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Drogue: l’enfer des footballeurs devenus dealers...
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Drogue: l’enfer des footballeurs devenus dealers...
Pas moins de six joueurs de foot locaux ont été épinglés dans des affaires de drogue depuis 2016. Une situation alarmante, selon plusieurs dans le domaine. Manque d’encadrement et salaire dérisoire sont mis en lumière...
Comment des footballeurs à la carrière prometteuse se sont retrouvés mêlés à des affaires de drogue ? Cette question taraude bon nombre de protagonistes du milieu sportif. D’autant plus que les cas se multiplient au fil des années. La plupart des personnes que nous avons sollicitées ont souhaité le faire sous le couvert de l’anonymat car «le sujet reste très sensible». Elles ajoutent qu’il ne faut pas généraliser. «Il y a toujours des joueurs honnêtes, et il ne faut pas ternir davantage le métier et les réputations de ces derniers.»
Mais il est vrai, disent-elles, que plusieurs facteurs peuvent contribuer au fait que certains se tournent vers le milieu. Par exemple, les salaires ne font visiblement pas honneur à la profession. Selon des informations obtenues, certains joueurs – dépendant du club – peuvent toucher entre Rs 8 000 et Rs 10 000, et cela peut aller jusqu’à Rs 25 000 pour les clubs plus huppés et solides financièrement. Pour la sélection nationale, par exemple, les joueurs perçoivent également une allocation en sus de leur salaire de base. C’est pour cela que beaucoup se tournent vers un autre métier pour subsister. «Plusieurs joueurs sont policiers, pompiers ou employés de corps paraétatiques ; il y en a également qui sont à leur propre compte. Certains sont peintres ou encore maçons...»
Par ailleurs, quelques-uns sont issus de milieux défavorisés et la tentation est facile. D’où le fait qu’ils se retrouvent à officier comme «dealer» ou «skipper» sur le trajet Maurice-Réunion-Maurice, mais il y aussi ceux qui sont tombés dans l’univers de la drogue en tant que consommateurs. «Cela ne touche pas que les sportifs. C’est comme ça partout à Maurice. Les jeunes sont en manque d’activités. La drogue est un problème de société auquel le gouvernement doit s’attaquer.» Ceux qui décident quand même de franchir la ligne rouge en s’adonnant au trafic de drogue doivent prendre leurs responsabilités, ajoute-t-on. Plusieurs footballeurs ont franchi la ligne rouge. Est-ce par obligation financière ou un business lucratif pour eux ? Le membre d’un club très respecté, qui a accepté de témoigner sous couverture de l’anonymat, dit catégoriquement que les footballeurs mauriciens n’ont aucune reconnaissance. «Il est vrai qu’il n’y a aucun avenir pour les footballeurs à Maurice en dépit de maintes promesses du gouvernement. Les jeunes n’ont aucune perspective et les anciens n’avancent pas. Mais je ne pense pas que ce soit une raison pour se lancer dans le trafic de drogue.» Il souligne que l’équipe a beaucoup de potentiel et le choix de se lancer dans des activités illicites ressort d’une décision personnelle. «Tous les membres pratiquent le football à temps partiel car nous n’avons pas de footballeur à plein temps. Donc, ils ont tous un travail rémunéré à côté. C’est trop facile de dire que parce que le footballeur n’a pas de carrière qu’il se lance dans de telles activités. C’est triste que ce genre de choses ternisse la réputation des footballeurs à Maurice alors que c’est le sport roi du pays. Il ne faut pas généraliser quand il y a des brebis galeuses.» Notre interlocuteur souligne également que quand ils participent à des compétitions régionales, ils sont aussi récompensés par la Fédération.
«C’est trop facile de dire que parce que le footballeur n’a pas de carrière qu’il se lance dans de telles activités. C’est triste que ce genre de choses ternisse la réputation des footballeurs à maurice alors que c’est le sport roi du pays.»
