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Ansilla Bégué: l’éboueuse, ses gants et son cran
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Ansilla Bégué: l’éboueuse, ses gants et son cran
Avant, elle travaillait dans «lakour Madam». Désormais, elle fait la guerre aux ordures dans les rues de la ville des fleurs. Cette maman au sourire discret jongle chaque jour avec les détritus. Confidences à la pelle.
Une casquette arborant le logo de la municipalité de Quatre-Bornes trône sur sa tête. Des gants orange aux mains, des chaussures de sécurité aux pieds ; une blouse bleue en toile fine laisse passer la sueur du dur labeur en ce mercredi aux températures hivernales. Egayé par le sourire solaire d’Ansilla Bégué.
Des ordures, la petite dame de 43 ans en a croisé un paquet sur son chemin. Avant, elle travaillait dans «lakour Madame». Puis, en 2012, après quelques interviews, elle a pris place à bord du camion benne. Elle n’est pas du genre à en faire des caisses, Ansilla est plutôt discrète, timide. On la croit volontiers quand elle dit que ce métier, bien que pénible au début, lui plaît. «Mo bien kontan, mo vinn travay avek enn lazwa dan léker, pena stress.»
Sa quête anti-saleté démarre à 6 heures en général, dépendant du shift, du roster. «Lerla nou travay ziska 10 h30 parla. Si mo fer lot shift lerla nous rentré dan la matinée, nou fini ver 13-zer.» Des habitants de la ville des fleurs avancent qu’à certains endroits, ça ne sent pas la rose ; la raison étant que les poubelles ne sont pas collectées de façon régulière. «Wi sé vré ena enn ti problem camion – mo pa koné komié ena exaktéman – mé nou réssi débat. Nou ramass partou mem si parfwa tard impé.»
A-t-elle vu des films d’horreur emballés dans des sacs au fil des ans ? Oui. Mais les mentalités ont évolué, le respect s’installe peu à peu dans les mœurs. «La plipar fini met salté bien dan sak, pa gagn problem. Ena zis ankor 1-2 dimounn ki zet malprop tousala mé nounn abitié…» Du ‘fumet’ malodorant, des effluves de Canal no.5 ont chatouillé ses narines, presque immunisées. Autour d’Ansilla, flotte un parfum de quiétude. La douceur de sa voix contraste avec sa poigne ; il en faut pour «lev bann gro zafer parfwa». Sinon, ses collègues masculins sont toujours-là pour lui filer un coup de main. «Zot bien korek. Tou passe tré bien ek banla.» Le salaire dans tout ça ? «Kapav débat. Mé lavi inn bien ser zordi zour.»
«Nou bann Madam, nou for nou»
De retour à la maison, elle retrouve son homme, qui travaille également à la municipalité de Quatre-Bornes et son petit bonhomme qui a sept ans. «La konzé-la, pa bizin dir ou… Létan fini ek limem.» Quand elle ne travaille pas, Ansilla fait le ménage à la maison, déclare la guerre à la crasse, fait en sorte qu’elle soit un nid douillet. Son prochain objectif : un voyage à La Réunion, pour admirer les beaux paysages, les cirques, la nature.
Le «beep-beep» caractéristique du camionbenne annonce le départ. Ansilla s’empresse de rejoindre sa joyeuse brigade anti-détritus. Un message aux femmes, aux jeunes, qui hésitent à pratiquer ce métier ? «Bann Madam, nou for nou. Si nou anvi réssi, nou pou kapav, nanyé pa fer nou per… Pou bann zenness-la, mo dir zot bouz zot lekor, sanzé, lévé al travay.»
L’héroïne du râteau lance un signe de la main. Dans ses yeux, de la fierté. Celle du travail bien fait.
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