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Jacques Helary: «Je suis libre de dire que j’appartiens à la franc-maçonnerie, ce n’est ni honteux ni problématique»
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Jacques Helary: «Je suis libre de dire que j’appartiens à la franc-maçonnerie, ce n’est ni honteux ni problématique»
Dans le sillage des célébrations, les 8 et 9 juillet au Caudan Arts Centre, des 250e ans de l’appellation Grand Orient de France (GODF), nous avons rencontré Jacques Helary, Grand Maître Adjoint (Maçonnisme et Juridictions). Avec une délégation du GODF, il a lancé, hier, le «bouquet final» de cet anniversaire avec le volet mauricien, avec, entre autres, la conférence publique d’hier et un banquet républicain, ainsi qu’une exposition de tableaux et une projection de film qui sont toujours ouvertes au public, ce dimanche. Une médaille commémorative, spéciale 250 ans, a également été conçue à cette occasion historique.
Comment est né le Grand Orient de France ?
D’abord une petite précision, nous fêtons les 250 ans de notre appellation. C’est-àdire que l’avènement du Grand Orient de France date de 1728. Déjà naissait dès ce moment-là l’idée d’une forme de démocratie au sein de ce qui n’était pas encore une association puisque ce régime, en France, n’existait pas encore ; un attachement à la République, une démocratie, ce qui était une particularité pour la franc-maçonnerie telle qu’elle naissait. Ce n’est qu’en 1773 que les choses se sont formalisées. Nous travaillons sur des lieux que nous appelons des Orients, l’Orient de Paris, de Marseille, de l’île Maurice. Quand il y avait des loges issues de la maçonnerie anglaise au tout début, l’obédience s’appelait une Grande loge. Et nous nous sommes appelés un Grand Orient. Voilà pourquoi c’est ce nom qui a été pris en 1773 pour continuer et formaliser ce qui existait depuis 1723. (…)
Comment fonctionne l’obédience ?
Administrativement le GODF c’est une association, un régime des lois de 1901 en France, et nous fonctionnons avec les obligations et les possibilités que nous donnent ce régime associatif. Dans les obligations, il y a la clarté des comptes, la clarté des fonctionnements. C’est-à-dire que nos statuts sont déposés, nos comptes sont publiés chaque année. Au passage, nos seuls revenus disons associatifs sont les cotisations de nos membres. Aucun financement public, aucun financement privé non plus. Ce ne sont que les cotisations que nous versons chacun de nous à notre loge qui alimentent pour partie la trésorerie du GODF.
C’est quoi le GODF au quotidien ?
Nous allons commencer par ce que n’est pas le GODF. Ce n’est pas un parti politique ; ce n’est pas un syndicat, et ce n’est pas un think tank. Ce n’est pas non plus la réunion d’experts sur tel ou tel sujet. Ce sont des gens comme moi, comme vous, comme les gens qui nous lisent. Des gens du quotidien qui ont décidé, je vais employer un mot qui est un peu fort, de confronter leur idées, leurs visions des choses pour tenter d’en faire sortir une nouvelle idée de ce pourrait être fait, de ce qui doit être fait. Il y a eu de grands combats au fil des décennies et des siècles. Mais en fait, ce n’est pas un groupe de pression. Voilà ce que nous ne sommes pas. Nous nous réunissons, c’est un reproche un peu injuste qui nous est fait, en secret, mais en fait, ce n’est pas en secret. On sait quand ont lieu nos réunions. C’est publié à peu près partout et tout transpire aujourd’hui. C’est une très bonne chose. Ce qui est secret c’est quelques points. C’est d’abord l’appartenance d’un autre. Je suis libre de dire que je suis franc-maçon. Si je m’exprime aujourd’hui en tant que Grand maître adjoint du GODF, en lieu et place de notre Grand maître Georges Sérignac, il est évident que je révèle mon appartenance à la franc-maçonnerie et au GODF. Mais je n’aurais pas le droit dans un lieu autre qu’au sein de la franc-maçonnerie et de nos loges de dire que tel ou tel appartient à la franc-maçonnerie.
Ce n’est pas un parti politique ; ce n’est pas un syndicat, et ce n’est pas un think tank. Ce n’est pas non plus la réunion d’experts sur tel ou tel sujet.
Pourquoi cette obligation de secret alors ?
