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Julien Moutou: «L’envolée des prix des matériaux est un défi majeur pour notre industrie»

16 août 2023, 18:00

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Julien Moutou: «L’envolée des prix des matériaux est un défi majeur pour notre industrie»

Dans le domaine de la construction à Maurice, une complexité émergente réunit des défis et des opportunités étroitement liés. Julien Moutou, «Human Resources Manager» de Transinvest Construction Ltd, analyse les problèmes tels que la pénurie de main-d’œuvre hautement qualifiée, l’adoption de technologies de pointe et les enjeux environnementaux. Il expose la manière dont l’entreprise façonne l’avenir dans ce contexte. Cet entretien met en lumière la stratégie de l’entreprise, en mettant l’accent sur le développement local, la sécurité sur les chantiers et la culture de l’innovation. Ces discussions offrent un aperçu captivant des projets novateurs qui redessinent le paysage mauricien, contribuant à l’émergence d’une industrie à la fois durable et résiliente.

Quel est l’état actuel de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction à Maurice ? Existe-t-il une pénurie de main-d’œuvre qualifiée ou des défis liés au recrutement de travailleurs dans ce domaine ?

En effet, il existe actuellement une réelle pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur de la construction à Maurice. Il est important de souligner que la main-d’œuvre existe, mais il y a un décalage en termes de formation. Les travailleurs sont disponibles, mais ils ne sont pas suffisamment formés. Cela représente un défi majeur pour notre industrie.

Comment Transinvest fait-elle face à ce problème ?

Transinvest a opté pour une approche différente. Plutôt que de recourir à des travailleurs étrangers, nous nous engageons à former notre propre main-d’œuvre locale. Notre objectif est de promouvoir l’emploi «Made in Moris» en formant nos employés sur le terrain. Cette approche à long terme en vaut la peine, même si elle peut sembler plus complexe. Actuellement, environ 98 % de nos employés sont mauriciens, ce qui montre notre engagement envers le développement d’un savoir-faire local et durable.

Comment l’industrie de la construction à Maurice attire-t-elle et retient-elle les travailleurs qualifiés ? Quelles sont les stratégies que vous avez mises en place pour favoriser la rétention des talents ?

Traditionnellement perçu comme un secteur exigeant, la construction à Maurice s’efforce de devenir plus attrayante pour la nouvelle génération. Chez Transinvest, nous investissons continuellement dans des technologies intelligentes visant à améliorer les conditions de travail de nos équipes sur les chantiers. De plus, nous mettons en place une structure solide d’accompagnement et de formation qui offre à nos employés la possibilité de croître et de se surpasser. Nous accordons une grande importance à la sécurité au travail et à la création d’un environnement propice à l’épanouissement professionnel.

Quels types de formations et de programmes de développement professionnel sont disponibles pour les travailleurs de la construction ? Comment l’industrie encourage-t-elle la formation continue et le perfectionnement des compétences ?

Bien qu’il existe quelques programmes de formation dans le domaine de la construction à Maurice, beaucoup ne couvrent pas les nouvelles techniques de construction. Transinvest privilégie le partage de connaissances entre des référents expérimentés et de nouveaux talents. Nous restons à l’avant-garde des nouvelles technologies du secteur, et cela se traduit par une formation continue. Nous collaborons avec nos fournisseurs et des experts internes pour assurer une montée en compétences permanente.

Comment les avancées technologiques influencent-elles la main-d’œuvre, comment les entreprises, y compris Transinvest, s’adaptent-elles à ces changements et quelles compétences numériques sont de plus en plus demandées ?

Les avancées technologiques ont un impact significatif sur le secteur de la construction à Maurice, même si elles passent souvent inaperçues. L’utilisation de technologies, telles que les drones et les smartphones, améliore la gestion des chantiers en temps réel. Les compétences numériques, comme la maîtrise des outils d’analyse de données, sont de plus en plus recherchées lors du recrutement. Chez Transinvest, nous favorisons une culture d’innovation et encourageons nos équipes à s’adapter aux nouvelles technologies.

Comment aborder les questions de sécurité et de santé au travail pour protéger les travailleurs sur les chantiers ?

À Maurice, on constate une amélioration générale de la culture de la sécurité dans le secteur de la construction. Mais force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire. Tous les acteurs n’ont pas le même niveau d’engagement et beaucoup sont cantonnés à leurs simples obligations légales. L’investissement en matériel, l’organisation du chantier et la formation sont cruciaux.

