pris des mesures légales dans cette affaire ?
Effectivement, le 21 juin, je suis parti faire une déposition au CCID. Dans une de mes lettres, j’ai écrit concernant les Rs 170 000 aux délégués de la fédération. Je leur ai dit qu’avant le dimanche 18 juin, que l’on vienne pour laver notre linge sale ensemble. Que ceux qui étaient impliqués s’avancent et qu’on sache comment ils vont faire pour rembourser cet argent. Personne ne s’est manifesté ! J’en ai conclu que j’avais le champ libre pour aller de l’avant et dévoiler ce qui se passait.
Dans sa lettre de démission, Claude Duval précisait qu’il avait passé 24 ans en tant que trésorier de la fédération. Pensez-vous qu’il puisse y avoir eu d’autres fraudes dans le passé ?
Tout porte à croire que le mécanisme existe depuis des années. Moi-même, j’ai des doutes sur les chiffres que Claude Duval m’a donnés durant ces dernières années. J’ai même évoqué des millions qui ont été pris dans mes lettres. J’ai d’ailleurs fait parvenir un courriel au ministère des sports et à World Athletics car il y a eu fraude sur le compte du COCAAS (comité organisateur des championnats d’Afrique d’athlétisme seniors 2022).
Dans le relevé bancaire que Vivian Gungaram avait fourni à la presse, on peut constater qu’une somme de Rs 156 934 provenant du COCAAS est partie sur ce compte du stade. A faire ressortir que Vivian avait dit que c’était le travail du trésorier de présenter ce compte à l’auditeur et cela n’a jamais été le cas. Le bureau de l’audit a d’ailleurs bien reproché le contrôle financier du COCAAS.
La question qui se pose, c’est comment peut-on verser l’argent du COCAAS sur un compte qui n’est pas supposé exister ? Aussi, on a mentionné quelque part que la fédération avait cinq comptes. A ma connaissance, la fédération a eu neuf comptes bancaires et pour la plupart d’entre eux, on n’a jamais su ce qu’il y a eu dessus.
«Tout a commencé par une simple incohérence au niveau des licences des clubs.»
A la fin de toute cette histoire, qu’attendez-vous de voir de la part des différents acteurs impliqués dans cette affaire ?
Il faut cesser le «one-man Show» ! Ce sont des valeurs universelles et comptables comme la transparence et l’intégrité qui doivent être mises en avant. Ils ont voulu donner l’impression d’être propres alors que ce n’est pas du tout le cas. J’ai dit à Claude lors de sa dernière assemblée comment il était courageux d’avoir avoué. Je n’attaque pas Claude l’humain mais celui qui a magouillé.
L’image de la fédération va certainement souffrir car elle dépend essentiellement du ministère des Sports, de World Athletics et des sponsors qui vont forcément mettre un pas en arrière vu qu’ils savent où leur argent est en train d’aller.
«…comment peut-on verser l’argent du COCAAS sur un compte qui n’est pas supposé exister ?»
Il y a beaucoup de gens de bonne volonté dans la fédération et c’est vrai que nous sommes coupables d’avoir fait confiance aveuglément. Pour ma part, je ne désire plus me présenter dans les assemblées et les réunions. Je vais aider comme je peux d’un point de vue financier. Je suis sûr que l’athlétisme renaîtra de ses cendres tel un phœnix.
Détournement de fonds allégué. Vivian Gungaram déjà visé en 2021
Dans le sillage du scandale financier qui frappe actuellement l’Association mauricienne d’athlétisme (AMA), il faut se rappeler que ce n’est pas la première fois que Vivian Gungaram se retrouve malgré lui au cœur d’une polémique ayant trait à l’argent. L’assistant-secrétaire de l’AMA avait été visé par une enquête de la CID de Rose-Hill en septembre 2021. Il avait été accusé de détournement de fonds. Il avait été placé en état d’arrestation avant d’être libéré sur parole. Il s’était présenté en cour de district de Rose-Hill et avait dû s’acquitter d’une caution de Rs 9 000.
Ces démêlés avaient pour toile de fond une plainte déposée par Hedley Han, secrétaire général du Comité olympique mauricien (COM). L’instance de Trianon avait reproché à l’AMA d’avoir détourné des fonds et d’avoir falsifié des documents. Ces deux délits auraient été commis peu avant les Jeux du Commonwealth de Gold Coast en 2018. A l’époque, la présidence de l’AMA était occupée par Vivian Gungaram.
