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La dette publique frôle dangereusement la barre des Rs 500 Mds
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La dette publique frôle dangereusement la barre des Rs 500 Mds
- Une dette de Rs 385 000 qui pend – telle une épée de Damoclès – au-dessus de la tête de chaque Mauricien…
- Les entreprises publiques endettées à plus de Rs 65 Mds
À l’approche de l’échéance électorale, la dette publique s’invitera sans nul doute dans le débat politique et deviendra à coup sûr un argument de campagne. Cela, vu que d’une année à l’autre, elle tend à prendre l’ascenseur et atteint des proportions souvent alarmantes. Celle de juin 2023, en s’appuyant sur les dernières statistiques du ministère des Finances, démontre qu’elle s’approche dangereusement de la barre des Rs 500 milliards, soit à Rs 496 milliards précisément…
Toutefois, comparé au Produit intérieur brut (PIB) du pays, la dette publique est en légère baisse : 79,7 % contre 82 % en mars 2023 et 83,2 % en juin de l’année dernière. Raison avancée : une augmentation du PIB estimée cette année à Rs 628 milliards après les baisses conséquentes liées à la contraction économique en 2020 dans le sillage de la pandémie. N’empêche qu’à presque Rs 500 milliards, c’est déjà une dette de Rs 385 000 qui pend – telle une épée de Damoclès – au-dessus de la tête de chaque Mauricien… De quoi alarmer le commun des mortels et s’attirer les critiques l’opposition, qui a d’ailleurs recommencé à attaquer frontalement le gouvernement sur sa gestion de cette dette.
Qui plus est, qui dit dette brute de l’État dit obligatoirement celle des entreprises publiques et des corps parapublics, fortement endettés ces dernières années. Sur une vingtaine, il y a au moins deux dont le niveau d’endettement dépasse largement les milliards de roupies au 30 juin 2023. C’est le cas de la State Trading Corporation, avec une ardoise de Rs 9,3 milliards. Ce qui représente toutefois une baisse par rapport au montant de sa dette en décembre 2022 quand elle s’élevait à Rs 10,3 milliards. De même, on retrouve la State Investment Corporation, le bras investissement de l’État, qui traîne Rs 1,2 milliard de dettes, alors que le State Investment Trust est endetté à hauteur de Rs 970 millions pour la même période.
Parmi les dettes des autres entités de l’État, on relève, entre autres, celles de l’Industrial Finance Corporation (Rs 476 millions), Landscope (Mauritius) Ltd (Rs 465 millions), la Mauritius Housing Company (Rs 444 millions) ou encore Grand-Baie Casino (Rs 223 millions), pour ne citer ces quelques sociétés. La totalité de la dette domestique, excluant les prêts étrangers, auxquelles ces entreprises sont confrontées aujourd’hui, se situe autour de Rs 25 milliards.
Cependant, le poids des dettes étrangères contractées par huit entreprises/ corps parapublics alourdit également la dette publique avec un total de plus de Rs 31 milliards. Généralement, la dette extérieure est destinée à financer les opérations de ces entreprises ou encore des projets d’infrastructure de l’État. À l’instar de la SBM (Mauritius) Infrastructure Development Company, une filiale de SBM Bank, qui demeure de loin la société ayant contracté le plus gros prêt, notamment auprès d’une institution indienne, l’Exim Bank, pour une valeur de Rs 17,3 milliards. D’autres entreprises publiques comme AML, CHC, CEB, CWA, MPA ou encore MauBank Holdings et MT ont des dettes étrangères qui se conjuguent en milliards de roupies. Pour le moment, le Trésor public ne semble pas se soucier outre mesure du niveau de la dette publique, conscient qu’elle est dans une phase baissière. Elle est passée de 92 % du PIB en juin 2021 à 79 % aujourd’hui, soit en deçà, selon le ministre des Finances Renganaden Padayachy, de l’ancrage fiscal déterminé par le FMI qui était de 80 % du PIB. «Avec une croissance robuste de 8,8 % en 2023 et celle estimée de 8 % de 2023 à 2024, notre objectif est de réduire davantage la dette souveraine à son niveau prépandémique. Nous pensons pouvoir ramener la dette publique à 60 % du PIB bien avant 2030», soutient Padayachy. Et au ministre de se réjouir que les deux agences de notation internationales, Moody’s et Standard & Poor’s (S&P) ont maintenu le statut de l’Investment Grade de Maurice par le biais de leurs notations respectives, nommément Baa3 Stable et BBB-/A-3. Cela, en se basant, dit-il, sur la volonté du gouvernement de faire baisser le ratio de la dette par rapport au PIB. Par ailleurs, des spécialistes ne comprennent la volonté du Trésor public de réduire d’une part la dette publique à 60 % du PIB bien avant l’échéance de 2030, soit entre 2026 et 2027, et l’amendement apporté, d’autre part, à la Public Management Debt Act ( PMD) pour repousser le plafond de la dette publique à 80 % du PIB. L’économiste Eric Ng y relève une contradiction, estimant que le Trésor public se réfère peut-être à la dette gouvernementale, alors que le plafond concerne la dette du secteur public, qui inclut aussi la dette des entreprises publiques. «Pourquoi ne pas légaliser aussi l’objectif d’une dette publique à 60 % du PIB en 2026/27 ? Cela l’aurait rendu plus crédible, du moins plus vraisemblable», se demande-t-il.
Pour autant, l’endettement public d’un État reste un indicateur privilégié pour cerner ses finances publiques, et sa capacité financière à relever les défis économiques à moyen et long termes. En même temps, un endettement public élevé est susceptible de freiner les investissements privés, d’accroître la pression budgétaire, de réduire les dépenses sociales et de limiter les capacités d’un gouvernement à mettre en œuvre des réformes. À Maurice, il y a eu toujours un débat sur le seuil de la dette, compte tenu que le pays n’a pas de ressources minières ou pétrolières. Certains économistes diront 60 % du PIB alors que d’autres estiment que le pays peut s’endetter plus à condition qu’il ait la capacité de rembourser ses dettes et que les fonds soient investis dans des projets susceptibles d’influer positivement la croissance économique. On cite volontiers le Japon ou Dubaï pour rappeler que les progrès économiques et sociaux dans ces deux États n’auraient pas été possibles si le plafond de la dette était limité à 60 % du PIB. Par ailleurs, nombreux sont les économistes et autres experts qui arguent que la dette du secteur public chez nous dépasserait les 80 % du PIB si on inclut les Special Purpose Vehicules à travers lesquels l’État garantit des prêts internationaux.
Quoi qu’il en soit, la dette publique reste un indicateur économique et éminemment politisé à Maurice comme ailleurs, peu importe où le curseur est posé…
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