Mais, au-delà, il est essentiel d’inculquer une culture sécurité à chacun de nos collaborateurs. C’est ce qui fait la différence. Par exemple, imposer de la rigueur dans l’analyse des risques inhérents aux chantiers, impliquer l’ensemble des collaborateurs dans la démarche sécurité en identifiant les risques, en signalant les quasi accidents, en participant aux plans d’action pour réduire ou supprimer le risque, ou en participant aux safety briefings quotidiens.

Quelles sont les mesures mises en place par Transinvest pour assurer des conditions de travail sûres et saines ?

La prévention est également un élément essentiel chez Transinvest. Afin de prévenir les accidents, nous nous assurons de faire une analyse de risques avant de démarrer un projet. Nous signalons et analysons également tous les «quasi-accidents» et agissons rapidement en sensibilisant nos équipes aux risques professionnels. Nous offrons également une formation continue en santé et sécurité à tous les niveaux de l’organisation et des opérations. Et, enfin, nous mettons en place des plans d’actions correctives ou préventives pour réduire les risques d’accidents. Nous avons parfois arrêté des chantiers pendant 24 heures ou plus pour revoir toute la gestion de la sécurité.

Quelles sont les mesures prises pour intégrer des pratiques durables et des considérations environnementales dans les projets de construction ?

Nous avons abordé cette question très récemment lors d’une conférence que nous avons organisée, intitulée «Construire mieux, avec moins». L’un des enjeux majeurs du secteur reste la construction bas carbone. Des solutions et alternatives existent, comme l’utilisation d’enrobés recyclés ou d’enrobés tièdes dans la construction routière.

Nous avons également lancé une initiative unique en partenariat avec l’université des Mascareignes qui permettra d’établir un «Bill of Quantities – Carbon». En termes simples, grâce à cette initiative, nous pourrons mesurer l’impact carbone de notre projet avant même son démarrage en estimant les quantités de matériaux et autres intrants du projet. Cela permettra non seulement d’évaluer précisément l’impact du chantier, mais également les axes d’amélioration potentiels par rapport au plan initial.

Quelles certifications de sécurité l’entreprise détient-elle pour ses projets de construction ?

À l’heure actuelle, Transinvest ne détient pas de certifications de sécurité spécifiques pour ses projets de construction. Cependant, nous avons établi des normes internes strictes en matière de sécurité qui dépassent souvent les exigences légales. Nous nous engageons à garantir des normes de sécurité élevées sur nos chantiers en impliquant nos employés dans la démarche sécuritaire et en collaborant avec des experts externes pour des audits réguliers.

Quel rôle joue le service des ressources humaines dans la promotion de la satisfaction des employés et le maintien d’une main-d’œuvre motivée ?

Nos équipes restent au cœur de nos activités. Sans les hommes et les femmes de Transinvest, rien ne se construit. Ainsi, nous nous assurons d’être une courroie de transmission des valeurs, du développement du potentiel et de l’épanouissement de nos employés dans un environnement sain et satisfaisant. Pour ce faire, nous mettons en place plusieurs initiatives, notamment notre enquête «Engagement Survey», baptisée «Dialogue», où chaque collaborateur a la possibilité de s’exprimer sur son quotidien, ses conditions de travail et sa vision de l’avenir de notre entreprise. Ce retour d’expérience nous permet de mettre en place des initiatives visant à améliorer le bien-être au travail.

Notre service veille également à ce que nos employés aient la possibilité de s’épanouir grâce à un plan de carrière clair et à des possibilités de formation. Par exemple, suite à l’un des retours de notre enquête d’engagement, nous avons établi une grille de compétences par métier qui permet de clarifier le projet professionnel potentiel de nos collaborateurs. Cela leur offre une visibilité claire et leur ouvre des opportunités au sein de notre groupe.

La création d’une structure de rémunération juste et équitable favorise également grandement cette motivation.

Comment l’entreprise encourage-t-elle l’innovation et s’adapte-t-elle aux changements dans la construction ?

Notre entreprise est un terrain de jeu exceptionnel pour nos jeunes ingénieurs, qui ont la possibilité de briller à tous les niveaux. Pour chaque projet, ils parviennent à proposer des solutions innovantes répondant aux besoins de nos clients. Leurs normes élevées les poussent souvent à dépasser les attentes de nos clients. De plus, notre savoir-faire ne cesse de se développer. Récemment, nous avons même déposé des brevets mauriciens pour de nouveaux types de drains. Par ailleurs, nous encourageons également l’innovation en remettant en question les normes de construction actuelles, et en valorisant des techniques internationales éprouvées dans plusieurs pays présentant des similitudes géographiques et climatiques avec Maurice, mais qui ne sont pas encore utilisées ici.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de recrutement et les critères utilisés pour embaucher des professionnels ?

