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Créneaux aéroportuaires: pourquoi Air Mauritius quitte-t-elle Heathrow?
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Créneaux aéroportuaires: pourquoi Air Mauritius quitte-t-elle Heathrow?
Après avoir soldé les avions, voici les «slots» se trouvant dans un véritable hub, celui-là, à l’aéroport d’Heathrow de Londres, dont se débarrasse Air Mauritius (MK). Une décision difficile à comprendre.
Roshi Bhadain s’est posé la question le 7 août sur une radio privée : pour quelles raisons abandonner les créneaux d’Heathrow pour se rabattre sur Gatwick, alors que ce dernier est plus difficile d’accès et surtout pourquoi laisser un des concurrents de MK, British Airways, bénéficier du trafic entre Heathrow et Maurice ? MK avait déjà annoncé cette décision les 17 mars et 16 juin 2023, justifiant ce transfert vers Gatwick par le nombre plus élevé de vols, soit sept au lieu de cinq par semaine.
Selon un ancien directeur de MK, l’abandon des créneaux d’Heathrow est une mauvaise décision. «On s’est séparé de ce qu’il y a de plus précieux. C’est comme un terrain dont le prix ne fait qu’augmenter que l’on vend. Et je ne parle pas du business potentiel perdu dans le transport de passagers de ce hub qu’est Heathrow.» Pour lui, le plus long transport par route pour accéder à Gatwick pourrait décourager les voyageurs venant à Maurice et vice versa.
Pourtant, dit Krešimir Kucko, le CEO de MK : «London Gatwick Airport is located south of Central London and is easily accessible, for example, the Gatwick Express train service links London Gatwick Airport to London Victoria Station in only 30 minutes.»
Alors que le Flight Centre d’Afrique du Sud annonçait, lui, que «generally speaking, Heathrow is the prime destination for international, long-haul flights, which clearly includes flights from South Africa. Anyway, Heathrow is fully geared up to handle large passenger volumes and has better transport links into London than does Gatwick» et que Heathrow «is popular with most international travelers… It also has better and faster rail links compared to Gatwick». Tout en concluant que «London Gatwick is a hub of low-cost operations, which London Heathrow is not». Ce qui fait dire à notre interlocuteur, ancien directeur de MK : «MK is going down-market by shifting from Heathrow to Gatwick.»
Raj Ramlugun, ancien employé et syndicaliste de MK et actuel secrétaire de l’Association des petits actionnaires, se demande si l’on aura la transparence sur le coût-bénéfice de cette migration vers Gatwick. «A-t-on calculé les pertes sur le long terme en passagers contre le moindre coût éventuel de Gatwick ? MK retrouvera-t-elle facilement ces créneaux à l’avenir si besoin est ?» Pour lui, comme pour l’ancien directeur, il sera difficile, voire impossible, de retrouver ces créneaux qui valent de l’or.
Il se peut aussi – on est obligé de faire des conjectures en l’absence d’informations officielles – que les créneaux aient été repris par Heathrow. C’est toutefois très improbable vu que ces droits sont normalement accordés perpétuellement et qualifiés de «Grandfather Rights», qui ne sont presque jamais remis en question. On parle cependant d’un minimum d’utilisation de 80 % de ces «slots» en période normale…
«Bijoux de famille»
D’après un ancien pilote de MK, cet abandon des «slots» d’Heathrow équivaut à une vente des bijoux de famille. «Lorsque l’on aura vendu tous les bijoux, comme les avions que l’on a soldés et les créneaux, que vendrat-on ? C’est en tout cas un mauvais signe.» Car la question se pose : et si l’on a vendu ces créneaux à une autre compagnie ? Ce qui est assez rare, nous dit l’ex-directeur de MK, «sauf si on a bien besoin d’argent. Ou tout simplement pour pouvoir financer l’achat de nouveaux avions qui rapporte gros à certains». Nous avons demandé à MK si elle a vendu ces «slots» et si une étude a été faite pour savoir si MK sortira gagnante sur le long terme avec cet abandon des «slots» d’Heathrow. Nous sommes dans l’attente d’une réponse. À noter que Kenya Airways a vendu les siens à Oman Air en 2016 pour USD 75 M (Rs 3,5 milliards).
Questions sans réponse
Et quid d’Airports of Mauritius Ltd qui, étant un monopole, rapporte normalement de gros revenus (un milliard de roupies en 2013) Free Paradise ? Et Mauritius Duty n’a-t-il pas été publié ? Pourquoi leur bilan ont-ils été? «Leurs bénéfices transférés» à MK ? Sont-ce ces dépenses négatives, du moins en partie ?
