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Manière de voir: Notre société contre la femme en politique ?
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Manière de voir: Notre société contre la femme en politique ?
Il faudrait plus de femmes députées, voire ministres, dans notre pays qui compte plus de femmes que d’hommes. Cela n’arrivera pas, même cinquante-cinq ans après l’indépendance. Ce n’est pas la faute des partis politiques, qui se conforment aux données structurelles et idéologiques de notre société patriarcale. La société, c’est nous tous, et rien d’autre. Elle choisit les partis qu’elle mérite. Ni plus, ni moins. Des progrès ont été accomplis, des avancées même, parfois dans le domaine financier, mais en politique, c’est au point mort.
Nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes si, aux prochaines élections, le nombre de candidates est restreint, sauf si quelques femmes au premier rang des nouveaux partis parviennent à crever l’abcès. Une moyenne de quinze à vingt, au pire, gagnerait, ce qui représenterait un tiers du Parlement. Ce serait déjà une victoire pour les femmes. Notons qu’il n’y a jamais eu de femme leader d’un grand parti politique.
Une société machiste
Certains répliquent que nous avons eu dans un passé récent des parlementaires femmes, voire, des ministres. Elles ont même affiché un certain tempérament, telles Shireen Aumeeruddy-Cziffra, Sheila Bappoo, Neeta Deerpalsingh, Ariane NavarreMarie, Monique Ohsan-Bellepeau, Jocelyne Minerve… Ce ne sont que des exceptions. L’explication est simple. Ne nous voilons pas la face. Notre société est profondément machiste, tout comme toutes les religions. On ne laissera que quelques strapontins aux femmes.
Dès le départ, au sein de la famille noyau de notre société, l’arrivée d’un bébé garçon est mieux accueillie que celle d’une fille. Garson, prémié lo tifi, deziem lo. Et cela, dans toutes les communautés. La différence de traitement dans l’éducation ira grandissante avec l’âge. Un exemple : qui va expliquer à la fille pré-adolescente ce qu’est le cycle menstruel, les règles, le père ou la mère ? Autre exemple : si le couple n’arrive pas à avoir d’enfant, la faute incombera à la mère. Le père ne voudra pas accepter qu’il pourrait être stérile.
Dans notre société traditionaliste, un certain nombre de tâches échoit naturellement (ah bon, pourquoi ?) à la mère, comme l’entretien de la maison, la cuisine, la lessive et tutti quanti. Ça a évolué avec le temps, surtout dans les couches sociales intermédiaires. Les femmes, souvent plus brillantes en milieu scolaire, travaillent maintenant au lieu de rester à la maison. Elles ont même grimpé dans l’échelle professionnelle. Siègent-elles dans les conseils d’administration des grandes compagnies ?
Des progrès spectaculaires ont été constatés. Elles occupent même des postes à responsabilité. On ne compte plus le nombre de magistrates ou d’avocates ; idem dans le secteur financier. D’autres embrassent des carrières dans le stylisme ou la mode. On note une prise de conscience collective au sein de certaines organisations féminines spécialisées dans l’entrepreneuriat. Quelques femmes entrepreneures affichent même une belle réussite, mais les portes de la politique leur restent fermées quand arrive l’heure des grandes élections.
À l’inverse, le nombre de femmes battues est en constante augmentation. On vient d’en trouver une avec un couteau planté dans la tête par son mari, une autre qui a failli se faire étrangler par un homme encagoulé, qui n’était autre que son mari répudié ; ou encore celle qui a vu son visage défiguré à coups de cutter assénés par son compagnon. La prostitution s’étale à tous les étages. Au bas de l’échelle, certaines y ont recours par nécessité pour nourrir la famille ; d’autres sont tenues en laisse par des souteneurs dans l’ombre ; des escort ou call girls de plus haut rang y trouvent une belle source de revenus, tandis que des sugar babies détroussent allègrement des sugar papies excités par ce regain de virilité tardif. Les illusions perdues. Tout cela n’est qu’une question de l’offre et de la demande. Il n’existerait pas de prostituées s’il n’existait pas des hommes en manque de sensations éphémères, ou simplement des jouisseurs insatiables.