Tout simplement parce que, dans l’histoire, la franc-maçonnerie en général, et en particulier le GODF a subi des pressions dès sa création, des oppositions par les forces conservatrices, royalistes, anti-républicaines. Ce qui définit le mieux ce qu’est le GODF, c’est certaines phrases de nos opposants dès le début. Voilà aussi sur le secret parce que c’est aussi un fantasme qui circule. Nos comptes sont publiés. Je suis libre de dire que j’appartiens à la franc-maçonnerie. Ce n’est ni honteux ni problématique. Et puis il y a autre chose, c’est le secret des débats qui est attaché à la liberté que nous nous imposons. En fait, c’est comme dans toute association, toute entreprise, voire dans les corps d’État, nous rencontrons la même chose. Ça ne s’appelle pas le secret ailleurs, au sein du conseil d’État, de l’association des actionnaires d’une grande société. Ça ne s’appelle pas le secret ; ça s’appelle de la discrétion. Nous c’est pareil. Je suis libre en loge de dire ce que je veux. On a une façon de dire les choses qui nous permet d’aller plus loin dans la discussion et dans les choses. Donc, ce secret nous oblige à la liberté, donc à aller au bout des choses. Je peux pouvoir dire ce que je veux en loge, à partir du moment où je l’exprime comme il se doit, selon nos règles de travail, mais je suis sûr que rien ne sortira à l’extérieur. Donc en fait, la discrétion sur nos travaux internes.
Ceci dit, chaque année, la plupart de nos travaux sont publiés à travers les rapports sur ce qu’on appelle les questions-études des loges. Mais la teneur elle-même de mes propos en loge ne seront pas traduits in extenso, parce que d’abord, personne ne le fait. C’est une règle de vie de structures comme la nôtre et comme beaucoup d’autres. Et cette liberté que j’ai en loge m’oblige aussi à dire les choses de façon très mesurée. Je suis très en colère, je vais dire que je ne comprends pas ce qu’a dit un de mes frères ou une de mes sœurs. Il m’arrive aussi de ne pas les comprendre. Nous avons aussi une obligation de secret parce que nous avons été chahutés, voire persécutés jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et encore après, par ce que j’appelle les forces réactionnaires et certaines forces anti-républicaines. (…)
Amaresh Ramlugan est un Mauricien qui a été élu Conseiller de l’Ordre par la Région monde, d’une des 17 régions du GODF. La Région monde comprend les loges d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie. C’est une élection démocratique. Il est aussi Grand délégué aux loges d’Asie, du Pacifique et de l’océan Indien aux colloques et événements.
Georges Sérignac a tenu à préciser il y a peu qu’il n’est pas obligatoire pour un homme politique d’être franc-maçon. Pourquoi est-important de le préciser ?
Parce que nous sommes longtemps passés pour un groupe de pression. Il est vrai que sous notamment la IIIe République beaucoup de parlementaires étaient francs-maçons. Cette époque, aujourd’hui, est révolue. Est-ce qu’elle a été bénéfique, oui parce que le but de nos échanges en loge c’est construire, certains appellent cela une utopie, pourquoi pas, d’un monde meilleur, d’un monde plus éclairé, et cela, à chacun de nous de le ramener dans la société, individuellement. Moi, en tant qu’informaticien, et donc à avoir gérer des relations avec les personnes parce que derrière les ordinateurs, il y a d’abord les utilisateurs (…) Je sais que j’ai vécu autrement ma profession lorsque je créais des logiciels, j’avais une autre optique de la société des êtres vivants, du vivant qui était derrière son ordinateur C’est-à-dire que je me refusais à construire certains logiciels qui devaient pister, évaluer le travail de chacun. J’avais beaucoup de mal à créer certains logiciels. C’est un exemple de la mission de chacun c’est de ramener hors du temple l’enrichissement qu’il a connu en loge sur ses propres réflexions, sur sa vie, son positionnement. (…)
Revenons-en aux parlementaires francs-maçons…
On a donc, cette période très riche d’un Parlement fait de nombreux francs-maçons, pas seulement au GODF parce qu’à l’époque quasiment toutes les obédiences, et le GODF n’étaient pas forcément le plus engagée dans le sociétal à cette époque-là, les parlementaires ont ramené un certain nombre de choses. La loi des associations, la séparation des pouvoirs entre l’Église et l’État pour la France, etc. Et beaucoup plus tard encore dans le cadre de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, et encore aujourd’hui sur le développement durable. Chaque maçon a sa place dans la société. Et comme il y avait beaucoup de parlementaires francs-maçons, de toute obédience, ce travail a été possible. Mais ce n’est pas le rôle de masse d’une obédience maçonnique. Ce travail est individuel, en conscience, la conscience c’est d’abord individuel.
