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Trafic de drogue inter-îles: bateaux échoués, enquêtes naufragées
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Trafic de drogue inter-îles: bateaux échoués, enquêtes naufragées
Le trajet Maurice-Réunion, et inversement, est devenu une activité très lucrative pour les trafiquants de drogue. La raison semble évidente puisque le zamal réunionnais est très prisé à Maurice. Pour faire cette traversée, les trafiquants ciblent les skippers, qui ne sont pas réticents à tenter ce trajet et savent qu’il y a beaucoup d’argent à la clé. Des sommes, une fois la mission achevée, qui vont au-delà de Rs 100 000, et qui représentent le fruit d’un an de dur labeur amassé en une seule traversée en mer. Ce, bien que ces traversées comportent des risques et ils en sont conscients. Pourtant, pour le public, le trafic de zamal entre Maurice et La Réunion reste une énigme.
Par exemple, il arrive que le destin ou le temps ne soit pas en faveur de ces téméraires de la mer et du trafic. De ce fait, leur bateau peut être en difficulté et peut s’échouer ou les occupants peuvent être arrêtés à La Réunion. Par la suite, ils y sont jugés, sans toutefois que le commanditaire soit connu. Des fois, ils quittent le bateau échoué et disparaissent dans la nature. Un vrai casse-tête pour les autorités réunionnaises, qui sollicitent la collaboration des autorités mauriciennes afin de résoudre l’affaire. Parfois, quelques protagonistes sont arrêtés à Maurice, mais l’enquête n’avance pas car les suspects exercent souvent leur droit au silence. Ce qui amène les enquêtes au point mort et les enquêteurs de l’Anti Drug and Smuggling Unit ou même la gendarmerie réunionnaise ne peuvent avancer.
Quelques enquêtes qui traînent
Un autre speedboat a échoué sur les côtes de Saint-Benoît, le 12 juillet. La gendarmerie est arrivée sur les lieux, mais il n’y avait personne à bord. L’équipage mauricien s’est évaporé dans la nature à La Réunion. Des jerrycans de fioul ont été retrouvés à côté de la vedette. À ce jour, pas de trace des Mauriciens.
Le 24 avril, une cargaison de zamal de 150 kg, valant Rs 150 millions, allait arriver sur le sol mauricien. La gendarmerie réunionnaise a pu déjouer ce trafic. Une commission rogatoire a été émise par les autorités réunionnaises et les Réunionnais soupçonnés d’être impliqués dans le trafic de zamal ont été mis sur écoute. Elle a fait capoter la transaction et un possible trafic entre La Réunion et Maurice a été établi. Se sont ensuivies, les arrestations de Benjamin Leu, d’Andy Patate et de Jean Roddy Marcelino Meunier à La Réunion, qui étaient à bord d’un bateau qui a chaviré à Sainte-Rose. Selon nos informations sur cette affaire, l’enquête est toujours au statu quo, que ce soit à La Réunion ou à Maurice.
Autre cas : la carcasse calcinée d’un bateau a été retrouvée dans la nuit du 29 septembre 2022, à la marina de SainteSuzanne. Des habitants des lieux avoisinants ont aperçu des personnes prendre la poudre d’escampette. La gendarmerie de Saint-André a retrouvé des paquets de cigarettes en provenance de Maurice. Elle soupçonne les occupants d’avoir incendié le bateau avant de s’enfuir ainsi qu’un trafic de cigarettes avec Maurice.
En juin et octobre 2022, des embarcations ont été abandonnées à Saint-Benoît ainsi qu’à Saint-André. Leurs occupants n’ont pas été retrouvés. Où en sont les autorités avec l’enquête ? Il n’y a pas eu de développement dans ces affaires. Est-ce uniquement un trafic de cigarettes interîles ou aussi celui de zamal ? Le mystère plane toujours.
Ces bateaux retrouvés non loin de Madagascar
Ils avaient quitté la mer pour une partie de pêche et se sont retrouvés en difficulté non loin de Madagascar. Louis Hemsley Lim Sik Fang, 22 ans, et Yash Beerbul, 23 ans, deux habitants de Grand-Baie ; Anthony Rosette, 36 ans, un habitant de Trou-d’Eau-Douce, et Richenzo Benzy Bontemps, 32 ans, un habitant de Résidence Argy, Flacq, ont été secourus, le 12 février, par l’équipage du cargo Halsted, battant pavillon libérien. Ils ont été débarqués à Diego Suarez. Les quatre Mauriciens, selon leurs proches, avaient pris la mer pour une partie de pêche en partant de Grand-Baie. Les quatre Mauriciens, qui se présentent comme pêcheurs, ont été retenus par les autorités malgaches et un mandat de dépôt a été émis contre eux. Ils sont actuellement en détention dans un centre pénitentiaire malgache. De forts soupçons de trafic de drogue pèsent sur eux et ils sont en attente d’un procès.
Dans un premier temps, la National Coast Guard (NCG) de Grand-Baie avait été alertée après la disparition de deux habitants de la région, qui étaient allés pêcher. Mais l’équipage du cargo Halsted, qui faisait route vers les Émirats arabes unis, a dû changer de trajectoire après des communications avec la marine réunionnaise. Elle a, avec stupeur, découvert que quatre personnes, et non deux, se trouvaient sur le bateau en difficulté près de Madagascar. L’un d’eux, Anthony Rosette, est dans l’attente de sa sentence pour le meurtre de Steve Hovas, à Trou-d’Eau-Douce.
Huit autres Mauriciens ont été arrêtés et sont en détention à Madagascar dans le cadre d’une enquête de la police malgache sur la saisie d’une cargaison d’héroïne à Antananarivo. Cette drogue, d’une valeur marchande de Rs 12,5 millions, était destinée à être écoulée sur le marché mauricien. Il s’agit d’Esperando Naiim Beeharry, de Jairo Jean Patrick et de son frère Jean Daniel Victoire, dit Joyce, des frères Kenjie et Kenny Morvant, de Jean Garry Etienne, de Jordan Robert et Jules Roddy Avoula. Leur arrestation résulte d’une enquête minutieuse, démarrée en février 2023 par la brigade antidrogue malgache, après la découverte de la vedette le Bras-d’Eau, à Nosibe-Maintialaka, au Nord-Est de la Grande île. Leur bateau, immatriculé PC 6938- OL-20 et enregistré à Maurice, était équipé de deux moteurs. Sept bidons vides et trois gilets de sauvetage ont été retrouvés à bord lors d’une inspection. On apprend que c’est toujours le statu quo dans cette affaire.
Le 2 juillet 2020, Yanesh Chimajee et son cousin Jevind Govind ont été retrouvés à Madagascar. Le duo de skippers avait quitté le lagon de La Gaulette à bord d’un speed boat pour de la pêche au gros et aurait eu une panne d’essence.
L’ancien assesseur de la commission drogue étudie la question
Sam Lauthan, ancien assesseur de la commission d’enquête sur la drogue, nous livre les raisons pour lesquelles les enquêteurs n’arrivent pas remonter la piste des commanditaires. «Il faut savoir que ceux qui sont à la tête d’un trafic de drogue ont toujours de l’avance sur un gouvernement. Selon une étude internationale, ils emploient d’éminents avocats à travers le monde pour trouver des failles dans la loi et dans son application. C’est pour cela que nous avons eu de la drogue venue à Maurice dans des bonbonnes ou même dans une tractopelle.»
Il dit avoir fait ressortir, au directeur de la NCG, les manquements à la surveillance en mer. «J’ai été informé qu’il y avait une surveillance accrue dans les 82 passes. Mais j’ai brandi un rapport du United Nations Office on Drugs and Crime qui a mis l’accent sur leur étude qui dit que ’there is acute trafficking going on in the North of the Indian Ocean’. Ma théorie est simple : c’est qu’un speed boat puissant, qui effleure à peine la surface de l’eau, passe sur les récifs et arrive à La Réunion ou Madagascar.» Concernant les enquêtes qui butent dans les cas de bateaux qui se sont rendus à Madagascar ou même La Réunion, Sam Lauthan explique : «Il y a deux raisons possibles. Les personnes arrêtées ne savent pas à qui appartient réellement le bateau. Il y a toujours un prête-nom derrière le vrai commanditaire et c’est difficile pour les suspects de balancer celui qui est à la tête du trafic.» Il ajoute qu’un point important dans le trafic de drogue, c’est l’omerta. «C’est très simple. Si vous faites partie d’un cercle mafieux, si vous voulez sortir, on vous tue. La loi du silence. Si vous sortez ou si vous exposez les autres, c’est la mort. C’est soit vous acceptez la valise d’argent soit c’est le cercueil.»
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