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[Dossier] Secteur agricole | Les pesticides chimiques: des «poisons»

18 juillet 2023, 19:00

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[Dossier] Secteur agricole | Les pesticides chimiques: des «poisons»
  • 300 tonnes de pesticides, d’insecticides et de fongicides importées annuellement

 Quel cocktail ! Les produits utilisés dans le secteur agricole comprennent les insecticides, à l’exception des pesticides biologiques, des fongicides, des herbicides et des acaricides utilisés pour lutter contre les parasites et les maladies dans les plantations. Selon les données fournies au Parlement par le ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, le 4 juillet, environ 300 tonnes de pesticides, d’insecticides et de fongicides sont importées annuellement depuis 2018 pour être utilisées dans les plantations de légumes et de fruits. «Toutes les formules de pesticides contiennent un mélange d’ingrédients actifs et d’autres ingrédients inertes. Les pesticides ne contiennent en moyenne que 30 % d’ingrédients actifs qui permettent de lutter contre les parasites et les maladies.» De plus, 880 tonnes d’herbicides sont importées chaque année, principalement pour être utilisées dans les plantations de canne à sucre.

Depuis l’entrée en vigueur de l’Use of Pesticides Act en septembre 2018, le Pesticides Regulatory Office a collecté 3 177 échantillons, parmi lesquels 110 contenaient des pesticides dépassant les Maximum Residue Levels (MRL), basés sur les normes du Codex Alimentarius Standards de la Food and Agriculture Organisation (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a précisé le ministre. En outre, 515 échantillons contenaient des pesticides autorisés dans la production de cultures vivrières, mais qui ne sont pas recommandés pour ces cultures spécifiques.

Conformément à l’Use of Pesticides Act 2018, un total de 315 Improvement Notices ont été émises aux cultivateurs pour des échantillons qui n’étaient pas conformes à la loi. Ils sont ensuite conseillés par les officiers du Pesticides Regulatory Office et l’Extension Office du Food and Agricultural Research and Extension Institute sur l’utilisation efficace de pesticides en termes de type et de spécificité, entre autres, afin que ces produits soient utilisés de façon plus efficace et plus sûre. C’est-àdire qu’ils ne soient appliqués que lorsque c’est nécessaire, en utilisant le bon dosage et en respectant les délais d’attente avant la récolte.

Contrôle : manque de personnel du Pesticides Regulatory Office

Le Pesticides Regulatory Office a pour mission de veiller à ce que les pesticides soient utilisés en conformité aux recommandations et ce, afin de protéger le public. Le bureau compte cinq agents: le Principal Scientific Officer, responsable de la gestion globale du bureau, et quatre Agricultural Support Officers, qui effectuent le contrôle des résidus de pesticides, en prélevant des échantillons pour l’analyse et en sensibilisant les planteurs. Des échantillons de fruits et de légumes sont prélevés, entre autres, sur les marchés et dans les supermarchés pour l’analyse des résidus de pesticides.

Le Pesticides Regulatory Office bénéficie du soutien de quatre agents supplémentaires de l’Agricultural Chemistry Division pour l’analyse des résidus de pesticides au Food Technology Laboratory. Pour la coordination, il y a un Acting Senior Scientific Officer, chargé de la coordination des activités du laboratoire et de l’élaboration des normes ; un Scientific Officer responsable de l’analyse des résidus, et les Agricultural Support Officers qui aident le Scientific Officer pour les analyses. «Nous avons, depuis 2018, le Pesticides Regulatory Office. Il s’agit d’un travail en cours. Bien sûr, nous avons demandé un financement supplémentaire. Nous allons pourvoir des postes. Le processus de recrutement dans la fonction publique est un travail continu et nous sommes convaincus qu’il va dans la bonne direction.»

Pour Joanna Bérenger, député mauve, sans un personnel suffisant au Pesticides Regulatory Office, la loi sur l’utilisation des pesticides est inutile et ne peut être appliquée.

L’utilisation de produits chimiques dans les champs au-dessus de la moyenne mondiale

Selon les Food and Agriculture Statistics publiées en 2022 par la FAO : «Alors que la plupart des pays ont appliqué de faibles niveaux de pesticides sur les terres cultivées en 2020, Maurice, les Seychelles et l’Égypte ont appliqué des niveaux supérieurs à la moyenne mondiale.»