Donc aujourd’hui comme nous ne sommes pas un groupe de pression nous voulons aussi combattre cette image qui nous a été donnée. Je vais employer de grands mots, qui ont été beaucoup utilisés au milieu du siècle dernier, parce que nous ne faisons pas partie d’un complot anti-religieux, anti capitaliste, anti-gauche, anti-droite. Non, nous sommes une masse d’individus qui chacun réfléchit et essaye d’éclairer les choses. Donc, il est important pour nous dans le travail de communication de ce qu’est une obédience et ce qu’est le GODF de dire cela aujourd’hui. Et puis, certaines obédiences, e l l e s , c o n s i d è r e n t qu’aujourd’hui, peut-être que ça date du milieu du 20e siècle, toujours cette période de la Seconde Guerre mondiale et du régime scélérat de Pétain, qui nous a associés à un complot. Nous, judéo-maçonnique, ça ne nous pose aucun problème ; le problème, c’est le complot. Donc, cet amalgame. C’était vraiment une association caricaturale et ils l’ont bien appliquée, cette chose-là, qui leur a permis de faire taire les idées progressistes qui pouvaient déjà être nées en France à cette période et sont largement combattues. Donc, nous ne faisons pas partie d’un complot, ni antireligieux, encore moins antiétatique, surtout pas anti-républicain parce que nous sommes pour une République laïque absolue. Ça c’est un engagement ; ça fait partie de nos constitutions, ça oui, mais à titre individuel.
Nos statuts sont déposés, nos comptes sont publiés chaque année.
Pourquoi l’île Maurice a-t-elle été choisie comme ville de France pour les 250 ans du GODF ? Pourquoi pas La Réunion ?
Nous aurons des manifestations prochainement à La Réunion, moins formelles autour des 250 ans puisque nous nous associons aux 230 ans de l’appellation La Réunion qui seront fêtés prochainement. Les conclusions des travaux sur les 250 ans de l’appellation GODF, nous avons eu Lille, Lyon, Nantes, Toulouse, Nancy, Marseille, Bordeaux, Tours, entre autres, et dernièrement Paris. Nous avons voulu finir à Maurice, j’ai envie de dire, pour un bouquet final parce que d’abord, c’était pas Paris. C’est qu’un Conseil de l’Ordre, c’est des gens de toutes les régions et notamment la représentativité de l’île Maurice a toujours été défendue par notre ami Amaresh Ramlugan (voir hors-texte). Aujourd’hui, il n’est plus représentant de la seule île Maurice. Il l’a été et est fortement engagé, et là, il s’est proposé avec nos frères et sœurs de Maurice d’organiser ce bouquet final qu’on ne voulait pas parisianiste. L’idée d’arriver à ces conclusions sur un territoire où très tôt la maçonnerie et celle du GODF s’est installée dans ses nouvelles composantes de formes de travail, démocratiques et poussées sur certaines questions républicaines, au titre du symbole, c’était important de la finir ici.
Avec ces événements publics, beaucoup se demanderont : que fais-je si je veux être franc-maçon à Maurice ?
À Maurice, comme ailleurs. Je suis élu dans une des régions de Paris, la IV. Je reçois quotidiennement des candidatures qui ont été déposées sur le site. Mais si les gens de Maurice s’inscrivent sur le site et stipulent où ils vivent, parce qu’ils peuvent être Mauriciens et travailler ailleurs, ou l’inverse. En fonction de cela, c’est transmis aux représentants de la région géographique correspondante, qui est chargé d’attribuer cette candidature aux délégués du Conseil de l’Ordre de la région et lui est chargé de les transmettre aux loges. (…) Après contact est pris par le vénérable maître de la loge, c’est-à-dire le président de l’atelier locale la loge, et la se déroule une opération toute simple qui est de s’assurer de la convergence non pas de nos idées, mais de nos valeurs, parce qu’on ne fait pas rentrer que des francs-maçons en maçonnerie. Moi, quand je suis rentré, je n’étais pas franc-maçon ; j’étais profane. Donc, j’ai eu un contact avec mon vénérable maître qui s’est assuré que cela pourrait bien se passer et puis après, il y a des enquêtes, qui est un grand mot ; c’est un mot historique ou la vraiment, au début du 19e siècle, on faisait de vraies enquêtes locales, de moralité, etc. Là ce sont des échanges pour s’assurer que la loge va convenir au dit profane, au futur initié ou à la future initiée, et qu’il ou elle se sentira bien dans cet atelier-là. Ça joue aujourd’hui sur des choses évidemment réfléchies. (….) Être majeur, ne pas avoir de casier judiciaire, la partie publique. (…)
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