Le recrutement des ouvriers et des cadres est géré différemment. Contrairement à la concurrence, nous sommes une entreprise qui recrute exclusivement de la main-d’œuvre locale. Même s’il aurait été moins coûteux et fastidieux de recruter de la main-d’œuvre en Asie, nous restons fidèles à notre label «Made In Moris», et notre équipe est composée à plus de 98 % de Mauriciens.

Néanmoins, nous sommes également en faveur de l’innovation, et de nouvelles techniques de construction voient le jour à Maurice sur nos chantiers. L’expertise de Colas (groupe international auquel nous appartenons), en particulier dans le béton banché et d’autres nouvelles techniques, est nécessaire pour la formation. Des ingénieurs et d’autres maîtres d’œuvre sont ensuite accueillis chez nous pour la formation de nos collaborateurs locaux et la mise en œuvre technique de ces nouvelles méthodes. Nous avons également mis en place un programme d’intégration pour les nouveaux embauchés, afin d’accueillir au mieux les nouveaux collaborateurs.

Comment l’entreprise assure-t-elle la conformité aux lois et réglementations du travail dans les régions où elle opère ?

L’équipe des ressources humaines veille à ce que l’entreprise respecte les lois et réglementations du travail en vigueur. Nous offrons une formation continue pour nous conformer aux normes légales et nous nous soumettons régulièrement à des audits externes pour garantir notre conformité. La sensibilisation et la formation de nos employés font partie intégrante de notre engagement envers la conformité légale.

Comment décririez-vous la performance économique récente de Maurice, en mettant l’accent sur les principaux moteurs de croissance et les défis rencontrés ?

Actuellement, la performance économique de Maurice reflète les défis mondiaux auxquels de nombreux pays sont confrontés. Cependant, la reprise économique à Maurice a été relativement rapide, en particulier dans le secteur de la construction. Néanmoins, des risques subsistent, tels que la volatilité des prix des matériaux et les incertitudes économiques internationales. Le secteur de la construction reste un pilier de l’économie mauricienne, soutenu par l’engagement des secteurs public et privé dans la croissance future du pays.

Quel est l’état actuel du secteur et quelles sont les tendances récentes en termes de projets et d’activités de construction dans le pays ?

Le secteur de la construction à Maurice connaît une activité soutenue, avec des projets majeurs tels que le Metro Express et la New Social Living Development Ltd (NSLD). Les projets structurants, comme le barrage de Rivière-des-Anguilles et l’aéroport de Rodrigues, contribuent également à la dynamique du secteur. Toutefois, nous avons récemment observé un ralentissement des activités dans le secteur privé. En dépit de ces fluctuations, le secteur de la construction demeure un moteur de croissance important pour l’économie mauricienne.

Quels sont les principaux défis auxquels la construction est confrontée, tels que la disponibilité des matériaux, les réglementations gouvernementales, entre autres ?

Le secteur de la construction à Maurice est confronté à plusieurs défis, dont la disponibilité des matériaux constitue un problème majeur. Une gestion plus précise de l’approvisionnement est nécessaire pour éviter les perturbations. De plus, l’adaptation aux changements climatiques rapides et l’adoption de nouvelles normes de construction sont des enjeux importants. Les réglementations gouvernementales évoluent également, ce qui nécessite une vigilance continue pour garantir la conformité.

L’environnement, notamment en matière d’urbanisme, reste également un enjeu crucial. Pour préserver sa réputation en tant que perle de l’océan Indien, Maurice doit revoir sa manière de construire en proposant des constructions plus durables, tant pour les Mauriciens que pour les touristes. La poursuite d’une image internationale positive permet d’attirer les investissements directs étrangers (IDE) nécessaires pour accompagner ces évolutions. Parallèlement, le développement de projets en partenariat public-privé (PPP), financés par le secteur privé mais ayant une utilité publique, apporte une valeur ajoutée significative au pays et à sa population.

Face à la flambée des prix des matériaux, comment Transinvest fait-elle face à cette situation difficile ?

La flambée des prix des matériaux constitue un défi majeur pour notre secteur. Cependant, nous avons établi des partenariats solides avec nos fournisseurs, ce qui nous permet de gérer les fluctuations des prix de manière proactive. Grâce à notre réseau mon- dial, nous menons des recherches intelligentes pour trouver des sources d’approvisionnement au meilleur prix. De plus, nous encourageons l’inclusion de formules de révision des prix dans nos contrats afin de maintenir un équilibre entre les risques et les bénéfices pour toutes les parties impliquées.