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Parlement: de mal en pis…
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Parlement: de mal en pis…
Le Parlement sera en vacances dès demain, à moins que le Premier ministre Pravind Jugnauth rappelle une dernière séance en fin de semaine. L’attitude du speaker, Sooroojdev Phokeer, est de plus en plus dénoncée, que ce soit par les membres de l’opposition ou par la société civile. D’aucuns affirment que c’est le pire Parlement que le pays ait connu depuis l’Indépendance. Suspensions, censures et restrictions sont devenues choses courantes.
Des suspensions à la pelle
Autrefois, la suspension d’un élu du peuple était le dernier recours. Cependant, depuis que Sooroojdev Phokeer a été nommé speaker, suspendre un député est chose courante. Sa prédécesseur, Maya Hanoomanjee, pourtant contestée par l’opposition, a appliqué très rarement cette sanction. D’ailleurs, c’est pour cette raison que quand Sooroojdev Phokeer a suspendu Paul Bérenger, Arvin Boolell, Rajesh Bhagwan et Shakeel Mohamed au début de leur nouveau mandat, les Mauriciens ont été choqués. Sur les 26 députés de l’opposition, 11 ont été suspendus au moins une fois, mais aucun député du gouvernement. Le dernier sanctionné n’est autre qu’Osman Mahomed, le député du Parti travailliste. C’était jeudi. «Je voulais juste que Stephan Toussaint retire ses allégations et des propos diffamatoires à mon encontre pour que cela ne soit pas répertorié dans le hansard. Le speaker a fait comprendre que le ministre n’a commis aucune offense malgré l’attaque contre ma réputation. Il a bafoué mon droit. Je pense qu’il y a un problème de speakership. Les standing orders m’autorisent à faire le nécessaire pour faire enlever les motifs imputés par le ministre.» Ce député a connu trois suspensions ces dernières semaines. Pour rappel, Arvin Boolell et Shakeel Mohamed jugent que le speaker a violé leur droit constitutionnel en les suspendant et l’affaire est en cour.
Des questions embarrassantes passent à la trappe
Sooroojdev Phokeer use des droits que lui confèrent les standing orders pour rejeter plusieurs questions ces dernières semaines. Toutefois, ce n’est pas nouveau. En 2021, Aadil Ameer Meea, le député du Mouvement militant mauricien (MMM), voulait savoir si la police avait enquêté sur la mort de Soopramanien Kistnen, mais la question a été rejetée. Toutefois, depuis quelque temps, le rejet de questions est plus habituel. Les questions d’Arvin Boolell, de Patrick Assirvaden et de Farhad Aumeer concernant les avocats et avoués engagés par la police n’ont pas été retenues. Les questions sur l’assistant surintendant Ashik Jagai et la Special Striking Team sont également passées à la trappe. Osman Mahomed avait déposé une question sur les ambassadeurs et hauts commissaires de Maurice rappelés au pays depuis l’an 2000 pour mauvaises conduites. La question a été jugée inadmissible. Une des raisons données par le bureau du speaker pour justifier cette décision est que les ambassadeurs jouissent de l’immunité diplomatique. Dans une lettre, Osman Mohamed a rappelé à Sooroojdev Phokeer que, le 12 décembre 2017, il y a eu une question au Parlement sur les allégations portées sur l’ancien ambassadeur Gunessee. Des questions sur l’ambassadeur Showkutally Soodhun, ou encore sur Prem Dongoor et Eshan Patel, alors ambassadeurs, ont été autorisées dans le passé. La députée du MMM, Joanna Bérenger, fera son retour au Parlement demain après plusieurs séances de suspensions. Toutefois, ses questions envoyées au bureau du clerk ont été rejetées. Le speaker explique qu’un parlementaire suspendu ne peut pas envoyer de questions. Or, Joanna Bérenger a rappelé qu’elle l’avait déjà fait dans le passé. Une explication de Sooroojdev Phokeer, faite au Parlement jeudi (voir encadré), ne l’a pas convaincue. «Je maintiens qu’il ne fait aucune référence à la ‘règle’, mais uniquement à l’exception. Il n’existe aucun standing order empêchant un(e) membre d’envoyer des questions parlementaires pendant qu’il/elle est suspendu(e), d’autant plus si la suspension prend fin avant le jour où les questions seront à l’agenda. Cela ne fait aucun sens d’empêcher un parlementaire de faire son travail en posant des questions si sa suspension a déjà prisfin ! Il parle des pratiques de la House of Commons quand ça l’arrange. Il devrait d’abord s’en inspirer pour mettre en pratique un arbitrage qui serait juste, raisonné et logique.»