Réembauche chez MK
En attendant, après l’achat de nouveaux avions, d’autres «erreurs» commises par les administrateurs sont en train d’être corrigées. Et comment ! Pour pallier le manque de bras dans les avions, on recrute bien de nouveaux membres d’équipage. «Cependant, leur formation dure depuis janvier ! Les formateurs doivent travailler à temps plein dans les avions et former les nouvelles recrues à temps partiel.» MK a dû réembaucher d’urgence trois cadres instructeurs qui avaient été remerciés par les administrateurs et qui touchent déjà leur pension. «On paie deux fois ces veinards. Bel exemple d’économie !» s’emporte un employé. Un nouveau «Head of Ground Handling Services» vient d’être repris. Son âge : 70 ans. «Qu’importe son grand âge», nous dit un employé, «ce qui compte, ce sont les relations.»
Bilan financier: des dépenses négatives de Rs 6,5 Milliards
<p>On n’a pas vu le bilan complet d’<em>Airport Holdings Ltd</em> (AHL) 2021-2022 ni celui de MK, d’<em>Airports of Mauritius Ltd</em> ou de <em>Mauritius Duty Free Paradise Co Ltd</em> individuellement. Rien que quelques chiffres pour MK ont paru sur le site du <em>Registrar of Companies</em>. On y voit des bénéfices de Rs 1,5 milliard et un chiffre d’affaires de Rs 6,5 milliards. Cependant, ce qui surprend le plus, ce sont ces Rs 6 555 300 000 de dépenses négatives. Pourquoi ne pas les avoir indiquées comme des revenus ? Si ce sont des rentrées d’argent, d’où viennent-elles ? L’ancien directeur de MK s’interroge aussi sur les passifs de MK de 869,8 M d’euros (Rs 43 milliards) alors que les actifs ne se montent qu’à 666,5 M d’euros (Rs 33 milliards). </p>
<p>Pour lui, les chiffres affichés relèvent de la magie ou au mieux d’un miracle. <em>«Sans les notes d’explication incluses normalement dans le rapport annuel, ce miracle ne peut être expliqué. Comment le ‘gross profit’ qui affiche une perte de Rs 4,3 milliards peut-il devenir un profit net de Rs 1,5 milliard ?»</em> Il est évident que ce sont ces <em>«Other expenses» </em>négatives de Rs 6,5 milliards qui ont boosté le profit. </p>
<p>Le site du <em>Registrar of Companies</em> indique aussi des<em> «Long Term Borrowings» </em>de 632 254 000 euros, soit Rs 31,3 milliards. Seraitce la somme avancée par la<em> Mauritius Investment Corporation</em> (MIC) ? Ce dont on est sûr, c’est que la MIC a injecté Rs 25 milliards. Le ministre des Finances avait, le 25 mai 2021, concédé que Rs 3 milliards additionnelles avaient été injectées dans MK pour payer les salaires et autres dépenses, cela à partir du budget (pas la MIC), tout en ajoutant que dans le même budget, Rs 9 milliards avaient été provisionnées pour MK. En prêt ou en subvention ? On ne le sait. En tout cas, concernant les Rs 25 milliards de la MIC, on n’a aucune indication si des dividendes lui seront remis à partir de ces profits de Rs 1,5 milliard au cas où cet argent ne représente pas un prêt mais un investissement. Si c’est un prêt, est-ce que ces Rs 25 milliards seront remboursées à la MIC ? Ou seront-elles utilisées pour financer l’achat de nouveaux avions en remplacement d’appareils soldés par les administrateurs ? Justement, ils sont beaucoup à penser que ces<em> «long term borrowings»</em> pourraient inclure des dettes envers les compagnies de leasing ou autres banques pour l’acquisition d’avions. Seul le rapport détaillé pourra nous renseigner. Or, il ne le sera probablement pas, MK n’étant plus cotée en Bourse et n’ayant plus l’obligation de le faire depuis 2020. Raj Ramlugun s’attend à recevoir une copie du bilan en tant qu’actionnaire. Il se demande si ces bénéfices représentent une hausse du business ou une baisse de coûts après les licenciements massifs durant l’administration ? Selon un cadre du syndicat AMCCA, les dépenses liées au personnel ont été coupées en deux <em>«et cela pour la même quantité de travail. C’est grâce à l’effort des employés, même après le Covid et la reprise, que MK a pu sortir la tête hors de l’eau». </em></p>
<p><em>«Quelle est la valeur ajoutée apportée par la création de ce conglomérat AHL mis à part le licenciement de Yogita Babboo ?»</em> ironise Raj Ramlugun.</p>
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