Publicité
Retour sur le lieux du crime | Béchard Lane, Saint-Paul : Dix cadavres découverts dans la maison de l’horreur
Par
Partager cet article
Retour sur le lieux du crime | Béchard Lane, Saint-Paul : Dix cadavres découverts dans la maison de l’horreur
Dans cette rubrique hebdomadaire, nous revenons sur des disparitions, des faits divers ou des crimes qui ont été perpétrés il y a plusieurs semaines, mois, années… Des drames qui ont marqué les esprits et qui ont bouleversé des vies à tout jamais…
Au milieu du silence et du froid, un homme âgé promenant son chien dans le quartier nous indique du doigt la maison. Celle-ci est particulière, sise au milieu des nombreuses autres accueillantes et bien entretenues. Fenêtres cassées, absence de portes, obscurité totale à l’intérieur. On aperçoit un amas de vieux objets brisés : poubelles, vêtements, valises, vitres de ce qui était autrefois un aquarium, livres, matelas... L’état de cette propriété témoigne de son abandon depuis des années, tandis qu’un sentiment de gêne habite ceux qui s’y aventurent. Certains passants et voisins nous regardent fixement. Leurs visages témoignent d’émotions contradictoires, la curiosité surtout prend le dessus. À Béchard Lane, Saint-Paul, Phoenix, les esprits se souviennent encore de la découverte macabre de dix cadavres, il y a exactement 19 ans, soit le 27 août 2004, dans cette maison de l’horreur…
Du haut du toit de la maison adjacente, deux vieilles dames nous observent. Nous leur demandons si elles se souviennent de l’incident survenu cette nuit-là. «Nou pa ti la nou...» Elles nous font comprendre que nous ne sommes pas les bienvenus, si c’est pour remuer ce macabre passé… D’autres voisins se souviennent toutefois de cette tragédie et sont plus loquaces. «Je passais par-là récemment et j’ai vu un garçon qui nettoyait la maison et enlevait tous les meubles. Je lui ai demandé et il m’a répondu que le terrain avait été vendu. C’est bien (...) Je me souviens encore de ce jour terrible. Les policiers sont arrivés après la prière du vendredi. Lorsqu’ils ont brisé la vitre, une forte odeur s’est répandue dans le quartier jusqu’à ma maison. En quelques minutes, le temps s’est arrêté et nous avons vu, sous le choc, les cadavres qu’on enlevait l’un après l’autre. J’étais là et je les ai vus, ils étaient en état de décomposition avancée. Les corps ont été placés dans des sacs en plastique», raconte M.I.
Les policiers découvriront dans cette maison dix cadavres, dont trois au rez-de-chaussée et sept au premier étage. Il s’avère que la plupart des victimes sont des membres de deux familles. Crithika Nundkumar, née Mawooa, et son fils Devesh ; Kuntee Mawooa, Chitra Mawooa et Ravi Mawooa. Trois autres victimes appartiennent à la famille Jhowry : Mala Jhowry et ses deux enfants, Yogini et Bhavish, qui avaient quitté leur anciennne maison en juillet de cette année-là pour s’installer à Béchard Lane. Ces deux familles se connaissent grâce à leurs activités communes dans un salon de beauté.Le corps de la neuvième victime est celui de Rajesh Dhayam, ancien cadre de l’Institut Mahatma Gandhi, qui entretient une relation amoureuse avec Crithika Nundkumar: il était porté disparu depuis le 6 août 2004.
Un dixième cadavre, celui d’Hervé Janvier, porté disparu depuis le 20 novembre 2002, est identifié par sa femme grâce à sa bague portant les initiales «HJ» et à sa montre. L’homme était connu dans le milieu des courtiers et son nom avait été cité à plusieurs reprises dans une enquête sur des ventes frauduleuses de terrains, et il était également recherché par le Central Criminal Investigation Department pour une affaire de fausses cartes d’identité
Note de suicide
Des tests effectués au Forensic Science Laboratory indiquent que des traces de cyanure ont été trouvées dans les corps autopsiés. Les médecins légistes sont d’avis que la mort des victimes du drame remonterait à une dizaine de jours avant la découverte. Mais comment se fait-il que nul n’ait rien pu constater pendant des jours ? Il s’avère que plusieurs de ces personnes décédées à Béchard Lane avaient laissé entendre à leur entourage qu’elles envisageaient de faire un voyage à Rodrigues, ce qui fait que personne ne soupçonnait quelque maldonne.
Un proche de la famille Jhowry avait alors expliqué à la presse qu’après avoir signalé la disparition des membres de sa famille à la police, plus tard, il aurait reçu des informations selon lesquelles ses proches se trouvaient à Saint-Paul. Il aurait même effectué des visites sur place, mais à chaque fois, il s’est heurté à des portes bien cadenassées, ne se doutant alors pas que quelqu’un était à l’intérieur. «Lorsque le véhicule de Rajesh Dhayam a été repéré ici, d’autant plus que la nature de sa relation était connue avec l’une des habitantes, c’est alors que l’enquête aurait peut-être mené les autorités jusqu’ici et que la macabre découverte a été faite. C’était un cauchemar», se souvient M.I.
Or, à mesure que l’enquête avance, plusieurs pistes sont envisagées par la police. Parmi elles : le suicide collectif. Car le groupe de personnes décédées serait également soupçonné de faire partie de la secte Eckankar, car Rajesh Dhayam en a fait partie dans les années 1990. Peu après, des révélations sur les convictions radicales de Crithika Nundkumar, sur ses rites religieux plutôt bizarres et sa façon de parler, font également surface. Une lettre de suicide écrite par cette dernière est retrouvée par la police, dans laquelle elle évoque des problèmes conjugaux et d’endettement, blâmant entre autres un officier de police comme faisant partie de ceux qui auraient refusé de l’aider financièrement et sollicité des faveurs sexuelles auprès d’elle.
Motifs de ces décès inconnus
Crithika Nundkumar pourrait-elle avoir empoisonné toutes ces personnes avec du cyanure avant de se donner la mort en raison de ses croyances ou de difficultés financières ? Ou alors les dix personnes présentes dans la maison ont-elles accepté de commettre cet acte irréparable sous quelque impulsion ? Les décès pourraientils être le résultat d’un acte criminel ? Les questions demeurent. Le Police Press Office nous fait savoir que le dossier a été bouclé mais qu’aucune suite n’a pu être donnée à cette affaire du côté du bureau du Directeur des poursuites publiques, ce en 2021.
Ce qui est certain c’est que, dix-neuf ans plus tard, les habitants de Béchard Lane n’ont pas oublié ce traumatisme. «Nous ne saurons jamais ce qui s’est passé. Les enfants du quartier qui avaient été témoins de cette scène ont grandi, certains sont à l’étranger (…) Mais on s’en souvient encore», nous dit M.I…
Publicité
Les plus récents