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CP v/s DPP: premier revers pour Anil Kumar Dip

19 juillet 2023, 09:00

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CP v/s DPP: premier revers pour Anil Kumar Dip

Ce sont les avocats du parquet, soit ceux du bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), qui sont aptes à mener le dossier de la poursuite, comme le prévoit la Constitution. Le commissaire de police peut retenir les services des hommes de loi du privé mais seulement sur autorisation du bureau du DPP. C’est la magistrate Nitisha Seebaluck qui l’a statué dans un verdict rendu devant le tribunal de Port-Louis, hier, dans l’affaire Sherry Singh. Une décision qui devrait calmer quelques ardeurs du côté du gouvernement et des Casernes centrales.

«The DPP remains constitutionally empowered to take control of any criminal proceedings in Court and exercises the exclusive powers conferred upon it by the Constitution and thus enjoys an exclusive right of audience, which is protected by our Constitution». C’est ce qui ressort principalement d’un verdict rendu par la magistrate Nitisha Seebaluck, siégeant au tribunal de Port-Louis, hier. Un verdict qui survient après une motion du bureau du DPP dans l’affaire Sherry Singh. 

La justice rend ainsi un premier ruling dans le clash entre le commissaire de police (CP) et le Directeur des poursuites publiques (DPP). Le CP Anil Kumar Dip qui voulait se passer des services des avocats du bureau du DPP Mᵉ Rashid Ahmine, ne pourra donc pas le faire sans son aval. Le commissaire de police essuie là un premier revers dans tout ce conflit constitutionnel autour des pouvoirs du CP et ceux du DPP. 

La magistrate a tranché en faveur du DPP, faisant ressortir que ce sont les avocats du parquet qui mèneront le dossier de la poursuite, comme le prévoit la Constitution. 

Authority to assist prosecution 
Dans un ruling de 14 pages, la magistrate revient sur les pouvoirs constitutionnels du DPP. Elle fait ressortir qu’il est clair que l’article 72(3)(b) de la Constitution habilite le DPP, dans tous les cas où il juge souhaitable d’assumer le contrôle ou la responsabilité de l’affaire et de poursuivre une procédure pénale. Se basant sur des jugements antérieurs, la magistrate conclut que la procédure préalable au procès fait partie de la procédure pénale. «There can be no doubt that the purpose of a provisional charge is to inform the suspect of the nature of the charge against him and once he is arrested, he is provisionally charged and when the issue of his liberty/detention is at stake. Thus, the DPP would be an interested party, with a duty to intervene and be part of such pre-trial proceedings, which form part of criminal proceedings for the purposes of section 72(3)(b) of the Constitution», fait ressortir la magistrate Seebaluck. 

La Constitution, souligne la magistrate, sans équivoque, habilite le DPP à assumer le contrôle de toute procédure pénale engagée par la police, comme dans la présente affaire. «Ces pouvoirs sont dévolus au DPP à l’exclusion de toute autre autorité. Le DPP est donc habilité par la loi à prendre le contrôle de la procédure, que la police souhaite ou non retenir les services d’un représentant légal de son choix», dit-elle. 

Autorisation du DPP 
Dans son jugement, la magistrate a aussi indiqué qu’il existe également une pratique établie selon laquelle, lorsque le barreau privé souhaite mener/ assister des poursuites engagées par la police et/ou le DPP, une autorisation est demandée au bureau du DPP. La seule autorité apte à permettre au demandeur de mener des poursuites au nom du ministère public. 

Last but not least 
En dernier, la magistrate a tenu à préciser que c’est plutôt une question de la mise en pratique de la Constitution que celle d’interprétation. Citant un jugement des Law Lords, elle souligne : «His Lordship had stressed out that “the importance of a good, mutually respectful, working relationship between the police and the Director [and] [u]nresolved conflict between them of the sort exemplified in this [matter] damages public confidence in the administration of justice.» 

Mᵉ Damodarsingh Bissessur du bureau du DPP, présent en cour, a ainsi réitéré sa motion pour obtenir des informations de la police afin de mener le dossier. Ce sont les avocats du bureau du DPP qui se chargeront du dossier du couple Singh pour la poursuite, comme cela a toujours été le cas dans d’autres affaires pénales devant le tribunal. L’affaire sera de nouveau appelée le 8 août. Les Senior Counsels Urmila Boolell et l’ex-DPP Satyajit Boolell, qui défendent respectivement Sherry et Varsha Singh, comptent venir avec d’autres motions. À noter que le couple d’avocats conteste la légalité du mandat de perquisition dans cette affaire. Sa requête pour l’obtenir, est toujours en suspens. 

Rappelons qu’Anil Kumar Dip et Mᵉ Rashid Ahmine ne sont plus sur la même longueur d’onde depuis que le bureau du DPP n’a pas interjeté appel de la décision de la magistrate Jade Ngan Chai King du tribunal de Moka d’accorder la liberté conditionnelle à Bruneau Laurette, le 21 février. 

Ce désaccord fait même l’objet d’une demande de révision judiciaire devant la Cour suprême et une décision quant aux pouvoirs respectifs du CP et du DPP est toujours attendue. Toutefois, le verdict rendu par la magistrate Nitisha Seebaluck, hier, apporte une première indication sur ce que le Commissaire de police peut ou ne peut pas faire. 

Dans l’affaire Bissessur/ Moheeputh, objectant à la remise en liberté conditionnelle de l’avocat Akil Bissessur, de son frère et de sa compagne, devant le tribunal de Mahébourg de, le CP voulait définitivement mettre de côté le bureau du DPP en retenant les services de Mᵉ Ammar Oozeer, avocat du privé. La magistrate Seebaluck a fait comprendre, hier, que si le CP souhaite aller dans cette direction, il ne peut le faire sans l’autorisation du DPP car c’est lui qui détient les pouvoirs constitutionnels en matière de poursuites. Ces pouvoirs lui sont conférés sous la section 72 de la Constitution.


 

Réactions

Mᵉ Urmila Boolell, SC: «Un verdict qui va atténuer le conflit entre le CP et le DPP» 
L’avocate de Sherry Singh, Mᵉ Urmila Boolell, SC, estime que «ce ruling très éclairé et élégamment écrit», démontre que le commissaire de police ne peut se faire représenter par le privé. «La magistrate a fait comprendre que si le commissaire de police souhaite retenir les services des avocats du privé, il doit le demander au bureau du DPP. Ce qui apporte beaucoup de clarté et pourra atténuer le conflit entre le CP et le DPP. Bien qu’on n’ait pas été partie prenante de cette motion, la position de la magistrate est correcte», a déclaré la Senior Counsel. 

Mᵉ Satyajit Boolell, SC: «Une clarté entre le rôle du CP et celui du DPP» 
L’ancien Directeur des poursuites publiques et avocat de Varsha Singh, Mᵉ Satyajit Boolell, SC, a pour sa part affirmé que la décision de la magistrate Seebaluck est importante pour la bonne marche de la justice. «C’est une décision très bien motivée qui va mettre fin à tout conflit ou polémique et permet de savoir où s’arrête le rôle du CP et où commence celui du DPP», a-t-il déclaré. 

Sherry Singh: «Chapeau à la justice» 
«C’est une décision très éclairée et limpide qui va atténuer la crise institutionnelle. Elle ne jette pas de l’huile sur le feu mais au contraire apporte un éclairage. Chapeau à la justice.»