Krit Beeharry, membre de la Plateforme planteur des îles, qui suit de près l’évolution de l’utilisation de ces produits, fait état de la situation. «Au fil du temps, les maladies, entre autres, ont augmenté, affectant négativement non seulement la production mais aussi son coût, ainsi que les mauvaises herbes. Cela se reflète dans les prix. Ces produits chimiques tuent les maladies, les insectes et les herbes. Les contenir aide à la production. Il a plusieurs concepts dits ‘propres’, mais qui ne marchent pas à Maurice. Ce n’est pas une joie d’utiliser ces produits. Parfois ce sont des légumes volés qui auraient dû rester dans les champs après l’application de produits. Cela tombe sur le dos des planteurs. L’éradication des pesticides est faite sans en connaître l’importance et les conséquences, telles que la famine. Les maladies mutent. Plusieurs facteurs affectent les plantations simultanément alors qu’il y a une demande alimentaire. Les agriculteurs n’ont pas le choix que d’utiliser les pesticides de manière plus ‘smart’. Ils font un mélange de différents produits pour la production vivrière», soutient-il. Il souligne également que «le climat est propice à la prolifération des insectes. C’est devenu incontrôlable».

Krit Beeharry soutient que les oiseaux posent aussi problème quand il s’agit des semences et des plantules. En ce qui concerne les planteurs exposés à ces produits chimiques, Krit Beeharry soutient qu’il y a des mesures de sécurité pour chaque produit. «Mais nul ne connaît le respect de ces mesures parmi les planteurs. Il faut que les autorités s’assurent que ces mesures de sécurité sont respectées à travers la sensibilisation et la formation.» Concernant la perception d’excès d’utilisation, il avance : «Nous ne pouvons pas en utiliser en excès par rapport au prix des produits

La sécurité alimentaire est une grande préoccupation ; il faut éduquer les agriculteurs ainsi que les enfants en intégrant la matière dans le système éducatif.

 L’agriculture organique est possible

L’agriculture saine est possible. Pour ce faire, Aman Ramchurn, organic consultant de MauriBio, explique qu’il est nécessaire qu’un agriculteur analyse l’environnement du terrain agricole : prendre en compte les insectes et les maladies, et les mauvaises herbes qui posent problème dans cette région, puis la qualité du sol. La mécanisation aussi pose problème, précise-t-il.

La préparation du sol pour la culture est l’étape suivante. À l’instar du compost qui ajoute du carbone au sol. «Plusieurs produits certifiés organiques existent et peuvent enrichir le sol et éventuellement la plante. Du moment qu’elle est en bonne santé, environ 50 % des problèmes sont réduits. C’est la base de la méthode de prévention, soit avant même que le problème n’intervienne. À Maurice, l’accent est plus mis sur la pratique curative au lieu de la prévention. Il faut aussi savoir que les produits organiques ne sont pas des potions magiques qui agissent aussi vite que les produits chimiques. Il faut respecter les fréquences d’utilisation.» Et pour soigner des plantes affectées, des solutions bio existent, relève notre interlocuteur. De plus, il faut aussi une  rotation des cultures selon le climat à travers la mise en place d’un graphique. Parallèlement, empêcher que les insectes ravageurs continuent à se reproduire. Il faut un contrôle à ce niveau.

Aman Ramchurn observe, de son expérience, que la récolte de la culture organique est de meilleure qualité, que ce soit en termes de goût ou nutritionnel. «Beaucoup m’avaient découragé et me disaient que mon business n’allait pas marcher. Mais cela marche. Aujourd’hui ce sont mes clients qui parlent. Le business prospère depuis 2014. Il y a toute une gamme haute de produits bio. Maurice a du potentiel pour les produits bio locaux et à exporter. Ces produits ont de la valeur sur le marché.»

La sécurité alimentaire étant une préoccupation à travers le monde, il faut former et éduquer les agriculteurs ainsi que les enfants à l’école en intégrant la matière dans le système éducatif. Ce qui encouragerait davantage les jeunes à travailler dans ce secteur, avec de meilleures pratiques. «Il est grand temps de changer. Nos produits agricoles sont bombardés de produits chimiques. Nous pouvons faire mieux.»

L’avantage de ce concept est la récolte de produits plus sûrs. La production est améliorée sur le long terme, grâce à une meilleure fertilité du sol, le bien-être des travailleurs, la diversité agricole, la réduction de la dépendance des intrants coûteux. La production est profitable, permettant ainsi d’améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs.