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Wakashio l Trois ans après: quand un naufrage provoque une déferlante de patriotisme

25 juillet 2023, 13:35

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Wakashio l Trois ans après: quand un naufrage provoque une déferlante de patriotisme

On n’avait jamais connu ça. Les Mauriciens voient rouge face à la menace d’une marée noire ; des milliers de personnes mettent la main à la pâte. De fil en aiguille, les kilomètres de booms, cousus par des mains de volontaires venus des faire barrage à la pire catastrophe écologique Alors que le vraquier japonais et ses tonnes de fioul menacent notre lagon, la fibre patriotique ne fera jamais naufrage.

25 juillet 2020. Dans la soirée, aux alentours de 19 heures, alors que les Mauriciens passent à table, qu’ils regardent la télé, que chacun vaque à ses occupations, un drame se joue en mer. Le lendemain, ils se réveilleront avec un goût amer dans la bouche. Dans l’air, du côté de Pointe-d’Esny, flotte une odeur de catastrophe imminente. Le nom du Wakashio s’inscrira à tout jamais dans les mémoires. 

Le vraquier japonais battant pavillon panaméen s’est encastré dans les récifs. Prisonnier, le géant d’acier est malmené par les vagues en colère, ses entrailles s’éventrent. Moins de deux semaines plus tard – le 6 août plus précisément – il commencera à vomir quelque 1 000 tonnes de fioul dans l’océan. La marée humaine déferle alors. La mission du peuple rouge-bleu-jaune-vert: sauver son lagon turquoise, sa faune et sa flore. 

Comme un seul homme, dans les jours, les semaines qui suivent, le peuple arc-en-ciel se plie en quatre. L’histoire retiendra qu’il a déclaré la guerre à la plus terrible catastrophe écologique qu’a connue le pays jusqu’ici. Des milliers de personnes armées d’une volonté de fer se décarcassent, débarquent sur le front de mer de Mahébourg, notamment, pour fabriquer des booms faits à partir de fibres capillaires et patriotiques – qu’importe si certains disent que cette mesure est tirée par les cheveux. 

Une formidable machinerie se met en branle. Les coeurs se gonflent de tristesse, la colère s’enracine dans les tripes. L’incompétence est décriée, fustigée. Les autorités se retrouvent dans l’oeil du cyclone. Le silence assourdissant des décideurs – qui tentent dans un premier temps de minimiser cette tragédie – provoque une houle de rage qui s’abat sur tout le pays. C’est la goutte de trop. Le 29 août 2020, des milliers et des milliers de Mauriciens défileront dans la rue pour scander le désormais célèbre «Bour Li Deor» – #BLD. Slogan qui restera dans les annales et qui est encore utilisé à ce jour et à toutes les sauces. 

«Mer» patrie» 

La marée humaine se décarcasse ; entreprises, sponsors, ONG, tout le monde s’y met. Des petits poucets se battent contre un monstre long de 300 mètres, avec à son bord 207 tonnes métriques de diesel, 90 tonnes métriques de lubrifiants et presque 4 000 tonnes métriques d’huile à très faible teneur en soufre. Des bouées composées de paille, de feuilles de canne, entre autres, sont installées dans des zones sensibles dont le parc marin de Blue-Bay et l’île-aux-Aigrettes. Le littoral sud-est est durement touché. Des nappes d’huile glissent vers Pointe-Jérôme, Petit-Bel-Air, Rivière-des-Créoles, Pointe-aux-Feuilles, Anse-Jonchée, Bambous-Virieux, Deux-Frères, Quatre-Soeurs, il y a lieu de s’alarmer. 

À divers endroits, les grosses aiguilles filent toujours entre des mains pourtant loin d’être expertes de ceux qui s’improvisent couturiers : c’est le boom des booms. Les gants s’agitent, les bottes se noircissent de mazout, tout le monde veut aider, apporter sa pierre à l’édifice de cet élan sans précédent. Des cadavres de dauphins d’Électre, celui d’une baleine enceinte, notamment, échoués le long du rivage, provoqueront une autre onde de choc. La vue des plages de sable doré, noircies par le fioul, engendrera la désolation, la consternation. 

À ce malheur, s’ajoutera un autre : celui du remorqueur sir Gaëtan, sollicité pour remorquer une barge, L’Ami Constant, qui transporte des résidus du Wakashio. L’équipage revient de Pointe-d’Esny. Le tug ira se reposer au fond de l’eau à Poudre-d’or au soir du 31 août. Bilan : quatre morts, dont le capitaine ; son corps ne sera jamais retrouvé… 

Au milieu du bal d’hélicoptères finalement dépêchés par les autorités, du va-et-vient incessant des pirogues de pêcheurs héroïques, des volontaires, toujours présents. Sans relâche, sans faillir, avec acharnement, la tornade humaine gagnera cette bataille qu’on croyait perdue, contre les éléments peu cléments. 

De cette tragédie, on retiendra aussi ceci : l’amour des Mauriciens pour leur «mer» patrie.