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L’histoire d’Adrien Travailleur: Zanfan cité, diplômé, infirmier
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L’histoire d’Adrien Travailleur: Zanfan cité, diplômé, infirmier
Il vient de Cité La Cure. Il veut guérir les gens, prendre soin de sa sœur autiste, et plaide pour des remèdes contre la stigmatisation. On lui a demandé de couper ses dreads ; ils n’ont pas réussi à avoir son scalp. Ce qui suit est le parcours d’un jeune homme qui a la tête sur les épaules.
Ses cheveux, sa barbichette et sa moustache aussi fine qu’une lame de rasoir ont eu affaire à la tondeuse du coiffeur récemment. Une boucle d’oreille discrète complète le look gentil-bad-boy-kros-35. Dans les yeux d’Adrien Travailleur, la fierté du boulot bien fait. Ce zanfan sité, qui habite à Résidence La Cure, a graduate le 12 juillet. Dans sa toge, aux côtés de ses parents, lors d’une cérémonie «remplie d’émotions», il avait l’allure de ceux qui font un pied de nez aux préjugés.
Déjà, sur les bancs de l’école primaire de la Salle RCA, puis derrière le pupitre du Bell-Village SSS, il avait une idée en tête. Celle d’enfiler la blouse d’infirmier. Comment a-t-il attrapé ce virus ? C’est l’envie d’aider, de prendre soin de sa grande sœur, âgée de 26 ans, qui est autiste. Mais aussi le fait de voir sa mère Nathalie «dan so liniform».
Le parcours du combattant commence en 2019 ; il s’inscrit à Polytechnics Mauritius pour un National Diploma in Nursing. Tout va bien jusqu’à ce que le Covid vienne asséner un coup de massue sur la tête de tout le monde, y compris la sienne. «Mo papa ki entreprener inn tom malad. Mo ti fatigé mantalman. Ti bien challenging…» Cependant, bosseur, Adrien Travailleur n’est pas de ceux qui baissent les bras. Encouragé, poussé par son mentor, Mike Halkooree – program leader – il remonte la pente plus vite qu’un alpiniste aguerri. Résultat : il décroche son diplôme haut la main et se retrouve dans le monde du travail en moins de temps qu’il n’en faut pour faire une piqûre.
Le placement dans des établissements le confronte à la dure réalité. Cela renforce pourtant ses convictions ; ce métier, il veut le faire avec passion. Le couloir du succès est parsemé d’aiguilles. «Mo ti gagn enn plas dan enn klinik kot banla ti pé dir mwa koup mo dreadlocks. Mo pa ti kontan zot fason pansé.» L’infirmieranesthésiste est attaché à ses cheveux, ses racines, ses convictions; il refuse que des ciseaux en viennent à bout.
Des portes se ferment, d’autres s’ouvrent, comme celle de La Clinique Bon Pasteur, où travaille également sa mère Nathalie. Là-bas, le directeur Nicolas Tadebois, le prend sous son aile et petit à petit, Adrien déploie les siennes. «Laba, mo kontan zot fason kozé, zot fason fer. Zot péna prézizé, zonn donn mwa mo sans…»
«Ena boukou ladrog dans sité»
Adrien a trouvé sa place. Qu’en est-il d’autres jeunes de sa cité ? Quand on évoque les idées reçues, il se rue – calmement – dans les brancards. «Gaspiyaz pou koz lorla. Bizin sanz sa bann mantalitéla.Pa bizin nou voil nou lafas, ena boukou ladrog dan sité, mé pas zis isi ki éna, éna sa partou. Kifer zis sité pas pou mouton nwar ?» De toute façon, il faut savoir pourquoi les gens se droguent, aller à la source pour guérir le mal. «Sé enn serk visié. Ti zanfan sité la, so paran drogé. Li pa gagn travay ou bien si li gagné osi, sé enn travay ki pa permet li avansé. Lerla li rétrouv li pé bizin trasé… Bizin ankadréman, bizin donn bann zenes zot sans…»
Aujourd’hui encore, les a priori ont la dent plus dure que les défenses d’un morse, les «ti lespri» sortent souvent les crocs. «Loréa pou ou kiété sa ? Nous mettons trop l’accent sur l’aspect académique. Noemi qui devient vice-championne du monde, n’est-elle pas une lauréate ? Les RocheBois Warriors qui remportent le championnat de basket, ces joueurs-là ne sont-ils pas des lauréats ?» Il faut démolir les perceptions archaïques, valoriser les accomplissements dans tous les domaines, plaide-t-il.
Ce qui attend Adrien dans un futur proche ? «Mo pou fer mo BSC.» Il tient d’ailleurs à lancer des remerciements. «Mo anvi rémersié gouvernman kinn fer lédikasion tertiaire vinn gratwi. Pou mo diplom, mo pann pey enn sou, zéro ! Apar enn frais administration Rs 5000 pour trois an mo krwar…»
De sa cité, la joie d’Adrien est palpable. Son sourire est d’autant plus large qu’il a vaincu les préconceptions. La cure, il l’a trouvée : la persévérance.
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