Obstacles à franchir
Jouons le jeu et prenons comme cobaye une femme qui mène une brillante carrière. Elle est gagnée par le démon de la politique. Elle veut apporter sa contribution dans la conduite des affaires du pays. Il va lui falloir d’abord convaincre son mari, qui ne sera pas toujours d’accord que son patronyme fasse l’objet de vindicte ou que sa vie privée soit étalée en cette ère des réseaux sociaux, qui préservent même l’anonymat des auteurs d’anathèmes.
Notre société est profondément machiste, tout comme toutes les religions. On ne laissera que quelques strapontins aux femmes.
Ensuite, elle devra veiller à protéger ses enfants de ce monde parfois glauque. Il faudra même les éloigner et les confier à leurs grands-parents. La femme déterminée sait d’avance que pendant des semaines, voire des mois, elle devra parcourir sa circonscription, apprendre à connaître son électorat (communauté, caste, échelle sociale, etc.). Elle devra prendre la parole dans des meetings de quartier ou de grands meetings nationaux, où les quolibets et bousculades ne manqueront pas. Mais le pire est encore à venir.
Dans une société parfois marquée par la violence et frappée par des fléaux comme l’alcool ou les drogues, elle devra être protégée par des agents de sécurité, voire des ‘gros bras’, pendant toute la campagne, souvent épuisante. Ces protecteurs musclés peuvent débarquer chez elle en quête de nourriture et de boisson, sans oublier leur rémunération pour leurs services. Bien que certains partis politiques disposent de fonds, ils ne sont pas inépuisables. Elle devra peut-être, avec l’accord de son mari, y aller de ses propres deniers.
«Met gro gagn gro ?»
Que les naïves comprennent que c’est ainsi que l’on mène campagne quand on veut avoir une chance de l’emporter. Ena pa pou regagn kosion. Enlevons le couvercle pour voir aussi les réunions nocturnes dans certaines familles, dans telle ou telle rue. C’est un travail de fourmi et de baratin. Elle devra même subir un certain lavage de cerveau pour savoir ce qu’elle devra prêcher en public, les répliques à éructer dans les hautparleurs pour contrer les adversaires, le programme et les promesses que tout parti doit mettre dans la bouche de ses candidats. Pas de fausse note, pas de diffamation (hum...), pas de faiblesses que l’adversaire pourrait exploiter. Attention aussi à l’habillement et aux signes extérieurs de richesse. La chasse aux couleurs est également ouverte.
Autre paradoxe de notre société. Les écoles primaires sont mixtes, mais dans certains collèges d’État, garçons et filles sont encore séparés. Ce qui n’est pas le cas dans tous les collèges privés. Dans le passé, cette barrière à l’adolescence était, selon notre société, destinée à éviter tout frottement ou friction. Or, de nos jours, des statistiques démontrent que la sexualité démarre autour de seize ans. Certains collèges sont même obligés d’accepter des filles déjà enceintes en classe. Qu’est-ce qu’on attend pour mélanger les deux sexes dans tout le cycle secondaire ? Nous le disons et le répétons sans cesse : l’éducation sexuelle et civique en milieu scolaire doit changer si l’on veut correctement former de futurs citoyens responsables. Certains pensent même que des parents devraient aussi parfois s’y soumettre !
En fin de compte, comment agir pour qu’il y ait plus de femmes en politique, et au Parlement ? Certaines très courageuses vont quand même se jeter dans les bras de la désillusion ? Il ne reste alors qu’à imposer un quota de femmes dans la gestion du pays, dan enn sosiété ki bouz fix.
Sinon, fam nek pou chom tayt ?
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