Pas plus de deux questions supplémentaires
Une pratique en vigueur depuis quelque temps. Les députés qui ont déposé une question au bureau du clerk n’ont plus le droit de poser plus de deux questions supplémentaires. Plusieurs membres de l’opposition dénoncent cette pratique. Le député du MMM, Deven Nagalingum ajoute que, lui, il n’a eu droit qu’à une seule question supplémentaire. «Il y a eu une première fois et une deuxième fois. Je croyais à une coïncidence, mais cela s’est passé à quatre reprises. Je n’ai eu droit qu’à une seule question supplémentaire», regrette-t-il.
Tout le monde n’est pas sanctionné
Arvin Boolell a été contraint de s’excuser durant la Private Notice Question (PNQ) du 4 juillet pour avoir dit : «Lying. He is misleading the House!» Sooroojdev Phokeer lui a fait comprendre que même le mot «misleading» n’était pas approprié. À plusieurs reprises, des parlementaires de l’opposition ont été contraints de présenter des excuses. Au cas contraire, ils risquaient une expulsion. Cependant, les députés du gouvernement ont plus de chance. Stéphanie Anquetil attend toujours que la ministre Kalpana Koonjoo-Shah lui présente des excuses après l’avoir traitée de «Manjulika», un personnage possédé par un esprit dans un film de Bollywood. Autre exemple, le 16 mai, lors des échanges entre Farhad Aumeer et Kenny Dhunoo, ce dernier lavait lancé : «To fou.» Dans le passé, la speaker Maya Hanoomanjee, usant de diplomatie, avait pu amener le grand Anerood Jugnauth à s’excuser pour des propos jugés inappropriés.
Le «loudspeaker»
Le leader du MMM, Paul Bérenger, et Rajesh Bhagwan ont été les premiers à surnommer Sooroojdev Phokeer «loudspeaker». Les députés de l’opposition n’apprécient pas la façon dont Sooroojdev Phokeer leur adresse la parole. Pour faire montre de son autorité, il se met débout pour ensuite pointer du doigt la personne concernée. Ce geste est considéré comme une menace. De plus, il lève le ton.
D’ailleurs, le whip de l’opposition, Patrice Armance, a été expulsé du Parlement, le 6 juin, pour avoir osé dire au speaker : «Arrêtez de hurler.» Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, est allé plus loin, jeudi, pendant la PNQ. «Stop this thing! Stop! Stop bullying me!», a-t-il déclaré alors que Sooroojdev Phokeer lui demandait de poser des questions directes.
Le speaker demande de pas jeter le doute sur le Parlement
<p>Sooroojdev Phokeer a fait une déclaration au Parlement, jeudi, après un article de l’express, rapportant le rejet de diverses questions. Il dit noter que c’est une nouvelle pratique pour des parlementaires de s’adresser à la presse quand leurs questions ne sont pas admises alors que la procédure veut qu’ils s’adressent au speaker. Cette pratique, dit-il, peut semer le doute sur la façon dont les questions sont traitées au bureau du clerk. <em>«C’est un comportement regrettable de ces députés et il discrédite le Parlement, tout en donnant une mauvaise impression à cause de leur attitude peu convenable»</em>, a-t-il déclaré. Dans le cas de Joanna Bérenger, il a affirmé que c’est une pratique courante au Royaume-Uni de ne pas prendre de questions des parlementaires suspendus.</p>
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