Selon le COM, l’AMA aurait effectué une demande pour envoyer trois de ses athlètes en Afrique du Sud afin de peaufiner leur préparation en amont des Jeux du Com- monwealth (2018). L’AMA aurait demandé une aide financière à hauteur de Rs 60 000 au COM pour les besoins du stage. Dans sa plainte, le COM avait affirmé que le mon- tant demandé aurait ensuite connu une hausse, passant de ce fait à Rs 91 000 alors que dans le même temps, une des athlètes se serait par la suite désistée. Une informa- tion qui avait, du reste, été confirmée par le Passport and Immigration Office (PIO)
Vivian Gungaram : une page se tourne
Présenté comme l’homme fort de l’athlétisme mauricien durant ces dernières décennies, Vivian Gungaram s’apprête à vivre une fin de carrière difficile. De par sa position en tant que cosignataire des chèques de l’Association mauricienne d’athlétisme (AMA), Vivian Gungaram se retrouve en ligne de mire dans toute cette affaire qui remue cette fédération. Une situation qui le pousse à la retraite à compter du 9 juillet après avoir connu un riche parcours au sein de l’univers sportif.
A 78 ans, le natif d’Union Ducray a joué un rôle majeur dans l’histoire du sport mauricien depuis l’indépendance du pays en 1968. Il y a occupé toutes les fonctions, passant d’athlète à entraîneur puis à administrateur, à technicien jusqu’à atteindre le rôle de conférencier. Avant de se plonger pleinement dans le grand bain du monde sportif, Vivian Gungaram a connu une longue carrière dans la force policière. 33 ans de bons et loyaux services, période durant laquelle il fut responsable de l’entraînement physique et de la section sportive à la Special Mobile Force.
Exigeant envers ses protégés, l’ancien demi-fondeur spécialisé dans le 800m et le 1500m le fut autant envers sa personne. Ses meilleures performances étant 1’54.2 au 800m et 3’59.9 au 1500m, Vivian Gungaram fut le premier Mauricien à avoir couru le 1500m sous les 4 minutes en exactement 3’59.9. Un chrono réalisé le 20 octobre 1976 au stade de Rose-Hill.
En tant qu’athlète, Vivian Gungaram a côtoyé les sommets de sa discipline, ayant été un membre incontournable des différentes équipes nationales de 1965 à 1978. Il prit part à deux éditions des Jeux du Commonwealth, à Edimbourg en 1970 et à Christchurch quatre ans plus tard. A chaque fois, il sera éliminé au 1er tour du 800m.
Afin de maîtriser son sujet, il suivit une formation d’entraîneur à l’INSEP de Paris et à l’Université des Sports de Baden-Baden en Allemagne. Il devint par la suite entraîneur de sprint et des haies de 1979 à 1988 et passa juge technique international de 1989 à 2009. De 1994 à ce jour, il a été conférencier de l’IAAF, aujourd’hui World Athletics, pour la formation des juges techniques de Niveau 1 et de Niveau 2. Entraîneur et portedrapeau de l’équipe mauricienne aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, Vivian Gungaram marqua l’histoire en faisant partie de la délégation nationale qui s’alignait pour la première fois aux Jeux olympiques.
Cheville ouvrière des championnats d’Afrique 2022
Son statut évolua au fil des années et son savoirfaire ainsi que son expertise lui ouvrirent les portes vers d’autres horizons. Il fut ainsi élu membre du comité technique de l’IAAF de 1999 à 2007 et siégea comme représentant africain au Conseil de l’IAAF une dizaine d’années plus tard. Il gravit les échelons africains en devenant 1er viceprésident de la Confédération africaine d’athlétisme (CAA).
Membre à part entière de l’Association mauricienne d’athlétisme depuis sa naissance en 1984, Vivian Gungaram a aussi soutenu le mouvement olympique durant sa longue carrière. Il occupe notamment le poste de secrétaire général du Comité olympique mauricien de 2008 à 2017.
Après des Jeux des îles de l’océan Indien réussis sur le sol mauricien en 2019, Vivian Gungaram vit son départ à la retraite être repoussé en raison de la pandémie. Rester pour relancer la machine après la période Covid, ses bonnes relations avec la CAA permirent à Maurice d’accueillir les 22es Championnats d’Afrique d’athlétisme qui eurent lieu à Côte-d’Or en juillet 2022.
Présent pour les deux éditions qui avaient eu lieu à Maurice, responsable de l’aspect technique et secrétaire de l’organisation en 1992 et chargé de gérer la commission technique en 2006, il occupa le poste de délégué technique de la Confédération africaine d’athlétisme l’an dernier à Côte-d’Or. Ses principales responsabilités consistaient à chapeauter toute la partie technique entourant les compétitions et d’être la passerelle entre la CAA et le comité organisateur.
En 2019, à la veille de la 10e édition des JIOI, Vivian Gungaram confiait dans nos colonnes qu’«il faut partir et il faut savoir partir». Dans quelques jours, le parcours de cet amoureux et passionné du sport s’achève et nul doute qu’il laisse derrière lui une trace importante du sport mauricien.
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