Professionnalisation du foot : faux départ
<p>Il y a eu une tentative de professionnaliser le football mauricien avec la création de la Mauritius Professional Football League (MFPL), dont le promoteur était l’homme d’affaires Georges Chung. Cette entité, qui avait vu le jour en 2014, travaillait avec la Mauritius Football Association (MFA) avec l’idée simple qu’être footballeur devienne un métier comme les autres. C’est ainsi que la saison 2015-16 vit le début de la ligue professionnelle de football à Maurice avec la communauté des footballeurs qui n’avaient qu’à s’entraîner pour les matchs sans «al tras lavi» et être payés pour ça. Certains avaient même délaissé leur emploi pour se consacrer exclusivement au football avec un salaire plutôt décent, entre Rs 12 000 et Rs 20 000 par mois, pris en charge par la MFPL.</p>
<p>Ce projet avait nourri des gros espoirs pour le football mauricien et le niveau avait connu une certaine amélioration tant sur le plan local que sur la scène africaine avec le Club M. Des centaines de footballeurs ont adhéré à ce projet. Mais l’amateurisme légendaire de certains dirigeants et le manque d’implication de tous les clubs de la MFA dans ce projet a mené au fin du football professionnel local au bout de deux saisons. La MFA a oris le relais pour assurer le suivi du projet avec l’aide du gouvernement pendant une saison, mais a jeté l’éponge, malgré les grosses allocations financières de la FIFA et la CAF – environ Rs 80 millions par an.</p>
<p>Depuis des années, l’on annonce dans le Budget des mesures pour professionnaliser le football à Maurice. Le constat actuel démontre que les gouvernements qui se sont succédé ont délaissé le football. Selon des chiffres, le gouvernement de 2014-19 a dépensé environ Rs 150 millions sur trois ans. Cependant, le projet a commencé à voir des grains de sable lorsque les fonds manquaient pour payer les salaires des joueurs, environ Rs 50 millions par an.</p>
<p>Les professionnels du secteur estiment qu’il faut entre Rs 30 millions et Rs 40 millions par an pour payer une trentaine de joueurs à un salaire de Rs 30 000 à Rs 40 000 et les dépenses d’un club. Ils suggèrent un plan Marshall pour le foot. Cette année, le ministre Renganaden Padayachy a consacré un peu plus de deux minutes au sport. Le ministre des Finances a souligné que Rs 53 millions seront décaissées pour la participation du Club Maurice aux Jeux des îles de l’océan Indien, dont la 11e édition aura lieu du 24 août au 3 septembre à Madagascar.</p>
<p>En 2019, Maurice a signé un partenariat avec la Liverpool FC International Academy. Les Reds devaient offrir durant trois ans des programmes d’entraînement continus aux jeunes. Un montant de Rs 108 millions avait été annoncé sous l’égide du Liverpool FC pour ce projet sponsorisé par le secteur privé. L’apport de joueurs professionnels évoluant à l’étranger reste rare, les derniers appelés en sélection sont les frères Jonathan et Kévin Bru, et plus récemment, Lindsay Rose et Dylan Collard. Les plus connus des expatriés sont, dans les années 2000, Jacques-Désiré Périatambée, évoluant dans le championnat de France, ainsi que Jean-Sébastien Bax et Jean-Marc Ithier, professionnels en Afrique du Sud.</p>
<p><strong>Ces joueurs empêtrés dans la drogue à grande échelle…</strong></p>
<p><strong>2016.</strong></p>
<p>À 27 ans, Kinsley Steward Leopold, alors gardien de but de l’ASPL 2000, est arrêté par les éléments de l’«Anti-Drug & Smuggling Unit» (ADSU) chez lui, à Batterie-Cassée, où de l’héroïne, d’une valeur marchande de Rs 15 000, est saisie. Celui, qui a toujours été considéré comme l’un des meilleurs gardiens de but du pays, a connu un arrêt temporaire dans sa carrière et a été soupçonné de trafic de drogue.</p>
<p><strong>2017.</strong></p>
<p>Stéphane L’Enflé, ancien joueur du Club M qui évolue à l’île sœur, est arrêté à l’aéroport SSR avec en sa possession un colis contenant du cannabis, 122 feuilles de tabac à rouler, une ampoule de Valium 1 % Roche et du Diazepam 1 % – une drogue dangereuse.</p>
<p><strong>2019.</strong></p>
<p>Nick Curpanen, 26 ans, est arrêté après une descente de la police chez lui à TerreRouge. Deux tablettes de Subutex, une balance électronique et un attirail pour le trafic de drogue ainsi qu’une somme de Rs 8 200 – soupçonnée de provenir de la vente de drogue – sont retrouvés. Le joueur de football, qui portait les couleurs du Pamplemousses SC et celles de la sélection nationale, répondra alors d’une charge provisoire de trafic de drogue.</p>
<p><strong>2023.</strong></p>
<p>Andy Patate et Benjamin Leu, footballeurs connus qui ont évolué dans l’équipe de PetiteRivière-Noire FC, sont arrêtés après que leur bateau se soit échoué à l’Anse-des-Cascadess à Sainte-Rose à La Réunion, en avril. Six Mauriciens étaient alors dans le collimateur des autorités réunionnaises pour une cargaison de zamal valant environ Rs 150 millions, destinée à Maurice.</p>
<p><strong>Cette semaine</strong>, c’est le footballeur du Pamplemousses SC Jean Fabrice Augustin, qui a été épinglé par l’ADSU lors d’une opération à Karo-Kalyptis où 8 kg de drogues variées, d’une valeur de Rs 77 millions, ont été saisis. Pour rappel, il était en liberté conditionnelle dans le cadre du meurtre de Jean Deveaux Augustin, 53 ans, avec comme toile de fond une histoire de drogue. Il a cependant nié son implication dans cette affaire.</p>
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